Justification de la pertinence de l’oeuvre choisie

Vendredi ou les limbes du Pacifique pourrait être étudié dans le cadre des cours de français au collégial québécois : ensembles 2 et 3.

Situations-problèmes

La victoire de la nature sur la civilisation (en lien avec la métamorphose du personnage de Robinson) et l’inversion des rôles (Robinson prend les caractéristiques de Vendredi et inversement) se posent comme éléments essentiels du roman de Michel Tournier. C’est pourquoi il apparaît fort important de s’arrêter, dans la lecture du roman, sur les signes qui évoquent, illustrent ou annoncent même l’inversion des rôles entre Robinson et Vendredi, inversion engendrée par la métamorphose radicale de Robinson dans son rapport à la civilisation et à la nature.

La séquence et les outils utilisés

Dans leur lecture de Vendredi ou les limbes du Pacifique, les élèves sont invités à résoudre ces deux problèmes de lecture tout en faisant des liens entre Vendredi ou les limbes du Pacifique de Michel Tournier et Robinson Crusoé de Daniel Defoe, publié en 1719, parce que le contraste entre les deux romans met en lumière les fondements de l’œuvre de Tournier. Les élèves ont, par conséquent, pour premier mandat d’approfondir le mythe de Robinson Crusoé afin de comprendre par la suite de quelle façon Tournier en donne une nouvelle version, sans pour autant s’investir dans une comparaison savante des deux œuvres. Une fois les différences établies, les élèves sont à même de saisir l’essentiel de la réflexion philosophique inhérente au roman de Tournier et de résoudre les problèmes de lecture proposés. Un réseau d’extraits de textes, des références à des films et à des dessins animés, qui reprennent le mythe de Robinson Crusoé, seront présentés aux élèves par des exposés magistraux de l’enseignant, une discussion animée en classe sur les oeuvres dont se souviennent les élèves, et par la lecture interactive des élèves des extraits de textes sélectionnés.

Avant la lecture

Activité 1 – Activation des connaissances et présentation de deux mythes: le mythe de Crusoé et le mythe de l'américanité

Avant même que les élèves commencent à lire, l’enseignant réactive leurs connaissances antérieures[1] en ce qui concerne le mythe de Robinson Crusoé par des exemples d’œuvres littéraires connues qui reprennent ce mythe : les contes pour enfants et les dessins animés, notamment, qui, déjà, ont pu donner une certaine idée du personnage et de son histoire. Les élèves sont aussi appelés, s’il y a lieu, à faire référence à des œuvres cinématographiques qui reprennent le mythe (Seul au monde, Vendredi ou un autre jour [2]). Après avoir rappelé à la mémoire des élèves un certain nombre d’adaptations du mythe de Robinson Crusoé, l’enseignant peut les amener à pousser leurs connaissances plus loin. C’est à ce moment que l’enseignant présente le roman Robinson Crusoé de Daniel Defoe dans l’optique de faire connaître aux élèves les origines de cette histoire. La connaissance, même sommaire, de l’œuvre de Defoe est importante dans la compréhension de celle de Tournier parce qu’elle pose une des bases de « la modernité romanesque en mettant en place le mythe de l’américanité alors que celle de Tournier déconstruit ce mythe. Robinson Crusoé servira d’ailleurs de « texte-écho » pour toute la séquence[3] ». Pour une meilleure analyse de l’œuvre de Tournier, l’enseignant présente les grandes lignes du mythe de l’américanité. Comme ce mythe est intimement lié aux problèmes de lecture à résoudre, il est important que les élèves en aient une certaine connaissance (conquête des grands territoires, volonté de civiliser ce qui est sauvage, quête du paradis perdu). Enfin, il est pertinent d’exposer le contexte d’émergence de chacune des deux œuvres.

Activité 2 – Préparation à la lecture de la première partie de Vendredi ou les limbes du Pacifique

Pour prendre connaissance de l’importance de ce mythe dans l’histoire littéraire et pour voir sous quelles formes il a pu être réifié, les élèves ont à lire, en classe et à tour de rôle, des extraits de contes pour enfants et de romans pour la jeunesse qui reprennent l’histoire de Robinson, dont Vendredi ou la vie sauvage de Michel Tournier. De plus, l’enseignant initie les élèves aux origines du mythe de Robinson Crusoé en faisant en classe le résumé ainsi que la lecture d’extraits choisis du roman de Daniel Defoe. Au cours de sa lecture d'extraits de Robinson Crusoé, l’enseignant fait part à la classe de sa réflexion sur le roman en commentant certaines parties des extraits qu’il lit[4]. Par la suite, il avise les élèves qu’ils doivent commencer la lecture du roman de Tournier en leur précisant de ne lire que les sept premiers chapitres, dans un premier temps. Les élèves devront, en cours de lecture, répondre à un questionnaire qui cible ces sept premiers chapitres : Que fait Robinson dans l’île ? De quelle façon Robinson apprivoise-t-il l’île ? Quel est le rapport de Robinson à la civilisation et à la nature ? Quelle est la nature de la relation entre Robinson et Vendredi ? Les questions du test visent à donner aux élèves l’occasion de rendre compte de leur faculté à comprendre le roman. C’est en quelque sorte un test de lecture formatif pendant la lecture.

Pendant la lecture 

Activité 3 – Questionnaire et discussion autour des interprétations personnelles

Les élèves lisent donc les sept premiers chapitres en répondant au questionnaire. Avant d’entreprendre le chapitre VIII et les suivants, l’enseignant doit vérifier la compréhension de l’œuvre par le biais des questions du test de lecture qui concernent ces chapitres. Il pose alors à tout le groupe quelques-unes des questions du test. Il invite de cette façon les élèves à parler du roman et de l’interprétation qu’ils en font. Cet arrêt, avant le chapitre VIII, n’est pas aléatoire puisqu’il précède l’épisode de l’explosion de la grotte, initiée involontairement par Vendredi, qui constitue en fait l’amorce de la métamorphose de Robinson (métamorphose psychologique, philosophique et même physique) et l’inversion des rôles. À ce stade, les élèves sont prêts à discuter des réponses qu’ils ont élaborées pour la première partie du roman. En équipes, ils font ainsi part à leurs pairs de leur compréhension des sept premiers chapitres du roman pendant que l’enseignant guide les discussions. Par cette activité, l’enseignant s’assure que les élèves possèdent les connaissances et la compréhension requises pour poursuivre leur lecture du roman.

Activité 4 – Préparation à la lecture de la seconde partie du roman

La compréhension de la deuxième partie du roman (chapitre VIII à XII) est fondamentale pour la résolution des problèmes de lecture proposés et c’est pourquoi il est essentiel de préparer la lecture de ces chapitres. Pour bien accompagner et préparer les élèves à la compréhension de la deuxième partie, l’enseignant distribue, à ce stade de la lecture, la deuxième partie du questionnaire. Des questions comme les suivantes composent ce test : Que se passe-t-il de particulier au chapitre VIII ? Que remarquez-vous à propos de l’attitude de Robinson au chapitre IX ? Quelles déductions pouvez-vous faire lorsque vous relisez les premiers chapitres de cette deuxième partie de votre lecture et la fin du roman ? Comment Robinson perçoit-il la civilisation à la fin du roman ?

Après la lecture 

Activité 5 – Test de lecture sommatif

Une fois la lecture complétée, l’enseignant revient avec le test de lecture et demande aux élèves de répondre, sur table, à toutes les questions, cette fois sans le livre, sans notes de cours, pour vérifier si, dans sa globalité, leur lecture atteint l’objectif ultime : comprendre l’œuvre par rapport aux problèmes de lecture proposés. Cette activité est, en fait, une évaluation sommative.

Activité 6 – Vérification de la compréhension de l'oeuvre relativement aux problèmes de lecture 

Pour vérifier la compréhension de l’œuvre en regard des problèmes de lecture, les élèves doivent analyser des extraits du roman, qui ont été sélectionnés par l’enseignant selon les problèmes de lecture à résoudre. L’analyse des extraits se fait en équipes : la classe est séparée en deux sections et, à l’intérieur de chacune des deux sections, les élèves forment des équipes. Les équipes de la première section répondent à la question qui concerne le premier extrait (sur l’inversion des rôles) alors que celles de la deuxième section analysent les extraits 2 et 3 (comparaison des deux extraits sur la métamorphose de Robinson.

Extrait 1 (p. 209-213)[5]

Dans cet extrait, les jeux de rôle proposés par Vendredi montrent-ils l’ascendant de ce dernier sur Robinson et, par conséquent, une inversion des rôles ? Commentez.

Extraits 2 et 3 (p. 43 à 46 et p. 241 à 245)

Le regard que Robinson porte sur la civilisation est-il similaire dans les deux extraits ? Commentez.

À la lumière de l’analyse des extraits sélectionnés, les équipes doivent rédiger un plan de dissertation (explicative ou critique selon le cours dans lequel s’inscrit l’étude de cette œuvre) afin de bien comprendre comment ils pourraient organiser leurs arguments selon les questions qu’ils ont travaillées. Une fois les plans élaborés, l’enseignant anime la mise en commun des idées de chaque équipe. Un porte-parole par équipe fait part à tout le groupe du plan élaboré. L’enseignant inscrit les idées au tableau, commente les plans et oriente au besoin les idées[6]. Tous les étudiants sont invités à prendre des notes afin de colliger un maximum d’éléments d’analyse. Cet exercice permet aux élèves de voir l’évolution de Robinson dans son rapport à la nature et à la civilisation et de bien comprendre l’inversion des rôles tout en leur donnant une panoplie de possibilités d’analyse pour une éventuelle dissertation[7]. Ce faisant, les élèves sont plus à même de s’approprier le roman de Tournier pour lequel ils devront rendre compte de leur compréhension à travers une activité d’écriture créative à la fin de la séquence.

Activité 7 – Pratique de l'écriture créative