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Copies conformes

Fiche descriptive
Séquence didactique
Annexes
Copies conformes
LARUE, Monique
Par Chantale Jean


Nationalité de l'auteur : Québécoise
Genre : Roman
Courant : Postmodernité
Siècle : 20e siècle
Groupe d'âge visé : Collégial
Auteur de la séquence : Chantale Jean
Date du dépôt : Automne 2004


Situation-problème

Comment amener l’étudiant vers la postmodernité en utilisant l’intertextualité ? L’interpénétration entre les discours devient intéressante ici, car ce sont les rapports entre les textes qui contribuent à augmenter le bassin culturel1. Les étudiants pourront juger de leurs connaissances littéraires. Il s’agit de voir dans les exercices à venir une véritable prise de conscience sur la littérature. Le roman Copies conformes de Monique LaRue est choisi pour la situation-problème parce qu’il contient au-delà de cinquante références littéraires québécoises, françaises et américaines. Outre le roman de LaRue, des extraits de textes québécois tels que L’hiver de force de Réjean Ducharme, Les Grandes Marées de Jacques Poulin et La Terre ferme de Christiane Frenette seront étudiés. De plus, le professeur remet aux étudiants des photocopies de la définition de la postmodernité prise dans une anthologie de son choix2. L’intertextualité est définie selon la notion de Gérard Genette3. Le texte de Karen Gould4 explique aux élèves comment l’intertexte (le polar de Hammett) a influencé LaRue dans sa structure narrative.

Séquence didactique (cours de deux heures)

Cours 1

Le professeur donne des explications théoriques sur l’intertextualité selon Genette. Ensuite, il distribue trois extraits de Copies conformes (p. 20, 104, 176) aux étudiants. Pendant leur lecture, les étudiants surlignent les références intertextuelles. L’enseignant explique, par exemple, qu’une référence aux statuettes de Giacometti pour illustrer la maigreur d’un personnage donne une image plus juste au lecteur. Il utilise les citations au début de chaque partie du roman de LaRue pour montrer que cette notion ne renvoie pas seulement à un nom propre, mais elle emprunte souvent des phrases entières aux autres textes. À la deuxième partie du cours, les étudiants, en équipe de trois ou quatre, cherchent les références intertextuelles dans Copies conformes5. Les étudiants commencent le travail dans un laboratoire d’informatique ou à la bibliothèque pour chercher les références sur les sites Internet. Ils les notent dans un « carnet de culture » en écrivant ce qu’elles leur inspirent (passion, haine, horreur, aventure, voyage, etc.). Ils terminent le travail à la maison ou à la bibliothèque.

Cours 2

Tous les étudiants devront avoir lu le roman à l’étude. Dans la première heure, un membre de chaque équipe explique les découvertes faites par son équipe lors du premier cours. Le professeur interroge les étudiants pour savoir si l’intertextualité éclaire le texte et, si oui, pourquoi. Si les élèves n’ont pas établi le lien référentiel entre le roman de Hammett et celui de Larue, l’enseignant pose alors de nouvelles questions telles que : Pourquoi, par exemple, Monique LaRue s’est-elle inspirée du Faucon maltais6 de Dashiell Hammett ? Quels sont les rapports entre la plaquette et le faucon de Malte ? Pour aider à comprendre davantage la structure du roman, le professeur distribue le texte de Karen Gould7 qu’il vulgarise. Enfin, il m’apparaît important que le professeur valorise les interactions verbales de ses étudiants et qu’il ajoute des commentaires ou des anecdotes.

Dans la deuxième heure, le professeur présente les livres L’hiver de force, Les Grandes marées et La Terre ferme. Ensuite, il fait circuler aux étudiants des extraits qu’il a lui-même tirés de ces trois livres8. Ces exemples montrent aux élèves comment l’intertextualité se manifeste sous diverses facettes. En équipe de deux ou de trois, les étudiants essaient de reconnaître les films cités dans Ducharme et les marques de commerce chez Poulin. Ils s’interrogent sur l’abondance des références et les classent en sous-groupes. Les élèves se questionnent sur le message de l’auteur. Que veut-il faire comprendre en utilisant autant de références ? En équipe de quatre, les étudiants échangent et consignent les commentaires dans leur carnet de culture. Il faut qu’ils se rendent compte que le critère de visibilité de l’intertextualité peut leur poser un problème9, car cette notion met en jeu les connaissances du lecteur. L’enseignant termine le cours en rappelant que la notion de l’intertextualité est productrice de sens et que les nombreux renvois intertextuels échappent parfois aux lecteurs qui connaissent mal la littérature. Cependant, il ajoute qu’il faut s’arrêter à ces détails et indices lesquels sont des « traces »10 intertextuelles laissées par l’auteur.

Cours 3

Les étudiants expliquent leurs découvertes effectuées au cours précédent sur les romans de Ducharme, Poulin et Frenette. Après, le professeur explique aux élèves que le surcodage de « traces » intertextuelles est une caractéristique de la notion postmoderne. Il revient sur les marques de commerce dans Ducharme et Poulin. L’enseignant cite Janet M. Paterson qui affirme que « ce genre d’intertextualité met en évidence ce que de nombreux romans postmodernes ne cessent d’affirmer, à savoir que toute œuvre littéraire est liée non seulement à des conventions formelles mais également à un contexte social et culturel11 ». Ensuite, l’enseignant compare l’extrait de La Terre ferme aux deux romans sur lesquels les élèves viennent de travailler. Il explique que ce texte vient en quelque sorte s’opposer au foisonnement intertextuel des livres de Ducharme et de Poulin, car l’intertextualité y est presque absente12. Toujours dans le but d’expliciter ce surcodage intertextuel, un extrait (30 minutes) du film Shreck 1 ou 2 est visionné en classe. Cette projection illustre le mécanisme de la notion et ses diverses manifestations au cinéma. Une plénière d’une vingtaine de minutes suit la projection. Les étudiants doivent avoir leur carnet pour consigner le nom des contes. Le carnet des étudiants est ramassé à la fin du cours. L’enseignant doit s’assurer que le travail est fait, car un texte de création est prévu à la fin de la séquence et les étudiants auront à utiliser leurs références.

Cours 4

Le dernier point sur l’intertextualité concerne le métalangage présent dans Copies conformes (p. 22, 28, 30, 37, 58, 85, 87, 92, 93, 130), L’hiver de force (p. 50, 71, 99, 103, 109, 120, 121, 187) et Les Grandes marées (p. 41, 68, 71, 74, 89, 122, 157, 158, 172, 171, 175). Le numéro des pages est à titre suggestif seulement. Le professeur explique aux étudiants que l’intertextualité postmoderne brise les frontières du texte linéaire, car cette notion introduit un nouveau mode de lecture. Elle élargit les connaissances culturelles de l’étudiant. L’enseignant ajoute que l’intertextualité omniprésente exprime la volonté de démystifier la littérature. Tout se passe comme si la littérature parlait d’elle-même à travers cette abondance de références. Ici, un livre n’en convoque pas seulement un autre, mais fait appel à plusieurs livres. La littérature est une prise de conscience sur le monde et un lieu de mémoire. Comme le rappelle Annie Rouxel :

la lecture des textes littéraires permet en outre à de nombreux élèves de se situer en tant que lecteurs dans l’espace des pratiques de lecture, de sortir de l’enfermement culturel dans lequel ils se trouvent, de se décentrer et d’entrer dans un univers adulte13.

Finalement, pour mettre en pratique l’intertextualité postmoderne, les élèves auront à rédiger une création littéraire14 (450-500 mots) en établissant des liens intertextuels. Le texte peut être de l’ordre d’une aventure (référence à Kerouac), ou d’une quête amoureuse lors d’une sortie. Il peut être rédigé au moment où Claire revient à Montréal et retrouve son mari. Tout ce qui a été dit et consigné dans le carnet de culture doit servir aux étudiants.

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1 Je rappelle le rôle de « médiateur de culture » que le professeur a à jouer pour reprendre l’expression de Denis Simard. Selon lui, « toute éducation de type scolaire suppose toujours une sélection au sein de la culture et une réélaboration des contenus culturels en vue de les rendre accessibles aux générations nouvelles ». Denis Simard et M. Mellouki (dir.), « Comment penser aujourd’hui la nature et le rôle de l’école à l’égard de la formation culturelle des élèves? », L’enseignement : profession intellectuelle, Québec, Presses de l’Université Laval, coll. « Éducation et Culture », 2004, p. 8.
2 Je suggère le livre de Français (ensemble 2). Méthode de la dissertation explicative et littérature française, Canada, éditions Études vivantes, 1998 de Michel Trépanier et Claude Vaillancourt (p. 257-259). Il contient une définition suffisante de la postmodernité et des principales caractéristiques.
3 Gérard Genette, Palimpsestes. La littérature au second degré, Paris, Seuil, coll. « Poétique », 1982.
4 Karen Gould, « Copies conformes : la réécriture québécoise d’un polar américain », dans Études françaises, printemps 1993, n0. 29, Montréal, Les Presses de l’Université de Montréal, p. 25-35.
5 Il ne faut pas diviser le livre selon les trois parties, car l’intertextualité se manifeste surtout dans les deux premières parties.
6 Il s’agit en réalité du Faucon de Malte et non du Faucon maltais.
7 Karen Gould, « Copies conformes : la réécriture québécoise d’un polar américain », dans Études françaises, printemps 1993, no. 29,1. Montréal, Les Presses de l’Université de Montréal, p. 25-35. L’enseignant discute ainsi de l’enchaînement des évènements, de l’intrigue similaire, du paysage californien et des thèmes du Faucon Maltais : meurtres, déguisement, déception de l’héroïne, ect.
8 Dans L’Hiver de force, les références aux films vus par les protagonistes renvoient aux pages 32, 33, 40, 46, 49, 51, 59, 99, 100, 116, 127, 141, 159, 160, 197. Dans Les Grandes Marées, il s’agit de faire sortir les marques de produits aux pages 9, 13, 21, 32, 34, 37, 38, 47, 57, 58, 64, 76, 115, 118, 119. Quant à La Terre ferme, on peut photocopier les pages 94, 95 pour expliquer le lien avec le Radeau de la Méduse.
9 À cet effet, Yannick Gasquy-Resch affirme que « [c]ette situation inconfortable apparaît aujourd’hui où un grand nombre de textes littéraires affirme leurs références, leurs dettes à des textes antérieurs. Traversée, travaillée par d’autres discours, l’œuvre ne saurait se lire sans tenir compte de son " intertextualité" qui n’est pas "une simple addition confuse et mystérieuse d’influences mais le travail de transformation de plusieurs textes opéré par un texte centreur qui garde le leadership du sens". Les romans de Réjean Ducharme, en raison de la circulation de sens qui se fait entre le texte et d’autres textes, ou entre le texte et ce qui l’entoure pour en faciliter la réception, sont du point de vue du lecteur particulièrement intéressants à analyser». [Yannick Gasqui-Resch, « Le brouillage du lisible : lecture du paratexte de l’Hiver de force », dans Études françaises, no. 29,1, Printemps, 1993, p. 39].
10 J’emprunte l’expression à Michaël Riffaterrre, La Pensée, Paris, no 215 (La trace de l’intertexte), octobre 1980, p. 4-18.
11 Janet M. Paterson. Moments postmodernes dans le roman québécois, Ottawa, Les Presses de l’Université d’Ottawa, 1990, p. 80.
12 Je laisse le choix à l’enseignant de s’arrêter ici ou de poursuivre l’analyse ici, car ce livre n’est pas à lire obligatoirement. Cependant, il peut susciter l’intérêt de cette lecture puisque le thème, le suicide chez les jeunes, nous préoccupe tous. Le lien référentiel qui convoque le tableau Le Radeau de la Méduse s’avère représentatif de l’histoire de La Terre ferme. À cet effet, je rappelle la définition de la mise en abyme, selon Lucien Dällenbach, qui se définit comme suit : « toute enclave entretenant une relation de similitude avec l’œuvre qui la contient » [Lucien Dällenbach. Le récit spéculaire. Essai sur la mise en abyme, Paris, Seuil, 1977, p. 17]. À partir de la définition que les étudiants donnent du radeau (parce qu’ils auront eu à la chercher au cours 2), l’enseignant peut établir le lien avec celui des jeunes. Il signale que l’allusion fait au tableau de Géricault n’est pas sans importance, car elle rappelle le désespoir des voyageurs comme celui des jeunes.
13 Annie Rouxel, Enseigner la lecture littéraire, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 1996, p. 18.
14 Un peu à l’exemple du pastiche et comme le rappelle André Petitjean, « cette compétence du lecteur, c’est-à-dire son adaptation à une classe d’œuvres dont il a intériorisé le mode d’organisation est le résultat d’une imprégnation par la fréquentation du genre ». André Petitjean, « Pastiche et parodie : enjeux théoriques et pédagogiques », Pratiques, no. 42, 1984, p. 7.


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