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Contes et Nouvelles en vers

Fiche descriptive
Séquence didactique
Annexes
Contes et Nouvelles en vers
La Fontaine, Jean de
Par Julie Gignac


Nationalité de l'auteur : Française
Genre : Contes et récits
Courant : Classicisme
Siècle : 17e siècle
Groupe d'âge visé : Collégial
Auteur de la séquence : Julie Gignac
Date du dépôt : Hiver 2009


 

Justification de l’œuvre choisie

 

Contes et Nouvelles en vers[1], de Jean de La Fontaine, est l’œuvre que j’ai choisie pour ma séquence didactique. Celle-ci a été conçue pour des étudiants de niveau collégial et, plus particulièrement, pour ceux qui suivent le premier cours de français, soit « Écriture et littérature ». Contes et Nouvelles en vers s’inscrit en marge du courant dominant au XVIIe siècle, soit le classicisme. L’étude de cette œuvre permet donc à l’enseignant d’aborder en classe autant les caractéristiques de ce courant que celles de la tradition facétieuse française qui traverse plusieurs siècles. Elle lui offre également l’occasion de familiariser les étudiants avec les principaux enjeux littéraires du XVIIe siècle.

 

 Identification et justification des problèmes à résoudre et des objectifs d’apprentissage

 

Comme je l’ai mentionné précédemment, l’œuvre de La Fontaine se situe en marge de la production littéraire française du XVIIe siècle et, plus précisément, du courant classique. Dans cette perspective, l’un des problèmes de lecture que pose l’œuvre aux étudiants est de situer les Contes par rapport au contexte littéraire du XVIIe siècle. La situation-problème proposée aux jeunes adultes peut être formulée ainsi : démontrer que La Fontaine revendique, dans ses Contes et Nouvelles en vers, une liberté thématique et formelle, voire esthétique, dans le but de plaire à son lectorat. Elle engendre plusieurs sous-problèmes qui portent, entre autres, sur la forme, le thème central de l’œuvre, la position de l’auteur sur l’imitation et la censure, etc. Les activités créées pour cette séquence amèneront les étudiants à se questionner sur ces différentes problématiques. En présentant cette situation-problème aux apprenants, je vise principalement à atteindre quatre objectifs d’apprentissage :

- familiariser les étudiants avec la diversité de la production littéraire du XVIIe siècle;

- les amener à réfléchir sur le concept de champ littéraire, notamment sur les instances et les normes de légitimation qui le régissent;

- développer leurs capacités à comprendre et à interpréter une œuvre littéraire;

- améliorer leur expression écrite.

 

LA SÉQUENCE

 

AVANT LA LECTURE

 

Activité 1 - Le contexte sociohistorique et culturel

 

Cette activité tend à faire découvrir aux étudiants le contexte sociohistorique et culturel de la France au XVIIe siècle par le biais d’un site Internet[2] créé dans cette perspective. Les apprenants forment des équipes de trois ou de quatre et l’enseignant leur assigne une thématique précise. D’ailleurs, chaque page du site est consacrée à un thème et contient des questions formulées par l’enseignant. Les jeunes adultes effectuent une recherche sur Internet afin de répondre aux questions et, ainsi, compléter le site. À la fin du cours, l’enseignant effectue un retour en grand groupe pour que les étudiants se familiarisent avec les sujets approfondis par les autres équipes. Il établit des liens entre les différents thèmes, par exemple entre la création de l’Académie française et la codification des formes littéraires qui constitue une caractéristique du classicisme. Cela lui permet, entre autres, d’expliquer aux apprenants qu’est-ce que le champ littéraire et quelles sont ses instances de légitimation. Cette activité incite les jeunes adultes à construire eux-mêmes certaines connaissances qui seront réutilisées dans la séquence.

 

 Activité 2 - Le classicisme : fonction et notions fondamentales

 

Cette activité permet à l’enseignant de s’assurer que les étudiants comprennent la fonction sociale des œuvres classiques et certaines notions essentielles à la résolution du problème. Tout d’abord, l’enseignant explique aux apprenants la fonction sociale des œuvres classiques, qui est de « plaire pour instruire [3]». Il imagine également des anecdotes personnelles pour leur exemplifier les notions de bienséance et de vraisemblance. Les jeunes adultes inventent, ensuite, eux-mêmes des exemples en produisant deux courts textes de fiction que l’enseignant corrige. À la suite de cet atelier d’écriture, ils forment des équipes de trois ou de quatre qu’ils conserveront pour les prochaines activités. L’enseignant leur remet deux extraits d’œuvres littéraires françaises, soit l’un de La Princesse de Clèves de Mme de Lafayette et l’autre du Menteur de Corneille. Les étudiants analysent les deux extraits selon la question suivante : quelles normes littéraires du classicisme sont illustrées dans l’extrait suivant? L’enseignant effectue un retour en grand groupe pour s’assurer de leur compréhension.

 

 Activité 3 - Introduction dans l’œuvre de La Fontaine : la préface

 

L’enseignant explique aux apprenants la principale fonction des préfaces au XVIIe siècle et illustre son propos par celle d’Ibrahim de George de Scudéry et celle d’Andromaque de Racine. Les étudiants se placent, ensuite, en équipe, lisent la préface des Contes et répondent aux questions suivantes :

 

  • 1- Quelles sont les objections anticipées par La Fontaine au sujet de ses Contes?
  • 2- Quels arguments propose-t-il pour sa défense?
  • 3- Comment l’auteur définit les notions de bienséance et de vraisemblance?
  • 4- En quoi sa conception de ces notions diffère de celle imposée par le classicisme?

 

L’enseignant effectue un retour en grand groupe. Les étudiants comprennent, à ce moment-ci de la séquence, que La Fontaine procède à un renversement de la signification des règles de bienséance et de vraisemblance et, donc, qu’il refuse de soumettre son œuvre aux normes littéraires du classicisme. À la suite de cette discussion, l’enseignant lit à voix haute le premier conte du recueil. Il illustre ainsi le renversement opéré par La Fontaine. De surcroît, il est important d’amener les apprenants à « intérioriser la situation de départ [4]», donc de les guider avant leur lecture[5]. Dans cette perspective, l’enseignant explique aux jeunes adultes l’importance des notes à la fin de leur édition. Il attire également leur attention sur certains éléments, tels que les procédés stylistiques employés par l’auteur et la présence du conteur dans le récit, sans toutefois trop élaborer. Il demande aux étudiants de produire, dans un cahier, des résumés de lecture des contes vu l’ampleur du recueil. Outre les résumés, les apprenants y notent les divergences qu’ils remarquent entre l’œuvre de La Fontaine et les œuvres classiques.

 

PENDANT LA LECTURE

 

 Activité 4 - Les choix formels de La Fontaine : le conte et le vers

 

Cette activité vise à faire comprendre aux étudiants en quoi le choix du conte démontre la revendication d’une liberté formelle de la part de La Fontaine. Les apprenants se placent en équipe. L’enseignant leur distribue trois extraits de contes appartenant à des catégories différentes : « Coq Pomerleau » de Louis Fréchette pour illustrer le conte folklorique, « Le Petit Poucet » de Charles Perrault pour exemplifier le conte merveilleux et « De l’évêque qui bénit sa maîtresse » d’un auteur anonyme du XIIe ou XIIIe siècle pour illustrer le conte facétieux. Les étudiants comparent les extraits avec le conte « Comment l’esprit vient aux filles » de La Fontaine afin de situer ce dernier dans la catégorie qui lui convient. Pour ce faire, ils remplissent un tableau des divergences thématiques et formelles existant entre les différents types de contes. Les apprenants constatent alors que le conte de La Fontaine appartient à la forme du conte facétieux, mais qu’il est écrit en vers. L’enseignant demande aux étudiants d’induire la fonction sociale de la littérature licencieuse, qui est de divertir contrairement à celle des œuvres classiques. Il leur explique les conséquences de cette opposition, puis que le langage poétique représente une norme de légitimation au XVIIe siècle, qu’il possède une valeur littéraire supérieure à la prose et que c’est pour cette raison que le conte n’est pas une forme codifiée comme le théâtre. Il les amène à prendre conscience que l’auteur tente de renverser la hiérarchie des valeurs littéraires, donc de donner une dignité littéraire à une forme qui n’en a point au XVIIe siècle, en choisissant de versifier des contes.

 

 Activité 5 - Le thème de l’amour dans les Contes 

 

Les étudiants, en équipe, effectuent une analyse comparative entre un conte de leur choix de La Fontaine, un extrait de Bérénice de Racine et l’un de L’Heptaméron de Marguerite de Navarre. Ils comparent le traitement thématique de l’amour dans ces œuvres à l’aide des questions suivantes :

 

  • 1- Quel est le thème central du conte de La Fontaine et des extraits?
  • 2- Comment est-il développé dans chacun d’eux? Justifiez votre réponse.
  • 3- À quel extrait s’apparente le plus le conte de La Fontaine? Justifiez votre réponse.
  • 4- Est-ce que les règles de bienséance et de vraisemblance sont respectées dans le conte de La Fontaine et dans les extraits? Justifiez votre réponse.

 

Les étudiants forment de nouvelles équipes composées de trois ou de quatre membres qui ont analysé un conte différent afin qu’ils puissent échanger le fruit de leur travail. Ils arrivent ainsi à la conclusion que le thème de l’amour constitue un leitmotiv dans le recueil et que la tradition facétieuse française influence davantage La Fontaine que les œuvres classiques. Les apprenants rejoignent leur équipe respective afin de procéder à un nouvel exercice. La moitié de la classe analyse « La Coupe enchantée » et l’autre, « La Fiancée du roi Garbe », la consigne étant de repérer les procédés stylistiques employés par l’auteur pour éviter d’offusquer les lecteurs[6]. L’objectif de cette seconde analyse est d’amener les étudiants à constater que La Fontaine tente d’opérer un autre renversement dans la hiérarchie des valeurs prônées par les agents du champ littéraire au XVIIe siècle en accordant une fonction poétique à des propos grivois. Afin de préparer les apprenants à la prochaine activité et à la résolution du problème, l’enseignant leur demande, de manière individuelle, de produire une adaptation d’un conte de leur choix de La Fontaine et d’utiliser des procédés littéraires différents de ceux de l’auteur pour atténuer le caractère grivois de leur création.                                                                                                                    

 

 Activité 6 - L’imitation versus l’invention

 

Comme amorce, l’enseignant questionne les étudiants sur les reprises cinématographiques[7] qu’ils connaissent afin d’introduire l’importance de l’imitation dans la littérature du XVIIe siècle. Il illustre son propos par Jodelet ou le Maître Valet de Scarron qui constitue une imitation d’une pièce de théâtre de l’auteur espagnol Francisco de Rojas. À la suite de ces explications, les apprenants, en équipe, analysent le début d’un conte de La Fontaine parmi les suivants : « La Servante justifiée », « La Fiancée du roi Garbe » ou « La Matrone d’Éphèse ». Un tiers des équipes travaille sur chacun de ces contes qui présentent tous la position de l’auteur sur l’imitation. L’analyse des étudiants se base sur les questions suivantes :

 

  • 1- Quel auteur La Fontaine imite dans ce conte?
  • 2- Quelle position adopte La Fontaine en ce qui concerne l’imitation?
  • 3- Emploie-t-il certains procédés stylistiques pour présenter sa position? Si oui, lesquels?
  • 4- Quels effets produisent-ils?

 

Les équipes échangent leurs réponses à l’oral. Elles prennent conscience que l’auteur prône une grande liberté d’invention dans l’imitation et qu’il emploie plusieurs procédés littéraires pour poétiser sa position et, ainsi, plaire à son lectorat. L’enseignant engage une discussion avec les étudiants sur la prise de position de La Fontaine dans son recueil et celle dans la querelle des Anciens et des Modernes. Il les amène à constater certaines oppositions entre elles. Dans le but de constater la nature et l’ampleur des libertés d’invention que se permet La Fontaine, l’enseignant compare avec les étudiants le conte « Le Cocu, battu et content » à sa source littéraire, soit la septième nouvelle de la septième journée du Décaméron de Boccace.

 

APRÈS LA LECTURE

 

 Activité 7 - La censure littéraire

 

L’enseignant visionne en classe un extrait d’une représentation théâtrale filmée du Tartuffe de Molière. Il interroge les étudiants sur les causes de la censure dans le cas de cette œuvre, puis sur les causes de la censure littéraire en général. Il présente un bref exposé magistral sur la censure institutionnalisée, donc imposée par les instances de légitimation du champ littéraire au XVIIe siècle. Les jeunes adultes déterminent, ensuite, la position de La Fontaine sur la censure en analysant soit « Les Lunettes », « La Clochette » ou « Les Oies de frère Philippe ». Conformément à l’activité précédente, le tiers de la classe travaille sur chacun de ces contes. Les apprenants rédigent une réflexion sur le thème de la censure dans les Contes à l’aide des questions suivantes :

 

  • 1- Quelle est la signification des propos tenus par La Fontaine sur la censure dans les Contes?
  • 2- Quels arguments évoque-t-il?

 

Ceux qui sont volontaires partagent leur interprétation au reste de la classe. L’enseignant effectue un retour en grand groupe. À la suite de cette activité, les étudiants concluent que La Fontaine insère dans ses Contes des propos sur la censure de son propre recueil pour revendiquer une certaine liberté d’expression, voire une liberté esthétique.

 

 Activité 8 - L’évaluation sommative

 

La dernière activité consiste en une évaluation sommative où les étudiants réinvestissent les connaissances acquises durant cette séquence. Les jeunes adultes produisent, d’une manière individuelle, une imitation plus ou moins fidèle d’un conte de leur choix de La Fontaine. Ils rédigent également une préface dans laquelle ils justifieront leur imitation en fonction des différents thèmes abordés dans la séquence. Dans cette perspective, ils doivent situer leur création par rapport au courant classique, expliquer leurs choix formels et thématiques en fonction des instances et des normes de légitimation qui régissent le champ littéraire au XVIIe siècle, justifier leur degré de fidélité à leur source et anticiper quelques critiques des censeurs. Leur production compte pour 20 % de la session.

 

 

 

 

 



[1] Jean de La Fontaine, Contes et Nouvelles en vers, édition présentée, établie et annotée par Alain-Marie Bassy, Paris, Gallimard (Folio classique), 1982, 560 p.

[2] Voici l’adresse du site Internet dont il est question : http://sites.google.com/site/juliegignac/

[3] Aron Kibédi Varga, Les poétiques du classicisme, Paris, Aux Amateurs de Livres (Théorie et critique à l’âge classique), 1990, p. 31.

[4] Élisabeth Nonnon, « Fonction de l’aide et du questionnement de l’enseignant dans la lecture et la compréhension de textes », dans Recherches, no 17 (1992), p. 110.

[5] Étant donné que cette séquence a été conçue dans l’optique d’être présentée à la fin de la session, l’enseignant peut  déjà avoir lu certains contes aux étudiants, dans les cours antérieurs, afin de les amener à se familiariser avec l’écriture et le style de La Fontaine.

[6] Évidemment, les apprenants ont étudié les figures de style durant la session.

[7] L’expression « reprises cinématographiques » est synonyme de l’anglicisme « remakes ».

 

 


Bibliographie

 

 

 

FALARDEAU, Érick, « Quelle place pour les lecteurs dans nos classes de littérature? », dans Québec français, no 135 (automne 2004), p. 38-41.

 

KIBÉDI VARGA, Aron, Les poétiques du classicisme, Paris, Aux Amateurs de Livres (Théorie et critique à l’âge classique), 1990, 246 p.

 

LA FONTAINE, Jean de, Contes et Nouvelles en vers, édition présentée, établie et annotée par Alain-Marie Bassy, Paris, Gallimard (Folio classique), 1982, 560 p.

 

LAROCHELLE, Josée, « Constructivisme et socioconstructivisme », dans L’éclairage socioconstructiviste pour l’apprentissage de la littérature au collégial assisté par une technologie de réseau, examen de doctorat soutenu en juin 2006 à l’Université Laval, p. 13-24.

 

LEGROS, George, « Quelle place pour la didactique de la littérature? », dans Didactique du français. État d’une discipline, Paris, Nathan, 1995, p. 33-45.

 

MERINO-MORAIS, Jane, Différence et répétition dans les Contes de La Fontaine, Gainesville, University Presses of Florida (University of Florida Monographs), 1983, 142 p.

 

NONNON, Élisabeth, « Fonction de l’aide et du questionnement de l’enseignant dans la lecture et la compréhension de textes », dans Recherches, no 17 (1992), p. 97-132.

 

PERRENOUD, Philippe, Dix nouvelles compétences pour enseigner, Paris, ESF (pédagogies/outils), 1999, 188 p.

 

REUTER, Yves, « Enseigner la littérature? », Recherches, no 16 (1992), p. 55-70.

 

REUTER, Yves, « Le champ littéraire : textes et institutions », dans Pratiques, no 32 (1981), p. 5-29.

 

ROMANO, Guy, « Comment favoriser le développement des habiletés de pensée chez les élèves? », dans Pédagogie collégiale, vol. 6, no 1 (1992), p. 17-21.

 

SIMARD, Claude, « Le choix des textes littéraires, une question idéologique », dans Québec français, no 100 (hiver 1996), p. 44-47.

 


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