Elle :

1. Représente un défi pour le professeur et pour l'élève.
2. Amène l'élève à s'engager dans une réflexion portant sur le sens de la vie et sur la condition humaine.
3. S'inscrit bien dans une approche du sujet lecteur, car elle est propice à favoriser l'implication des élèves dans leur lecture (la pièce de Beckett provoque par ses thèmes - cruauté, relation sadomasochiste des personnages, suicide, vide de l'existence, impuissance du langage, etc. - et sa forme - fin ouverte, répétition des gestes, nombreuses didascalies, etc.).
4. Permet aux élèves de réinvestir leurs connaissances en philosophie.
5. Est contemporaine et que son enseignement n'enferme pas le théâtre dans une vitrine, contrairement à l'enseignement de pièces plus classiques[1].
6. A connu un immense succès, est l'une des pièces les plus jouées dans le monde et a provoqué un scandale lors des premières représentations.

Problèmes à résoudre

Le problème auquel les élèves se confronteront à la lecture de la pièce En attendant Godot est celui du genre : le théâtre de l’absurde. En effet, puisque cette pièce de théâtre sera peut-être, pour les élèves, l’occasion d’un premier contact avec le genre théâtral, il faut considérer que ce qu’on a aussi appelé le « théâtre de la dérision » leur sera d’autant plus problématique, car ils ne connaîtront pas ou peu les conventions théâtrales dont l’œuvre de Beckett s’écarte. Le théâtre de l’absurde posera problème aux élèves aussi bien par son contenu que par sa forme. En effet, la fin ouverte, la philosophie de l’absurde, l’absence d’intrigue, la présence d’antihéros, les nombreuses didascalies, l’absurdité des dialogues, la répétition des actions, l’humour noir et le contexte sociohistorique sont autant de barrières à la compréhension de l’œuvre. Dans cette séquence didactique, nous poursuivrons donc les objectifs d’apprentissage suivants :

1. Amener les élèves à réfléchir sur le sens de la vie et la condition humaine;
2. Familiariser les élèves avec le théâtre de l’absurde;
3. Développer le plaisir de la lecture et du jeu théâtral chez les élèves;
4. Initier les élèves au texte de théâtre et à la représentation théâtrale;
5. Faire vivre une expérience théâtrale aux élèves.

Activité 1 - introduction au contexte sociohistorique de l’œuvre étudiée

À partir d’une question posée aux élèves, et qui servira d’amorce à la séquence didactique, le professeur introduira le contexte sociohistorique du XX^e siècle en se concentrant sur la Seconde Guerre mondiale et la période d’après-guerre. Il sera important que le professeur explique aux élèves les répercussions qu’aura entraînées cette guerre sur la France, particulièrement sur le plan moral (valeurs remises en question, etc.). Voici la question qui pourrait être posée aux élèves: « Vous est-il déjà arrivé de vous sentir étranger “dans un univers soudain privé d’illusions et de lumière[2]”? ». Cette première activité permettra au professeur de susciter l'intérêt des élèves en les interrogeant sur leur propre expérience de l’absurde. La pièce de théâtre de Beckett ayant été publiée en 1952, cette introduction au contexte sociohistorique de l’œuvre permettra également aux  élèves de mieux comprendre la place d’En attendant Godot dans la littérature française, sa réception, son succès et le climat général dans lequel elle a été écrite.

Activité 2 - le concept d’horizon d’attente et l’objet-livre

À cette étape-ci de la séquence didactique, le professeur présentera la pièce de théâtre aux élèves et leur demandera de verbaliser leurs attentes par rapport à celle-ci. À quel genre d’œuvre s’attendent-ils? Selon eux, de quoi sera-t-il question dans ce livre? Qui sont les personnages représentés sur la page couverture? Pour aider les élèves à se construire un horizon d’attente, le professeur demandera aux élèves de porter une attention particulière au paratexte (titre, illustration, nom de l’auteur, maison d’édition, quatrième de couverture, mise en page, etc.). Il pourra lire avec eux la lettre adressée à Michel Polac et rédigée par Samuel Beckett que l’on retrouve en quatrième de couverture. Cette activité permettra aux élèves de se créer un premier horizon d’attente et de se familiariser avec l’objet-livre et la notion de paratexte. Enfin, le professeur présentera les Éditions de Minuit aux élèves (création, contexte sociohistorique, place de Samuel Beckett au sein de cette maison d’édition, production restreinte, évolution, etc.) pour que ceux-ci puissent percevoir la dimension « engagée » d’En attendant Godot (malgré ce que Beckett laisse entendre dans sa lettre à Michel Polac).

PENDANT LA LECTURE

Activité 3 – Lecture à voix haute et réception de l’œuvre

En classe, le professeur demandera à deux élèves volontaires de lire avec lui les dix premières pages de la pièce de théâtre. Par exemple, un élève pourrait lire les didascalies, tandis qu’un autre pourrait lire les répliques du personnage d’Estragon. Le professeur, quant à lui, lirait les répliques de Vladimir. À la suite de cette première lecture, le professeur pourrait demander aux élèves s’ils ont trouvé le texte déstabilisant, frustrant ou intéressant. Il pourrait également leur demander de relever un passage qui les aurait marqués ou de verbaliser leurs difficultés de compréhension. Les élèves pourront entendre le rythme du texte et prendre connaissances de la brièveté des répliques, des nombreuses didascalies, de la répétition des mots et des gestes, des silences, des personnages, de leur « quête », des antithèses (langage/geste), du décor minimaliste, du temps quasi indéterminé, etc. Enfin, le professeur présentera la réception de l’œuvre à sa parution, mais, surtout, la réception du public lors des premières représentations de la pièce. En effet, la pièce s’est confrontée à un public tantôt hostile et désapprobateur, tantôt enthousiaste et fasciné[3]. À cette étape-ci de la séquence, le professeur exposera le problème aux élèves: le genre du théâtre de l’absurde (ses caractéristiques, ses thématiques, sa forme).

Activité 4 - tableau comparatif à partir d’un extrait du Mariage de Figaro de Beaumarchais et d’En attendant Godot de Beckett

Afin de permettre aux élèves de percevoir l’évolution du théâtre français du XVIIIe siècle au XXe siècle et l’opposition de Beckett à « toutes conventions antérieures du théâtre[4] », les élèves auront à dégager, en équipe de deux, les éléments de ressemblances et de différences entre les deux œuvres, autant sur le plan du fond que de la forme. Ils pourront par exemple constater que l’humour diffère d’un texte à l’autre. C’est à partir du travail des élèves que le professeur abordera ensuite les notions propres au genre dramatique : didascalie, dialogue, monologue, division en acte, etc.

Activité 5 - lecture d’un extrait du Mythe de Sisyphe et plénière

Le professeur distribuera un extrait du Mythe de Sisyphe de Camus aux élèves, qu’ils devront lire individuellement à la maison. À la suite de cette lecture, le professeur demandera aux élèves de former des équipes de trois et d’expliquer à tour de rôle aux membres de leur équipe ce qu’ils ont compris du texte distribué. Ceux-ci devront également confronter leur conception de l’absurde pour tenter d’en arriver à un consensus. Une fois la discussion terminée, le professeur posera la question suivante aux élèves : « L’absurde est-il une philosophie pessimiste? », afin de les faire réfléchir sur cette philosophie et leur permettre de comprendre pourquoi les personnages de la pièce de Beckett ne se suicident pas (malgré leur envie).

 Activité 6 - début du projet : la lecture théâtrale

Les élèves auront à jouer, en équipe, un passage significatif de la pièce En attendant Godot. Ils devront donc choisir un extrait qui représente, selon eux, un moment-clé de l’œuvre et se donner la réplique, texte en main, afin de le mémoriser. Le professeur expliquera d’abord aux élèves les différentes étapes du projet et leur demandera de rédiger un cahier d’expression théâtrale, à partir des questions qu’il aura préalablement formulées. Par exemple, le professeur pourrait proposer aux élèves des questions telles que :

1. Le jeu dramatique vous permet-il de mieux comprendre le texte? De visualiser l’action, les lieux, les personnages? Pourquoi?
2. Que retenez-vous de cette expérience?
3. En quoi vos choix scéniques apportent-ils un sens nouveau à la pièce ou permettent-ils une meilleure compréhension de celle-ci?

Le cahier d’expression théâtrale des élèves sera évalué de façon formative par le professeur à la fin de la séquence didactique.

Activité 7 – sortie au théâtre et notions sur la représentation théâtrale

Le professeur préparera ses élèves à aller voir une représentation théâtrale de la pièce : achat des billets, respect pendant la représentation (pas de cellulaire, ponctualité, discrétion, bavardage, nourriture, etc.), durée de la pièce, entracte, applaudissements et ovation s’il y a lieu, etc. Cette activité permettra aux élèves de vivre une expérience culturelle, d’enrichir leur propre mise en scène et de faciliter la compréhension de l’œuvre. Le cours suivant, une discussion en classe sera animée par le professeur, pour recueillir les commentaires des élèves sur leur expérience : appréciation, incompréhensions, interrogations, choix scéniques, etc.

Activité 8 - l’écriture de l’absurde

Le professeur distribuera aux élèves un extrait de La cantatrice chauve de Ionesco et leur demandera d’observer individuellement les thèmes et le style d’écriture de l’auteur. À partir des observations des élèves, le professeur pourra compléter l’analyse de l’extrait en abordant par exemple les procédés comiques utilisés (quiproquos, malentendus, répétitions de mots et de gestes, etc.) et les thèmes présents dans celui-ci (l’incommunicabilité, l’indétermination du temps, etc.). Le professeur distribuera ensuite aux élèves un extrait de La leçon de Ionesco et leur demandera d’observer cette fois-ci la tonalité présente dans celui-ci. Pour s’aider, les élèves pourront lire le texte à voix haute en petites équipes. L’enseignant pourra alors demander aux élèves de déterminer la tonalité présente dans En attendant Godot. Cette activité permettra aux élèves de mieux comprendre le théâtre de l’absurde, ses caractéristiques, ses thèmes et sa forme. Elle leur permettra aussi de mieux saisir l’humour noir présent dans la pièce de Beckett, par l’étude d’un extrait de La leçon. En effet, dans cette pièce, le professeur assassine chaque fois ses élèves à la suite d’une leçon de plus en plus incohérente, ce qui fait rire le lecteur, malgré le tragique de la situation.

Activité 9 - projet : le jeu théâtral et les choix scéniques

À cette étape de la séquence, les élèves auront bénéficié de temps en classe pour mémoriser l’extrait qu’ils auront à jouer et comprendront mieux le théâtre de l’absurde. Le professeur leur permettra donc de pratiquer leur jeu en classe et de faire leurs choix scéniques en prévision de l’évaluation sommative. Afin que les élèves puissent s’approprier davantage la situation qu’ils jouent et leur personnage, le professeur circulera à travers les équipes et fera appel à la technique d’« arrêt sur image » et à la technique « sur la piste des pensées »[5]. L’élève choisi par le professeur devra alors s’immobiliser en un tableau vivant pour « réfléchir à ce qu’il vit et […] verbaliser les sentiments ressentis à ce moment précis[6] ». Le professeur pourra poser des questions à l’étudiant ainsi immobilisé pour lui permettre de parvenir à effectuer cette réflexion : « “Qui êtes-vous? Qu’êtes-vous en train de faire? À quoi pensez-vous en ce moment[7]” »?           

Activité 10 - analyse d’En attendant Godot

Cette dernière activité pendant la lecture permettra aux élèves de réinvestir toutes leurs connaissances sur le théâtre de l’absurde. Afin de se préparer à l’écriture du pastiche, les élèves feront cette analyse en trois étapes : l’analyse des thèmes, de la forme et des procédés d’écriture et de l’effet créé par ceux-ci. Cette évaluation formative permettra aux élèves de bénéficier d’une rétroaction sur leur compréhension de l’œuvre avant l’évaluation sommative finale.

Activité 11 - projet : présentations orales

Maintenant que les élèves auront analysé l’œuvre, mémorisé leur texte, pratiqué leur jeu, assisté à une représentation théâtrale et fait leurs choix scéniques, il ne leur restera plus qu’à présenter le fruit de leur travail à l’ensemble de la classe. Lors de leur présentation orale, les élèves auront à jouer leur extrait, à expliquer pourquoi ils trouvent cet extrait significatif et à justifier leurs choix scéniques. Cette évaluation sommative comptera pour 10 % de la session.

Activité 12 - pastiche de l’œuvre étudiée

Le professeur trouvera pertinent de demander aux élèves de créer un pastiche de la pièce de théâtre étudiée en classe. Toutefois, avant de lancer les élèves dans l’écriture de ce pastiche, il devra leur expliquer en quoi cela consiste et leur distribuer des exemples de pastiche. La consigne de ce travail pourrait être présentée comme suit : « Écrivez, dans un texte de 500 mots, un troisième acte à la pièce de théâtre En attendant Godot de Samuel Beckett, et ce, en respectant le style de l’auteur, ses thèmes et, par conséquent, le genre du théâtre de l’absurde. Enfin, expliquez, dans un commentaire explicatif de 300 mots, vos choix et leur pertinence. » Cette évaluation sommative comptera pour 25 % de la session et permettra aux élèves de résoudre le problème posé. Enfin, cette évaluation permettra au professeur de vérifier l’atteinte des objectifs de la séquence.

Activité 13 - plénière en sous-groupe et ouverture

Le professeur soumettra aux élèves la question suivante, afin de les faire réfléchir sur l’actualité de l’absurde : « En 2009, la philosophie de l’absurde est-elle encore actuelle? Pourquoi? » Les élèves devront arriver en classe avec des pistes de réponse et discuter de la question en équipe de trois. Le professeur demandera aux élèves de désigner un porte-parole par équipe pour rendre compte de la réflexion de ses membres. Enfin, le professeur terminera sa séquence par la lecture d’un poème de Jacques Brault, tiré du recueil Il n’y a plus de chemin. Comme ce poète québécois rend hommage à Samuel Beckett dans son recueil, cette lecture permettra aux élèves intéressés par l’absurde d’approfondir leurs connaissances et de découvrir de nouveaux auteurs. Enfin, les élèves auront à remettre leur cahier d’expression théâtrale au professeur.