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Les fées ont soif

Fiche descriptive
Séquence didactique
Annexes
Les fées ont soif
BOUCHER, Denise
Par Isabelle Bouffard


Nationalité de l'auteur : Québécoise
Genre : Théâtre
Courant : Autres
Siècle : 20e siècle
Groupe d'âge visé : Collégial
Auteur de la séquence : Isabelle Bouffard
Date du dépôt : Automne 2004


Pertinence du texte choisi

L’art et la vie sont intimement liés et toute création littéraire est un discours social : elle met en jeu des valeurs culturelles et des modes de représentation d’une société tout en étant un discours s’adressant à la société. Je crois donc qu’il est pertinent, pour le cours Langue d’enseignement et littérature, de donner à lire aux élèves la pièce Les Fées ont soif de Denise Boucher, et ce, pour son contenu idéologique. Cette oeuvre dramatique est assez révolutionnaire dans son propos : elle ouvre un espace de transgression sur le plan thématique, parce qu’elle remet en question le métarécit patriarcal qui a défini la notion de femme en Occident et débouche sur des propositions de changements, vise une transformation des mentalités. Ainsi, je crois qu’en abordant une des oeuvres fondatrices de la dramaturgie féministe québécoise, les élèves peuvent être amenés à saisir qu’une oeuvre littéraire déborde toujours les cadres de la fiction, parce qu’elle introduit une réflexion et transmet des valeurs auxquelles on peut adhérer ou non.

Problèmes de lecture et objectifs d’apprentissage

Au terme de la séquence didactique proposée, les élèves devront être capables d’expliquer à leur façon, en interprétant les signes internes de l’oeuvre, en quoi consiste le projet féministe de Denise Boucher et les différentes revendications sociales qui se trouvent dans sa partition théâtrale. Cependant, certains sous-problèmes de lisibilité se posent :

1) D’abord, sans préparation à la lecture, l’élève peut aborder la pièce de Boucher avec un parti pris ou avec méfiance s’il méconnaît ou a une vision erronée de ce mouvement social qu’est le féminisme, d’où l’importance de le présenter. Il est aussi essentiel que l’apprenti lecteur connaisse les faits marquants de l’histoire du Québec de 1960 à 1980, c’est-à-dire le contexte sociohistorique d’émergence de l’oeuvre, afin qu’il comprenne que le féminisme a pris racine dans l’éclatement des valeurs et qu’il puisse envisager la pièce de Boucher comme étant révolutionnaire.

2) Le texte de Boucher peut sembler, à la lecture, être un réquisitoire contre les hommes, ce qui n’est pas du tout le cas. Il faut donc baliser l’horizon d’attente de l’élève et travailler avec lui la notion d’archétype : l’auteure veut surtout, dans sa pièce, faire éclater les représentations chrétiennes, sociales et culturelles traditionnelles de la femme.

3) Puis, et là réside le plus gros du problème, un lecteur novice peut avoir de la difficulté à dégager, dans l’oeuvre, les revendications féministes parce qu’il doit, pour y accéder, restructurer le texte et décoder l’écriture de Boucher. La pièce Les fées ont soif déjoue les conventions de genre par un mariage du poétique et du dramatique et s’avère, en fait, un collage de monologues (successifs et alternés), de dialogues, de sketches, de poèmes et de chansons. Cette hétérogénéité artistique fait en sorte que l’action dramatique (l’histoire racontée) est difficile à situer dans le temps et semble non linéaire, parce que sans cesse entrecoupée, fragmentée, médiatisée. Il s’avère donc essentiel d’amener l’élève à comprendre que l’oeuvre est basée sur la réflexion intérieure des personnages et à se figurer l’action de la parole. Comment parle-t-on dans Les fées ont soif ? D’où parle-t-on ?

Avant lecture

Cours 1

Un débat sera, dans un premier temps, une excellente entrée en matière pour activer les connaissances antérieures des élèves sur le féminisme et découvrir les idées qu’ils nourrissent au départ, avant la lecture, au sujet de ce mouvement social. À partir de deux questions écrites au tableau, les apprenants seront amenés à partager leurs points de vue : « Se proclamer féministe, c’est se poser en femme frustrée qui n’aime pas les hommes » ; « Le féminisme n’a plus sa raison d’être dans notre société actuelle : les femmes ont acquis les droits qu’elles revendiquaient par le passé. Le débat est nécessairement clos. » À la fin du débat, les étudiants seront invités à écrire un court texte d’une page pour résumer l’essentiel de leur pensée. Cet écrit leur sera remis à la fin de la séquence afin qu’ils puissent mesurer l’impact qu’a eu sur eux la pièce Les Fées ont soif.

Dans un deuxième temps, il s’agira de mentionner que le militantisme féminin est un phénomène assez récent au Québec, de le présenter brièvement et de le lier à l’élan libertaire de la Révolution tranquille. À cet effet, un documentaire, qui traite de l’évolution politique, sociale et culturelle du Québec des années 1960 à 80, sera présenté aux élèves (« De la Révolution tranquille au référendum », réalisé par Jacques Fauré en 1982). Ils pourront aussi considérer l’oeuvre de Boucher comme étant révolutionnaire avant sa lecture, parce qu’elle s’inscrit dans ce mouvement social important. Un questionnaire formatif sera ensuite distribué en classe pour vérifier la compréhension des élèves au sujet du film et permettre de donner une rétroaction immédiate sur des données qui semblent incomprises.

Cours 2

Au deuxième cours, l’enseignant aura ensuite à présenter les caractéristiques du courant auquel la pièce est rattachée, c’est-à-dire l’esthétique de la transgression, qui en est une de rupture avec le passé. La notion de transgression comprise, l’étudiant cherchera, lors de sa lecture, ce que l’œuvre de Boucher rejette de la tradition et ce qu’elle propose de nouveau.

L’enseignant(e) distribuera ensuite un extrait de À toi, pour toujours, ta Marie-Lou de Michel Tremblay qui comporte des similitudes, sur les plans de l’écriture et du contenu, avec l’oeuvre de Denise Boucher. Il sera demandé aux élèves de relever, en équipe, les différentes transgressions dans le texte, qui s’apparentent fortement à celles que l’on retrouve chez l’auteure des Fées ont soif : la révolte de Carmen contre les « cellules de tu-seuls », dans À toi, pour toujours, ta Marie-Lou, ressemble nettement à celle des trois archétypes contre le système en place ; l’utilisation du joual, de monologues successifs et alternés se retrouve également dans le texte de Boucher.

Cours 3

Les étudiants seront amenés à comprendre comment fonctionne un théâtre dit féministe. Pour ce faire, ils auront à lire un article de Pol Pelletier qui relate l’histoire du théâtre des femmes au Québec et qui est paru dans la revue Possibles (vol.4, no.1, automne 1979). L’enseignant(e) invitera ensuite les élèves à remplir une grille de mots croisés pour les aider à consolider les acquis. Ils seront ainsi mieux « outillés » pour aborder Les Fées ont soif et transféreront ces nouvelles connaissances dans la lecture qu’ils s’apprêtent à faire.

Il serait important aussi de préciser aux étudiants que « Théâtre féministe » signifie « changer le monde » : les hommes peuvent donc être féministes, c’est-à-dire condamner les injustices faites aux femmes. Pour prouver cela, l’enseignant(e) fera écouter une chanson des Cowboys fringants, « Ruelle Laurier », qui dénonce la violence d’un père de famille envers son épouse. Les élèves seront invités à faire part de leurs impressions à la suite de leur écoute.

Finalement, comme la pièce de Boucher s’attaque à trois modèles archétypaux appliqués à la femme, il s’avère essentiel de clarifier la notion de stéréotype. Il pourrait également être intéressant de présenter l’archétype historique de la mère au foyer par le biais d’un extrait de film, afin de créer un horizon d’attente chez les collégiens et faire comprendre que les valeurs religieuses et familiales ont été, par le passé, de véritables prisons pour les femmes. Dans Séraphin, un homme et son péché, le personnage de Donalda est prisonnière de ses principes religieux. L’analyse en classe de ce personnage servira de balise pour mieux comprendre l’aliénation des trois fées.

Pendant lecture

Cours 4

L’enseignant(e) fera visionner la pièce (97 minutes), afin d’aider les élèves à visualiser, pendant leur lecture, le dispositif scénique imaginé par Jean-Luc Bastien, metteur en scène ayant travaillé en collaboration avec Denise Boucher lors de la création des Fées ont soif.

Cours 5

Il s’agira, dans un premier temps, d’amener les élèves à se figurer l’action dramatique, c’est-à-dire l’action de la parole, fil conducteur de la pièce entière. Une grille de lecture sera distribuée aux élèves et présentera trois rubriques : une situation initiale du discours des femmes (« Je suis ce que les autres veulent que je sois »), un élément perturbateur qui enclenche l’action (« Je me rends compte, avec les autres femmes, que je ne suis pas ce que je veux être ») et une situation finale (« Je me révolte : tu ne me diras plus ce que je suis »). Ensuite, chacun aura à écrire, sous chacune des rubriques, le titre des chansons qui, selon lui, correspondent au type de discours visé par sa thématique. Ce travail se fait en équipe et permet de faire voir que les parties « chantées » ont une fonction : elles font progresser l’action et modifient le discours des protagonistes.

Dans un deuxième temps, l’enseignant(e) définira d’abord avec les élèves quatre types d’espaces au théâtre : le lieu théâtral, l’espace scénographique, l’espace scénique et l’espace dramatique. Puis, elle leur fera analyser les lieux fictifs choisis par la dramaturge pour localiser l’action, c’est-à-dire les lieux respectifs et les lieux neutres. Une autre grille sera distribuée aux élèves et complétée en équipe : il s’agira d’étudier les comportements des personnages et leur perception individuelle de l’espace dans chacune des aires de jeu qui sont traversées.

Après lecture

Cours 6

Pendant le sixième cours, une table ronde permettra à tous d’échanger sur le sens de l’oeuvre avant la rédaction de la dissertation critique. Dans un deuxième temps, l’enseignant(e) remettra en classe le court texte sur le féminisme écrit par chacun au tout début de la séquence. Les élèves seront ensuite amenés à faire part de leur opinion sur les sujets déjà débattus au premier cours et à mesurer l’impact que le discours féministe de l’auteure a eu sur eux.

Cours 7

Lors du septième cours, les élèves auront à écrire une dissertation critique de 900 mots à partir d’une des deux questions suivantes :
-Est-il juste d’affirmer que les valeurs défendues par les trois fées vont à l’encontre des conceptions traditionnelles de la femme ?
-Peut-on dire que, par son contenu, la pièce de Denise Boucher ouvre un espace de transgression ?


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