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Chat sauvage

Fiche descriptive
Séquence didactique
Annexes
Chat sauvage
POULIN, Jacques
Par Karine Vachon


Nationalité de l'auteur : Québécoise
Genre : Roman
Courant :
Siècle : 20e siècle
Groupe d'âge visé : Collégial
Auteur de la séquence : Karine Vachon
Date du dépôt : Hiver 2005


Chat sauvage, l’œuvre intégrale choisie pour cette séquence, s’inscrit dans l’ensemble trois, c’est-à-dire le cours de littérature québécoise du programme obligatoire de français du collégial. La sobriété de l’écriture de l’auteur laisse aux élèves l’impression d’une lecture « facile », accessible et remplie de lieux communs : l’intrigue se déroule dans les rues du Vieux-Québec, lieu de prédilection de l’auteur. Ainsi, les élèves se sentiront interpellés par les décors, ce qui aura pour effet d’augmenter leur degré de familiarité avec l’oeuvre et fort probablement d’accroître leur motivation intrinsèque.

Une œuvre plurielle

Les nombreuses références littéraires et artistiques explicites (Irving, Hemingway, Chandler, Carver, Jean-Paul Lemieux, etc.) amènent le lecteur à s’interroger sur le sens qu’elles produisent. La théorie des stéréotypes, telle que définie par Jean-Louis Dufays et Sylvie Mongrain1, permet à l’enseignant de guider les élèves vers une lecture plurielle qui sera abordée par l’intertextualité. Les décors et les personnages stéréotypés de même que les lieux communs ouvrent la porte du sens aux élèves. Les réseaux de textes permettent de découvrir l’intertextualité mythologique dans l’œuvre. L’image de Charon est présente dans plusieurs textes de Poulin dont le roman Chat sauvage. Pour arriver à voir ce personnage mythique, les élèves devront se familiariser avec l’image de Charon et arriver à voir sa transposition dans le texte à l’étude. Cette séquence sera basée sur « la lecture méthodique » définie par Biard et Denis : « Un niveau de lecture est donc la lecture de l’ensemble d’un texte, portant sur l’ensemble de ses significations, mais une lecture qui s’en tient à un certain degré de complexité. Le niveau de lecture permet au professeur de transformer le texte en objet d’étude, traduisible en objectifs. Il s’actualise, pour l’élève, sous la forme d’un discours du texte».

Afin que le discours prenne forme, la séquence sera divisée en trois étapes d’apprentissage liées à trois niveaux de lecture différents correspondants aux trois temps de la lecture : avant, pendant et après.

Objectifs d’apprentissage

À la fin de cette séquence, l’élève sera en mesure de reconnaître l’intertextualité dans l’œuvre de Jacques Poulin ; de comprendre et d’interpréter le roman et de rendre compte de cette interprétation lors d’une activité synthèse de création.

Problèmes de lecture

L’œuvre présente plusieurs problèmes de lecture dont deux sont retenus pour cette séquence : l’intertextualité qui est présente dans le texte en entier, voire dans chacun des romans de l’auteur, et l’ouverture à la fin du roman. Cette situation-problème a pour fonction d’amener l’élève à faire une lecture au second degré, donc à éviter la lecture linéaire à laquelle il pourrait être tenté de se limiter à cause de la sobriété de l’écriture.

Avant la lecture ou la lecture linéaire (deux premières séances)

La première séance est réservée à la présentation de l’œuvre. L’enseignant devra poser les bases concernant le postmodernisme, l’auteur, son œuvre et le roman à l’étude. Il parlera alors des thèmes et des éléments récurrents d’un roman à l’autre (les chats, une jeune femme mystérieuse, une vieille Volkswagen, la profession du personnage principal liée à l’écriture (écrivain, traducteur), etc.) tout en mettant l’accent sur la dichotomie mort/vie qui sera le point d’ancrage de cette séquence. La première activité a pour fonction de favoriser un premier contact avec le texte. La citation en exergue sera étudiée avec les élèves. Le paratexte permet à l’enseignant d’amorcer le travail sur l’intertextualité. Il en fera la lecture aux élèves et ceux-ci discuteront en équipe des possibilités d’interprétation. L’enseignant les prendra en note afin de réutiliser ces interprétations lors d’une activité qui sera réalisée ultérieurement. En plénière, ils partageront avec la classe leurs interprétations de la citation : ce qu’ils croient qu’elle peut signifier, ce qu’elle annonce, etc. Ainsi, « les élèves sont forcés de prendre conscience des orientations plus ou moins spontanées qu’ils donnent aux inférences qu’ils font les uns en présence des autres». L’enseignant écrira les interprétations des élèves au tableau et les utilisera pour introduire un personnage de la mythologie égyptienne : Bastet. Elle est la protectrice des femmes et des enfants lorsqu’elle a une tête de chat; terrifiante déesse de la guerre qui tue tout sur son passage lorsqu’elle a une tête de lionne. Ce mythe illustre bien le principe de la dichotomie mort/vie et l’importance de la chatte et de Macha dans le roman de Poulin. Une image de la déesse sous ses deux formes pourrait être montrée aux élèves afin de leur permettre de mieux comprendre le mythe.

Au cours de la deuxième séance, l’enseignant utilisera la théorie des stéréotypes afin d’introduire le décor du mythe de Charon. Ce décor lugubre n’est pas inconnu des élèves : un brouillard dense, près d’un cours d’eau, une barque ou un bateau, une ambiance étrange. Les élèves reconnaîtront facilement ce décor et pourront s’amuser à le recréer. Selon Séoud, si les élèves « y voient leur engagement à eux, de cette construction du sens […] le jeu (dans tous les sens du mot) sur la variabilité des interprétations, selon les personnes, les situations, les occasions donnent bien à voir aux élèves qu’ils ont affaire non pas au monde à travers un langage ou un texte (comme c’est justement le cas dans les explications de textes traditionnelles), mais rien qu’à un langage ou à un texte (qui peut parler du monde)4. »

L’enseignant étant soucieux de la nécessité de cette compréhension, de ce rapport au langage, il présentera un réseau de textes puisés dans les romans de Poulin : le chapitre 12, « Le vieil homme au bord du Mississipi » dans Volkswagen blues; le chapitre 31, « Le bateau fantôme » dans Le vieux chagrin et Le mythe de Charon. En équipe, les élèves devront relever les éléments de description récurrents présents dans les trois textes.

Par la suite, individuellement, ils devront écrire un court texte de création qui reprendra ces éléments. La création transtextuelle leur permettra de réaliser les nombreuses formes que peut prendre un hypotexte et être en mesure d’en reconnaître les diverses manifestations dans un roman tel que celui de Poulin. Cette évaluation sera formative. Une activité de lecture pourrait rendre compte des nombreuses possibilités de transformation d’un mythe, ainsi la reconnaissance de l’intertextualité par les élèves serait bonifiée grâce à cette « lecture publique ».

Pendant la lecture ou la lecture au second degré (les séances trois à six)

Afin de maximiser les apprentissages, les élèves devraient avoir lu au moins la moitié du roman pour réaliser les activités d’apprentissage qui leur seront proposées. L’enseignant utilisera des extraits du roman où l’on retrouve des éléments intertextuels explicites. Le texte regorge de ces éléments. Les élèves devront en relever le plus possible. L’enseignant partagera les treize premiers chapitres entre les équipes afin de réaliser une activité de groupes d’experts. Les experts éplucheront leur chapitre en relevant les manifestations intertextuelles. De retour au sein de leur équipe d’origine, les élèves partageront leurs découvertes. Ainsi, la moitié du roman sera couverte par tous les élèves en une seule séance. De plus, sachant que les apprentissages de leurs coéquipiers dépendent de l’investissement sérieux de chacun dans la réalisation de la tâche, les élèves seront davantage motivés et l’activité responsabilisera chacun des élèves.

L’enseignant proposera une seconde activité de création. Elle sera formative et obligatoire. Une séance sera suspendue afin que les élèves puissent se rendre au Musée national des beaux-arts du Québec comme Jack l’a fait au chapitre neuf. Ils devront trouver le tableau intitulé Chacun sa nuit et écrire l’histoire des personnages de cette peinture. Un court texte réflexif devra accompagner cette création. L’enseignant devra y retrouver une interprétation personnelle de ce tableau. Ce dernier sera une explication de la création réalisée par l’élève. De retour en classe l’enseignant prendra quelques textes au hasard et il en fera la lecture aux élèves. En plénière, les élèves participeront à une discussion sur les différentes façons dont ces interprétations auraient pu modifier ou annoncer la fin du roman de Poulin.

La plénière permet d’amorcer la prochaine étape. Celle-ci est la plus importante, celle de l’intertextualité et de la mythocritique. Les élèves devront avoir presque terminé la lecture du roman. Ils devront apprendre à lire entre les lignes. Selon Pierre Brunel, la mythocritique est « une enquête sur la présence des mythes dans le texte littéraire, sur les modifications qu’ils y subissent et sur la lumière éclatante ou diffuse qu’ils émettent5 ». L’enseignant devra faire en sorte que les élèves découvrent qu’« il ne s’agit pas en mythocritique de références passagères, mais de références multiples et interdépendantes6 ». Afin que les élèves construisent leurs nouveaux savoirs, l’enseignant fera de nouveau appel à la théorie des stéréotypes. Tout d’abord, il demandera aux élèves la description qu’ils feraient d’un vieil homme. L’enseignant écrira au tableau tous les éléments de description trouvés par les élèves. Ensuite, il présentera à nouveau le mythe de Charon. À ce texte sera ajouté l’incipit où le narrateur décrit le personnage du vieil homme; le chapitre 24 qui dépeint de façon explicite le mythe de Charon et une image de Charon. En équipe, les élèves feront le même exercice qu’ils ont réalisé lors des premières séances, c’est-à-dire qu’ils relèveront les descriptions du vieux Sam et feront des liens avec la description de Charon et son image. La liste d’éléments semblables qu’ils auront établie servira de matrice pour la rédaction d’un plan détaillé d’un texte de création qu’ils auraient pu rédiger. Encore une fois, cette activité sera formative et corrigée par les pairs.

Après la lecture (environ trois séances)

Lors d’une plénière, les élèves donneront leurs impressions à la suite de la lecture de ces textes. L’enseignant abordera les notions d’intertextualité et de mythocritique. Il sera en mesure, à ce moment, de demander aux élèves de revenir sur les apprentissages précédents et de tenter de construire le sens, ou selon Biard et Denis d’« examiner les réseaux et les enchaînements sémantiques7 ». Il sera alors nécessaire de revenir aux manifestations thématiques, à la dichotomie mort/vie, que l’on retrouve dans le paratexte. Les interprétations de la citation en exergue, activité réalisée au début de la séquence, seront écrites au tableau. Les élèves pourront prendre conscience de la pertinence de leurs premières impressions et de leurs anticipations sur l’histoire et prendre ainsi conscience de la construction de leur compréhension du roman. L’enseignant doit impérativement revenir sur le texte en soulevant une question primordiale pour une compréhension optimale : si le personnage Sam représente le chemin vers la mort, le chemin vers les Enfers, et le protagoniste décide de ne pas le suivre, donc de ne pas avancer vers la mort et les Enfers, que fait-il? Le dernier chapitre pourrait faire la lumière sur cette question, mais les romans de Poulin ne donnent jamais de réponses aux lecteurs. Macha, qui est intimement liée au chat sauvage et qui représente la vie, comme nous l’avons remarqué lors des premières séances de la séquence, prend de plus en plus de place dans la maison de Jack. Ce dernier se sent de trop et décide de partir. Il fait ses bagages, s’allonge pour se reposer et s’endort. Le protagoniste ne suit pas la mort et il fuit la vie en décidant de quitter la maison.

À la suite de cette manifestation sémique, mise en évidence grâce à la mythocritique et à l’intertextualité, une activité synthèse sera proposée aux élèves. Cette activité vise à permettre à l’élève le réinvestissement de sa compréhension et de son interprétation du roman. Ainsi, il pourra faire la démonstration de ses compétences de lecture. L’activité s’intitule : « Que fera Jack? »

L’élève devra réaliser une activité de « lecture-écriture8 », c’est-à-dire qu’il devra écrire le vingt-sixième chapitre du roman Chat sauvage. L’élève devra impérativement respecter les caractéristiques du personnage (calme, angoissé, introverti, etc.), la narration (écriture sobre, focalisation externe, écriture au « je », utilisation de comparaisons, etc.), les décors (l’action doit se dérouler au Québec et de préférence dans la ville de Québec et tous autres éléments jugés pertinents comme la présence d’un chat, d’une librairie, d’une peinture, etc.). Il n’y a aucune restriction quant à la temporalité. La « suite » de l’histoire peut avoir lieu lors du réveil de Jack, une semaine plus tard, la saison suivante… L’élève devra donner un titre à sa création. Cette exigence répond au critère de cohérence (tous les chapitres de l’œuvre ont un titre) et elle oblige l’élève à trouver le propos de son texte.

La synthèse des contributions

La création du chapitre étant terminée, les élèves doivent partager leur création avec les autres élèves de la classe. Une semaine après la remise des textes à l’enseignant, de nouvelles équipes « temporaires » seront formées afin de faciliter le partage et de favoriser de nouvelles rencontres. L’activité pourrait s’intituler : « Raconte-moi une histoire! » Chaque élève lira son conte aux élèves de la nouvelle équipe. Ils pourront constater les innombrables possibilités et les interprétations de chacun. Le professeur circule parmi les équipes afin de s’assurer que les élèves font la lecture de leur création et partagent les étapes de leur démarche personnelle avec les autres. Chacun pourra, lors de cette séance, expliquer aux autres comment il a procédé pour créer son chapitre. La créativité de chacun ainsi que les connaissances théoriques nouvellement acquises seront bonifiées par ce partage.

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1 DUFAYS, Jean-Louis et MONGRAIN, Sylvie, « Stéréotypes et apprentissage de l’écriture », Le Français aujourd’hui, n° 127, Septembre 1999.
2 BIARD, Jacqueline et DENIS, Frédérique, 1993, Didactique du texte littéraire, progressions et séquences, Coll. Perspectives didactiques, Nathan, Paris, 239 p.
3 SÉOUD, Amor, 1997, Pour une didactique de la littérature, Langues et apprentissage des langues, Hatier/Didier, Paris, 249 p.
4 SÉOUD, Amor, 1997, Pour une didactique de la littérature, Langues et apprentissage des langues, Hatier/Didier, Paris, 249 p.
5 SIROIS, Antoine, 1999, Lecture mythocritique du roman québécois, Triptyque, Montréal, 132 p.
6 Ibid. p.10
7 BIARD, Jacqueline et DENIS, Frédérique, 1993, Didactique du texte littéraire, progressions et séquences, Coll. Perspectives didactiques, Nathan, Paris, 239 p.
8 NOËL-GAUDREAULT, Monique, « Didactique de la littérature, Bilan et perspectives », Les cahiers du centre de recherche en littérature québécoise, 1997, n° 21, Nuit blanche éditeur, Québec, 253 p.



BIBLIOGRAPHIE

BIARD, JACQUELINE, DENIS FRÉDÉRIQUE, 1993, Didactique du texte littéraire, progressions et séquences, Coll. Perspectives didactiques, Nathan, Paris, 239 p.

DUFAYS, JEAN-LOUIS et MONGRAIN SYLVIE, « Stéréotypes et apprentissage de l’écriture », Le français aujourd’hui, n° 127, septembre 1999.

MIRADIA, ANNE MARIE, 1993, L’écriture de l’autre chez Jacques Poulin, Coll. L’Univers des discours, Les Éditions Balzac, Candiac, 243 p.

NOËL-GAUDREAULT, MONIQUE,  1997, « Didactique de la littérature, Bilan et perspectives », Les cahiers du centre de recherche en littérature québécoise,  nº 21, Nuit blanche éditeur, Québec, 253 p.

POULIN, JACQUES, 1998, Chat sauvage, Leméac/Actes sud, Paris, 189 p.

POULIN, JACQUES, 1989, Le vieux chagrin, Leméac éditeur inc., Paris, 188 p.

POULIN, JACQUES, 1988, Volkswagen blues, Leméac éditeur inc., Paris, 323 p.

SÉOUD, AMOR, 1997, Pour une didactique de la littérature, Langues et apprentissage des langues, Hatier/Didier, Paris, 249 p.

SIROIS, ANTOINE, 1999, Lecture mythocritique du roman québécois, Triptyque, Montréal, 132 p.

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