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Rhinocéros

Fiche descriptive
Séquence didactique
Annexes
Rhinocéros
IONESCO, Eugène
Par William Lessard Morin & Hubert Laprise


Nationalité de l'auteur : Française
Genre : Théâtre
Courant : Autres
Siècle : 20e siècle
Groupe d'âge visé : Collégial
Auteur de la séquence : William Lessard Morin & Hubert Laprise
Date du dépôt : Automne 2014


Cette séquence didactique en français au collégial sera élaborée autour de la pièce de théâtre Rhinocéros d’Eugène Ionesco. Elle visera avant tout l’acquisition par les étudiants de compétences qui leur permettront de rendre compte de l’importance de cette œuvre, du courant dans lequel elle s’inscrit, des thèmes qui la distinguent et des visions et représentations du monde qu’elle renferme.

La première partie de notre dossier didactique nous permettra de poser des balises essentielles à la planification de la séquence. Tout d’abord, nous préciserons sa situation dans le cadre des programmes d’études, puis de l’ensemble 102. Nous définirons par la suite les compétences à développer, afin que l’étudiant puisse atteindre chacun des objectifs spécifiques précisés. Cette réussite le mènera en fait à réaliser l’objectif général de la séquence (voir 1.3). La section suivante nous permettra de justifier le choix de l’œuvre, en regard des visées de formation, et le choix des problématiques spécifiques qui feront l’objet d’un enseignement. Nous présenterons ensuite les savoirs théoriques abordés dans notre séquence, ainsi que le résultat de leur transposition en savoirs enseignables. Une fois fixés, tous ces éléments préliminaires nous permettront de construire notre séquence par l’élaboration d’un enchaînement logique de l’enseignement et la conception d’exercices appropriés et de méthodes d’évaluation pertinentes, dans le but de permettre l’atteinte des objectifs d’apprentissage.

Dans la seconde partie de ce dossier, nous présenterons le découpage prévu de notre séquence, en justifiant d’abord la progression des séances envisagée, puis en présentant les objectifs spécifiques, activités, travaux préparatoires et méthodes d’évaluation de chacune des huit séances. Nous proposerons aussi des prolongements aux contenus planifiés. Plus loin, deux des séances, consacrées respectivement à la lecture littéraire et à l’écriture de création, feront l’objet d’une présentation détaillée. Nous fournirons à cet effet des nombreuses informations sur les objectifs poursuivis et les activités permettant d’atteindre ces derniers, en précisant les actions suscitées chez les étudiants et l’enseignant, les prérequis, le matériel, les consignes et les formes d’évaluation requises au déroulement de ces séances. Nous aborderons enfin, dans la dernière partie de ce dossier, la question de l’évaluation des apprentissages tout au long de cette séquence didactique.

 

1. Visées de formation en regard des programmes

       1.1 Situation de la séquence dans le programme d’études 

La séquence proposée se situe dans l’« Ensemble 2 » de la discipline Français, langue d’enseignement et littérature. Ce cours, intitulé Littérature et imaginaire (601-102-MQ), est le second de la triade composant la formation générale commune à tous. L’« Ensemble 2 » a pour préalable le cours Écriture et littérature (601-101-MQ) et agit lui-même en tant que préalable à l’ensemble suivant, Littérature québécoise (601-103-MQ).

Cette séquence s’échelonne sur huit séances, soit deux séances de cent minutes par semaine, et ce, durant quatre semaines. Cela correspond aux séances 9 à 16. Durant la séquence précédente, l’étudiant aura eu droit à sept séances consacrées à la poésie française moderne. Il y aura étudié le recueil poétique Paroles, de Jacques Prévert, ce qui lui aura permis de se familiariser avec un des principaux courants littéraires de la modernité, l’existentialisme. À la fin de cette première séquence, il aura rédigé une dissertation partielle, se servant à la fois des compétences acquises au cours de l’« Ensemble 1 » et de celles apprises depuis le début de cette séquence. La seconde séquence, que nous abordons ici, portera sur la pièce Rhinocéros d’Eugène Ionesco. L’étudiant sera amené à se pencher sur l’identification et l’explication de représentations du monde exprimées par cette œuvre du genre théâtral du drame absurde. Après avoir complété cette séquence, l’étudiant poursuivra son apprentissage par l’étude d’une autre œuvre moderne appartenant au corps français, issue pour sa part du courant postmoderne. Il s’agit du roman Les Particules élémentaires, de Michel Houellebecq. À travers les trois œuvres étudiées, il sera en mesure d’apprécier et d’expliquer la les perspectives sur le monde propres à chaque œuvre ou courant, et de rendre compte des savoirs acquis par la rédaction d’une dissertation explicative de 800 à 900 mots.

 

            1.2 Compétences à développer

 Cette séquence est planifiée de manière à favoriser l’acquisition et le développement de compétences reliées aux objectifs définis. Ces compétences sont reliées aux critères de performance ministériels pour les éléments de compétence 1 à 3 (MESRST, 2011).

v Relever des procédés stylistiques et littéraires tels que la métaphore et le ton absurde utilisés pour le développement des thématiques du totalitarisme et de l’absurdité de l’humanité ;

v Identifier des éléments significatifs du contexte culturel et sociohistorique de l’après-guerre français, tels que la montée des régimes totalitaires et des mouvements de contestation ;

v Établir des liens pertinents entre la thématique du totalitarisme et les procédés et éléments significatifs du contexte culturel et sociohistorique soutenant cette dernière.

 

         1.3 Objectif général et objectifs spécifiques

Le MESRST formule ainsi l’énoncé de la compétence visée pour l’« Ensemble 2 » : « Expliquer les représentations du monde contenues dans des textes littéraires d’époques et de genres variés. » Les objectifs généraux du cours Littérature et imaginaire comportent donc, d’une part, un volet de réflexion et d’acquisition de savoirs, puis, d’autre part, un volet axé sur l’apprentissage de savoir-faire nécessaires à la rédaction d’une dissertation explicative.

Dans le cadre plus spécifique de cette séquence, l’évaluation des apprentissages est réalisée sans avoir recours à la dissertation, mais plutôt au débat et à la création littéraire. L’objectif général de cette séquence est d’amener les étudiants à justifier leurs interprétations de Rhinocéros en établissant des relations de cause à effet entre le texte, les éléments du contexte et les caractéristiques du genre théâtral du drame absurde. Cet objectif assez large suggère que l’interprétation découlant de l’analyse effectuée par l’étudiant doit se définir en rapport avec le contexte dans lequel elle s’insère, ainsi qu’avec les caractéristiques du courant ou du genre littéraire qui lui correspondent. Comme mentionné plus haut, l’étudiant doit démontrer qu’il a atteint ces objectifs par la démonstration des fruits de sa réflexion à l’occasion d’un débat d’idées (en favorisant une structure argumentative et des stratégies apparentées à celles de la dissertation explicative), ainsi que par la production d’un texte de création littéraire (intégrant concrètement l’« imaginaire » contenu dans la dénomination de l’« Ensemble 2 » et permettant une mise en perspective des savoirs enseignés durant la séquence). Nous reviendrons sur ces méthodes d’évaluation ultérieurement. Les objectifs concernent, comme le précise Sabbah, les savoirs à acquérir et les savoir-faire à maîtriser (2006, p. 53). Pour permettre à l’étudiant de répondre aux visées de cette séquence, le parcours didactique prévu incorpore les objectifs spécifiques suivants :

v Identifier des procédés d’écriture permettant la saisie de thèmes importants dans l’œuvre.

Le mélange des tons comiques et tragiques dans la pièce, de même que la rupture de la règle des trois unités (de lieu, de temps et d’action) amènent à conclure au caractère moderne de Rhinocéros. De plus, la prolifération des didascalies, les dialogues qui tournent à vide et les excès linguistiques semblent faire voir les limites du langage, son incapacité à favoriser l’échange, sa désarticulation. Finalement, la métaphore de la « rhinocérite », cette maladie contractée par presque tous les personnages - d’abord effrayés par les rhinocéros, puis de plus en plus fascinés par eux -, peut être interprétée en tant que représentation des régimes totalitaires ou des vagues d’assimilation idéologique qui ont notamment marqué l’Allemagne et l’U.R.S.S. au cours du XXe siècle. 

v Repérer les modes de représentation du monde spécifiques au courant littéraire dans lequel l’œuvre s’inscrit.

Le ton absurde de la pièce de Ionesco rompt avec le courant existentialiste que les étudiants ont étudié lors de la séquence précédente. Ils sont donc en mesure de percevoir que le théâtre de l’absurde contraste avec le théâtre existentialiste camusien dont ils ont étudié plusieurs extraits au cours des semaines antérieures. À la suite de plusieurs activités contribuant à préciser leur réflexion et cerner leurs connaissances, les étudiants seront en mesure de définir ce qu’on entend par « absurde » et d’identifier des éléments y participant, tel que le comique de situation des acteurs ou encore le non-sens créé par les dialogues où la raison est mise de côté. Nous y reviendrons à la quatrième partie de ce dossier.

v Situer le texte dans son contexte culturel et sociohistorique.

Afin que l’étudiant atteigne cet objectif, l’enseignant présentera un exposé magistral sur le contexte sociohistorique entourant la publication de la pièce. Il y sera question, entre autres, des conditions économiques et sociales en Europe après la Deuxième Guerre mondiale et de la montée des régimes totalitaires et des mouvements contestataires dans les années 1960. Cet exposé, précisons-le, se déroulera non pas en début de séquence, mais bien après des activités de repérage des thématiques et des caractéristiques du théâtre de l’absurde, de sorte que l’étudiant ait préalablement pu être en contact avec le traitement particulier de ces thématiques dans la pièce. 

v Dégager des rapports entre les représentations de monde contenues dans l’œuvre et celles qui ont cours à l’époque actuelle

Afin de favoriser l’intégration des savoirs reliés à la fois aux caractéristiques thématiques, formelles et socioculturelles de l’œuvre, l’étudiant participera à un débat en classe sur une problématique qui intègre toutes les facettes étudiées. Ainsi, il sera appelé à exprimer son opinion et à consolider tous les savoirs acquis. Un débat entre deux sous-groupes d’étudiants permettra de vérifier l’atteinte de cet objectif. Les étudiants devront ensuite rédiger un texte de création qui intégrera les points défendus par leur équipe, en plus de permettre une réactivation des savoirs acquis et l’appel à leur imaginaire.

 

2. L’œuvre à l’étude : pertinence et problématiques soulevées

            2.1 Pourquoi Rhinocéros 

Nous avons choisi de prendre appui sur la pièce Rhinocéros, puisqu’elle permettra un bon premier contact de l’étudiant avec le théâtre de l’absurde. Nous jugeons qu’elle amène des défis intéressants aux niveaux de la lecture et de l’interprétation, ces derniers s’inscrivant adéquatement dans les objectifs formulés pour cette séquence. Il suffit de penser aux représentations du monde dont la pièce regorge, tant au niveau de l’absurdité de l’existence que du conformisme propre aux régimes totalitaristes, pour y voir une source inépuisable de questions d’étude. Au sein du courant de l’absurde, nous croyons aussi qu’il s’agit d’une des œuvres les plus accessibles pour l’étudiant, en comparaison à d’autres pièces plus déstabilisantes, comme La Cantatrice chauve. Les personnages et les thèmes de Rhinocéros peuvent d’ailleurs être identifiés plus rapidement, en raison de claires dichotomies dans l’œuvre.

Les étudiants à l’« Ensemble 2 » ont complété le premier ensemble, prérequis, au cours duquel il ont abordé le genre dramatique dans la littérature d’avant 1850 (il s’agit d’un objet d’enseignement prescrit dans le devis du cours 601-101-MQ au cégep de Sainte-Foy). La lecture de Rhinocéros fait appel à ces notions, mais pour s’y opposer, en quelque sorte. Ainsi l’étudiant se voit confronté à l’idée d’écart par rapport à la norme (transgression) et cherche à en interpréter les fondements. Pour le mener à expliquer les représentations du monde véhiculées dans l’œuvre, de multiples savoirs pertinents, tant au niveau du genre (le théâtre), du courant (l’absurde), des notions (personnages, symbole, etc.), du contexte culturel (l’existentialisme précède) ou sociohistorique (après-guerre et remise en question de l’homme moderne, nazisme et totalitarisme) et des thèmes importants (incommunicabilité, marginalité, conformisme). Au fil de l’apprentissage et dès que cela se prête à la progression de la séquence, les théories naîtront, nous l’espérons, des observations et réflexions formulées par les étudiants eux-mêmes lors des activités, et permettront de mieux cerner les sens possibles de l’œuvre. Il sera alors du ressort de l’enseignant de formaliser les savoirs théoriques à partir des propositions des étudiants.

La pièce permet donc l’intégration de trois approches : générique, thématique et historique. Les objectifs de cette séquence pourront être atteints par l’acquisition et la mise en rapport de savoirs et savoir-faire variés, et l’évaluation vérifiera si l’étudiant est en mesure d’utiliser ces compétences pour expliquer les représentations du monde dégagées dans la pièce. Nous croyons aussi que l’étudiant, au terme de la séquence, sera capable de voir en quoi ces représentations demeurent pertinentes, un demi-siècle plus tard, favorisent la réflexion et l’esprit de débat, et stimulent l’imaginaire de l’étudiant.

 

         2.2 Problématiques soulevées

Nous avons retenu quelques problématiques spécifiques à l’œuvre et destinées à faire l’objet d’un enseignement. La première d’entre elles a trait aux horizons d’attente du lecteur ou plutôt au brouillage de ces derniers. En effet, Rhinocéros ne correspond sans doute pas à ce que l’étudiant a appris auparavant sur le genre théâtral. En fait, au cégep de Sainte-Foy, par exemple, l’« Ensemble 1 » de la formation générale commune en français doit obligatoirement inclure dans son corpus une œuvre intégrale appartenant au genre dramatique (et publiée avant 1850). Ainsi, les étudiants entament généralement l’« Ensemble 2 » avec des connaissances préalables sur le théâtre classique. Il suffit de lire quelques pages d’Ionesco pour comprendre que nous nous sommes quelque peu éloigné de la rigueur formelle des dramaturges classiques ! Il peut donc s’avérer difficile pour un lecteur peu expérimenté de comprendre la structure libre de l’œuvre. De plus, l’absurde s’empare même des dialogues dès l’ouverture de la pièce – avec de multiples jeux de langage, par exemple, ou par la présence notoire du thème de l’incommunicabilité – ce qui ne fait que renchérir à cette problématique initiale. Il s’agit selon nous d’une problématique incroyablement riche, puisqu’elle met d’emblée l’étudiant face à une multitude d’interrogations, qui peuvent ainsi faire l’objet d’une recherche à la maison entre les cours 1 et 2 de la séquence :

v En quoi consiste l’absurde ?

v Comment sont présentés les personnages dans le théâtre de l’absurde ?

v Quelles particularités de langage peut-on observer ?

v Quels thèmes se retrouvent dans ces œuvres ?

Cette problématique pourrait, en soi, suffire à l’élaboration des objets d’enseignement. Toutefois, ce ne sont pas les autres idées qui manquent. Pensons par exemple au concept de « rhinocérite » : l’étudiant n’aura pas forcément l’acuité analytique ou les connaissances contextuelles requises pour y percevoir une allusion au concept de maladie (renvoie à celui d’épidémie qui renvoie à son tour à l’idée de conformisme ou de lavage de cerveau). Bref, il faudrait, dans ce cas, proposer des activités adaptées aux connaissances préalables des étudiants, en prenant soin de les répartir selon les étapes d’apprentissages envisagées pour la séquence. Pour revenir à la question du langage, il est relativement simple d’en tirer une autre problématique d’étude. En effet, des éléments du théâtre absurde tels les dialogues truffés de jeux de langage semblent placer en quelque sorte la pièce en marge d’un rapport au réel - étant donné que l’absurde peut être vu comme une forme de détachement. Toutefois, ces mêmes éléments participent à l’expression d’une perception ou d’une idéologie sous-jacente à l’œuvre. Par l’étude de la narration et de la structure de l’œuvre – personnages, schéma actantiel, progression de la pensée du protagoniste – l’étudiant pourra définir en quoi la pièce est en réalité une construction volontaire de sens. L’absurde démontre ainsi une représentation singulière du monde. L’existentialisme qui prônait un engagement de l’homme pour sa société ou pour la morale s’est effondré. L’héroïsme est étranger au théâtre absurde. Cette ultime problématique permettra d’effectuer des rapprochements importants entre les différents savoirs acquis au cours de la séquence.

 

 

3. Savoirs de référence, savoirs transposés

         3.1 Savoirs de référence

                        3.1.1 Le totalitarisme

 

Dans un volume réédité en 2010, l’essayiste, philosophe et historien français d’origine bulgare Tzvetan Todorov explique sa vision des régimes totalitaires (p. 455). Selon lui, ces régimes partagent trois traits caractéristiques majeurs. Ils se réclament d’abord tous d’une idéologie qui véhicule une image de la société parfaite sur terre présentée comme le but de la société réelle. Le contenu de cette idéologie, ou du moins l’interprétation concrète des grands principes, varie considérablement d’un moment à l’autre, alors qu’ils sont présentés comme immuables, car seuls « vrais », « valables ». Deuxièmement, ils usent de la terreur pour orienter la conduite de la population. Autrement dit, le tyran fonde son autorité par la peur de la mort, la légitimité de la violence et l’intimidation de la population. Le maintien d’un sentiment de terreur est légitimé par une phraséologie guerrière et justifié par la création d’un ennemi – réel ou imagé. Le moyen de faire souffrir l’autre est mis à la disposition de tous et le pouvoir en place s’assure de la docilité de la population en la déshumanisant. Ainsi, toutes caractéristiques qui tendent à différencier les individus sont proscrites et l’homogénéité est mise en valeur. Troisièmement, les régimes totalitaires prônent une règle générale de vie qui vise la défense de l’intérêt particulier et le règne illimité de la volonté de puissance. La société se base donc sur un modèle de hiérarchisation minutieux et complexe qui vise à empêcher l’autonomie de l’individu. Conséquemment, toutes les possibilités d’être la source de sa propre conduite sont anéanties. À long terme, l’idéologie totalitaire mène l’individu à une « psychologie du dédoublement » où son discours public, conforme au « discours officiel accepté par le tyran », se dissocie de son discours privé, plus près des valeurs profondes de liberté (Todorov, 2010, p. 466). Cette pluralité des voix peut aboutir à ce que Todorov appelle la « schizophrénie du sujet » où l’individu confond les deux instances discursives pour en n’intégrer qu’une seule : celle acceptée par le pouvoir en place et qui discrédite du même coup les enjeux et les valeurs prônés par lui.

 

                        3.1.2 Le théâtre de l’absurde

 

Dans un ouvrage collectif, Paul Aron, Denis Saint-Jacques et Alain Viala définissent l’absurde comme représentant l’absence de sens logique de la condition humaine. Au théâtre, « l’absurde met en scène l’aspect dérisoire de la condition humaine et bouscule les conventions et les principes du théâtre bourgeois » (Aron et collab., 2002, p. 1). Ce genre théâtral se situe en « porte-à-faux » à l’égard du théâtre engagé de l’après-guerre qui pose un regard critique sur une société dont ils ne partagent pas l’héritage. Les personnages de ce théâtre ne déclament plus contre l’absurdité de la vie, mais ils présentent un monde voué à l’irrationalité, où le langage est marqué par l’incohérence. Tout déconcerte dans ce théâtre à un point tel que les spécialistes le nomment parfois l’« anti-théâtre » : tout réalisme est battu en brèche, l’action est souvent inexistante, le temps est aboli, il n’y a pas de personnages au sens classique du terme, ni de psychologie, ni d’intrigue, ni de ressort dramatique, ni de cohérence. Selon Ionesco, le théâtre de l’absurde se consacrerait à l’ « effondrement du réel » (Aron, p. 2). Dans ce théâtre de l’absurde, les personnages n’ont aucune réalité sociale et ne sont pas typés psychologiquement : ce sont des êtres anonymes, des entités sans état civil, des sortes d’abstractions. C’est pourquoi certains théoriciens diront de ce genre théâtral qu’il dépersonnalise, déshumanise. Les protagonistes sont simplement là, réduits à une série de gestes, de mouvements et de mots. Ils sont tellement désertés par le sens, le vide qu’ils abritent est si grand qu’ils font figure d’anti-héros absolus. Ces marginaux doivent être vus comme des allégories : « ils révèlent l’état pitoyable de l’être humain, conditionné et menacé, dans un monde incohérent et moribond » (p. 3). Les personnages ne subsistent donc que par leur langage, truffé de mots incompréhensibles. De fait, le théâtre de l’absurde évacue tout réalisme et, du même coup, refuse le langage traditionnel de la scène : « le langage n’est plus un rassurant moyen de communication, mais le véhicule même de l’absurdité qui enveloppe les personnages » (p. 3). Désarticulé par des clichés, obscurci par des ellipses, le langage est composé de platitudes, de bégaiements, de lieux communs et de banalités qui deviennent des non-sens à force de se répéter. Comme le rappellent les spécialistes, « ce langage gangrené par l’absurdité est tellement illusoire qu’il débouche sur l’incommunicabilité et le silence, ce qui accentue la dimension tragique de la   vie » (p. 3). Ce langage déconcertant en dit plus long sur la condition humaine que bien des monologues rationnels. Il exprime l’impuissance de l’homme, qui en est réduit à bavarder pour oublier son triste sort, pour s’empêcher de sentir le vide qui l’habite. Coincé entre un passé oublié et un avenir sans horizon, le présent n’est plus qu’un temps figé qui rappelle la situation désespérée et tragique du monde moderne, mais aussi burlesque, puisque paradoxalement, la dérision côtoie sans cesse l’angoisse dans ce théâtre. En effet, l’absurdité des situations est soulignée par le comique, alors que le burlesque a quelque chose de « grinçant ». Ce mélange des tons permet d’exprimer le chaos d’une époque désespérée, où l’angoisse existentielle est refoulée, terrée sous le masque du rire.

 

         3.2 Les savoirs transposés

                                    3.2.1 Le totalitarisme

 

Une fois que les étudiants auront lu la pièce et qu’ils auront visionné un extrait du Dictateur de Chaplin, l’enseignant demandera à ceux-ci de relever les ressemblances entre les deux œuvres. Pour guider leur réflexion, il pourra les questionner sur la part de liberté laissée aux personnages. Progressivement, les étudiants découvriront le cadre restreint, limité dans lequel évolue les protagonistes de la pièce. Idéalement, l’enseignant devra expliquer le caractère mensonger de l’idéologie totalitaire, qu’elle se présente comme étant la seule vérité admise – de là son nom de totalitarisme – et comme seul but à atteindre. Pour illustrer son propos, l’enseignant pourra demander aux élèves pourquoi ils pensent que les personnages de la pièce sont d’abord effrayés par les rhinocéros, mais que tranquillement, voire sournoisement, ils deviennent fascinés par eux. L’enseignant devra aussi expliquer qu’un régime totalitaire utilise la terreur pour orienter la conduite de la population. Il pourra mentionner des exemples tirés des crimes atroces de la Deuxième guerre mondiale, notamment dans les camps de concentration nazis ou les goulags soviétiques. Pour rattacher cette notion au texte à l’étude, le professeur pourra demander aux étudiants de relever, en équipe, tout ce qui indique au lecteur que les personnages au début de la pièce ont peur de se transformer en rhinocéros. Ainsi, le champ lexical de la peur et le fait « de ne pas voir » les gens transformés – tout comme les monstres des films d’horreur – contribuent à l’établissement d’un climat de terreur. Finalement, le professeur devra montrer aux étudiants qu’un régime totalitaire vise à empêcher l’épanouissement de l’individu, la restriction de son autonomie et de la possibilité d’être à la source de sa propre conduite, donc libre de ses choix. Conséquemment, les individus sous le joug d’un tyran se conforment aux règles et au système de pensée du régime en place, et ce, même s’ils ne correspondent pas à leurs valeurs profondes. Les gens se trouvent ainsi dépersonnalisés, déshumanisés. Pour illustrer son propos, l’enseignant pourra demander aux étudiants de relever les caractéristiques principales des personnages de la pièce avant et après leur transformation. Les rhinocéros de la pièce n’ont plus de noms, ils ne font que courir bêtement et pousser des cris incompréhensibles. Ils pourront donc constater le processus d’homogénéisation, d’uniformité et de conformisme qui s’opère chez les personnages de la pièce et, plus globalement, des individus sous le contrôle d’un régime totalitaire.

           

                        3.2.2 Le théâtre de l’absurde

 

Dans un texte abordant la question de l’enseignement de la littérature, Karl Canvat explique :

Les compétences fondamentales à acquérir […] devraient permettre l’inscription et la réinscription d’un texte dans un fonctionnement socioculturel, la (re)connaissance et la description de certaines "formes" (types, genres, etc.) et la compréhension des mécanismes de construction du sens et de la valeur littéraire. (2000, p. 62)

Ainsi, un référentiel de compétences doit être organisé autour de trois paradigmes, soit les savoirs socio-institutionnels, « formels » et historiques. Les premiers permettent d’analyser le fonctionnement du champ littéraire, mais aussi des institutions de promotion et de légitimation des œuvres. En l’occurrence, l’enseignant devra s’assurer que les étudiants comprennent la notion de genre. Les savoirs « formels » permettent, quant à eux, de « décrire méthodiquement les textes à partir de catégories transférables » (p. 63), afin d’en dégager les caractéristiques génériques – à partir d’un corpus de lecture ou encore d’écrire en fonction de ces caractéristiques. Concrètement, l’enseignant aura avantage à permettre aux étudiants de dégager les caractéristiques du théâtre de l’absurde, comme par exemple l’importance des didascalies, le mélange des tons comique et tragique ou encore la rupture des règles d’unité de temps, de lieu et d’action. De plus, il serait pertinent d’identifier les traits des différents personnages qui sont, eux aussi, caractéristiques de ce genre théâtral, comme la présence d’un « anti-héros » ou la dépersonnalisation des personnages par la faible importance accordée à leurs statuts psychologique et social. Finalement, les savoirs historiques renvoient à « l’histoire littéraire double » : interne et externe. L’histoire interne implique la succession des modes d’écriture littéraire qu’il s’agit d’envisager dans leurs relations avec un projet esthétique, un ensemble de codes et de conventions. Autrement dit, l’enseignant pourra ici retracer les transformations qu’a subies le genre théâtral au fil du temps, notamment en mettant en relief les ruptures qu’il effectue, les distances qu’il établie avec l’existentialisme et le classicisme. Avec l’histoire externe, « c’est l’inscription d’un texte dans un contexte historique et culturel précis » (p. 63) qu’il faut traiter. Pour atteindre cet objectif, le professeur pourra mettre en relation l’avènement du théâtre absurde et la dénonciation des atrocités commises lors des deux grandes guerres mondiales, la montée du capitalisme et de la société de consommation, par exemple.

L’auteur rappelle qu’on ne peut pas séparer l’étude des genres littéraires de la lecture et de l’écriture de textes relevant de ces genres. Conséquemment, l’enseignant ne devra pas négliger la part créative du travail des étudiants en préparant des activités de création. Par exemple, il pourra leur demander de créer un pastiche de la pièce ou une suite possible au texte, en suivant bien sûr les caractéristiques propres au genre étudié.

 

4. Présentation de la séquence

         4.1 Justification de la progression générale de la séquence

 

Nous avons choisi de construire notre séquence à partir du principe de la diversification des problèmes de lecture. Au cours de la première séance, l’étudiant, qui a en principe complété sa première lecture complète de l’œuvre pendant la relâche, découvre le caractère intriguant de Rhinocéros, une pièce qui refuse de se soumettre aux critères du théâtre classique. Ce premier contact pédagogique avec la pièce a pour principaux défis de stimuler l’intérêt des étudiants pour une œuvre assez hermétique au premier coup d’œil et de les amener à amorcer la recherche de problèmes de lecture, d’abord par la relecture de l’incipit en classe. Enfin, cette séance se termine par l’écriture des premières lignes du texte de lecteur de l’étudiant. En plus ou moins cent-cinquante mots, il est invité à réfléchir sur le genre théâtral et les particularités rencontrées lors de la relecture de passage de Rhinocéros. La séance 2, tout comme la séance suivante, incorpore une grande variété de dispositifs et stratégies d’enseignement. Leur combinaison a, selon nous, le mérite de tenir la monotonie à distance. Une tension est maintenue entre le travail individuel de découverte (prendre connaissance de nouvelles caractéristiques spécifiques à l’œuvre, identifier des problèmes de lecture, etc.), le travail collaboratif (partager des découvertes et confronter divers points de vue et opinions) et la production individuelle (intégrer les nouveaux savoirs au texte de lecteur et poursuivre le travail de réflexion), ce qui a pout avantage de stimuler plusieurs ressources et méthodes d’apprentissage, tout en permettant à chacun des étudiants de développer ses propres représentations des notions abordées en classe. Cette séance se penche ainsi sur la question du langage et de ses travers, puis comprend un segment théorique important, consacré à la théorie de la communication de Jakobson. La séance 3 commence, pour sa part, par un retour sur le travail réalisé au cours précédent. Les étudiants, au terme de cette activité, seront en mesure d’identifier les caractéristiques du théâtre classique et de leur opposer des éléments tirés de la pièce à l’étude. Par la suite, de courts extraits photocopiés des pièces Oh les beaux jours, En attendant Godot (Beckett) et La Cantatrice chauve (Ionesco) seront remis aux étudiants qui découvriront ainsi que Rhinocéros n’est nullement un intrus dans le paysage culturel de l’époque. En fait, nous pourrions au contraire affirmer que la pièce s’inscrit dans un réseau de textes dramaturgiques qui ont un genre en commun (genre théâtral du drame de l’absurde). Il sera ensuite approprié de poursuivre la séance par le recours à un court exposé magistral. Il s’agit en fait du meilleur choix possible pour un cours théorique d’une trentaine de minutes sur le contexte sociohistorique et culturel de l’Europe d’après-guerre. Vers la fin du cours, les étudiants devront consigner par écrit des hypothèses possibles qui répondent à un ou plusieurs des problèmes de lecture identifiés au cours précédent.

 

            4.2 Présentation du déroulement de la séquence

 

Séances

Objectifs spécifiques

Activités (durée)

Travail préparatoire

Évaluation

Séance 1 :

Introduction au théâtre de l’absurde

1. Identifier les caractéristiques du théâtre classique

2. Expliquer en quoi la pièce Rhinocéros rompt avec les règles du théâtre classique

3. Rédiger un paragraphe explicatif de 150 mots.

4. Retour et formalisation par l’enseignant à partir des propositions des étudiants

1. Visionnement d’un extrait vidéo d’une représentation de la pièce (5 minutes).

2. Rappel des caractéristiques du genre théâtral classique (apprises en 101) (10 minutes).

3. Faire relever, à partir des didascalies de la pièce Rhinocéros, les indices textuels qui permettent de déterminer le temps et les lieux de l’action (35 minutes).

4. Faire écrire un texte de 150 mots à partir de la consigne suivante : La pièce Rhinocéros répond-elle aux critères du théâtre classique? Pourquoi? (20 minutes).

5. Synthèse en groupe à partir des éléments soulevés

Lecture de la pièce Rhinocéros

Diagnostique

Séance 2 :

Les problèmes de communication dans la pièce Rhinocéros

 

1. Identifier la thématique de l’incommunicabilité dans la pièce Rhinocéros en lien avec le genre théâtral du drame absurde.

 

1. Faire relever, à partir de la synthèse de la séance précédente, les caractéristiques de la pièce qui sont en rupture avec le théâtre classique (20 minutes).

2. Cours magistral sur la théorie de la communication de Jakobson (20 minutes).

3. Relever, en équipe de trois ou quatre, à partir d’un extrait dialogué de la pièce, des passages qui mènent à des non-sens et à l’irrationalité (20 minutes). 

4. À partir du travail en équipe, les étudiants écrivent individuellement un paragraphe de 150 mots dans lequel ils expliquent ce qui fait, selon eux, que le passage est difficile à comprendre. Demander aux étudiants les plus forts de trouver d’autres passages et de les commenter (40 minutes).

Photocopier un extrait de la pièce où les dialogues mènent à des non-sens et à l’irrationalité.

 

Formative

(le journal de lecture est repris à l’enseignant à la fin de chaque cours et commenté lorsque nécessaire – voir section 6)

Séance 3 : Le mouve-ment contes-tataire de l’après-guerre et le théâtre de l’absurde

1. Relever des problèmes de compréhension de lecture liés à la langue dans différents extraits de pièces de Ionesco appartenant au genre théâtral du drame absurde, en lien avec le contexte sociohistorique de l’après-guerre 

2. Formuler une question qui implique une problématisation de la lecture et qui suscite, chez l’étudiant, une interprétation du texte.

1. Faire relever, à partir des textes écrits à la séance précédente, les raisons pour lesquelles la pièce pose certains problèmes de compréhension liés à la langue (15 minutes).

2. Cours théorique sur le contexte sociohistorique de l’après-guerre en Europe (horreurs de la Deuxième guerre, totalitarisme, déshumanisation, incommunicabilité, montée du capitalisme) (40 minutes). 

3. Faire lire, en équipe de quatre, trois extraits de pièce de Ionesco du genre théâtral du drame absurde qui traitent de thématiques communes (Les Chaises, La cantatrice chauve et Jeux de massacre), relever des problèmes de lecture liés à la compréhension des extraits et formuler une question (45 minutes).

Commenter les paragraphes écrits par les étudiants à la dernière séance.

Formative

Séance 4 : La déshu-manisation et l’incom-municabilité dans la pièce

1. Formuler des hypothèses aux problèmes de lecture en l’expliquant (lien de cause à effets) par des éléments liés au contexte sociohistorique et aux thématiques de l’œuvre.

1. Lecture à voix haute des différentes questions de lecture soulevées par les équipes (10 minutes).

2. Chaque équipe reçoit une question et formule des hypothèses de lecture en justifiant ces dernières par des éléments liés au contexte sociohistorique et aux thématiques abordées lors du cours théorique sur l’après-guerre en Europe (30 minutes).

3. Chaque équipe remplit une fiche de lecture préparée par l’enseignant (40 minutes).

4. Retour et mise en commun des réponses formulées par les équipes (20 minutes).

Fiches de lecture

Formative

Séance 5 : La métaphore de la rhinocérite et le ton absurde dans la pièce

Identifier les procédés stylistiques et littéraires de la pièce que sont la métaphore de la                « rhinocérite » et le ton absurde.

1. Relever, sur une fiche comparative, les caractéristiques des personnages avant leur transformation en rhinocéros et après celle-ci (50 minutes).

2. Les étudiants poursuivent l’écriture (journal de lecture) dans le but  d’expliquer ce que représente pour eux la « rhinocérite » et d’indiquer les effets de son utilisation sur l’interprétation de l’œuvre (50 minutes).

1. Fiche-synthèse sur les caractéristiques qu’abordent les personnages de la pièce avant et après leur transformation en rhinocéros.

2. Correction des textes de la séance 1 et 2 (cible les besoins, les incompréhensions).

Formative

Séance 6 : Le débat : faut-il se transformer ou non?

1. Expliquer les liens entre le texte de la pièce, les éléments du contexte de sa production et les caractéristiques du genre théâtral du drame absurde.

2. Synthétiser, à l’oral, son opinion quant à un sujet donné et l’expliquer (liens de cause à effets) par des éléments liés au texte, au contexte et aux caractéristiques du genre théâtral du drame absurde.

1. L’enseignant divise la classe en deux groupes, il identifie la position que chaque groupe doit défendre et laisse aux étudiants le temps de remplir une fiche-argumentaire à partir de la réflexion élaborée dans leurs textes et notes de cours (20 minutes).

2. La classe est divisée en deux groupes. D’un côté, les élèves doivent défendre le point de vue de ceux qui sont en faveur la transformation en rhinocéros ; de l’autre se trouvent ceux qui s’y opposent. Les élèves s’appuient sur leur fiche-argumentaire pour présenter leurs arguments et entamer le débat (50 minutes). 

3. Rétroaction de l’enseignant sur les points forts (et moins forts) du débat. Les étudiants enrichissent le texte écrit durant la cinquième séance à la suite du débat. L’enseignant donne les consignes pour l’évaluation sommative prévue pour la séance suivante (30 minutes).

1. Division de la classe en deux parties qui se voient octroyer une «thèse» à défendre : un groupe sera en faveur de la « rhinocérite »; les autres seront contre.

2. Confection d’une fiche-argumentaire qui permettra aux étudiants de consolider les notions abordées précédemment afin de défendre la thèse qu’ils se seront vus attribuer.

3. Commenter les textes de la séance 5.

Formative

Séance 7 : Évaluation finale (début)

Expliquer les liens entre le texte de la pièce, les éléments du contexte de sa production et les caractéristiques du genre théâtral du drame absurde.

Faire écrire un texte d’invention de 500 mots à partir de la consigne suivante :

En tant que journaliste qui habite la ville où ont eu lieu les évènements de la pièce Rhinocéros, vous devez écrire un texte de 500 mots qui explique d’abord aux habitants de la ville ce en quoi consiste la « rhinocérite » qui sévit dans les environs. Par la suite, vous devez convaincre la population d’adopter votre opinion quant au fait de savoir si elle doit se transformer en rhinocéros ou non. Votre texte sera intégré au journal de la ville. Il devra, par conséquent, s’appuyer sur des faits liés au contexte sociohistorique de l’époque où la pièce a été publiée, des éléments stylistiques et littéraires utilisés dans le récit et des caractéristiques du genre théâtral du drame absurde. Vous pouvez consulter votre «fiche-argumentaire» pour rédiger votre texte. (100 minutes).

Aucun

Formative

Séance 8 : Évaluation finale (fin)

1. Expliquer les liens entre le texte de la pièce, les éléments du contexte de sa production et les caractéristiques du genre théâtral du drame absurde.

2. Réécrire un texte dans le but d’améliorer sa forme et son contenu.

1. L’enseignant fait un retour sur les points forts et les points faibles de l’évaluation formative de la dernière séance (50 minutes), à partir d’observations ciblées (textes de certains élèves sélectionnés).

2. Les étudiants commencent à réécrire leur texte en y apportant de nouvelles idées et en portant une attention particulière à la langue (50 minutes). Le travail est complété à la maison et une version finale rédigée à l’ordinateur doit être remise à l’enseignant au commencement de la séance suivante.

Correction des dissertations

Sommative (25 %)

        

         4.3 Prolongements possibles

 

Cette séquence, loin de former une entité statique, peut facilement être modifiée et adaptée aux divers groupes d’étudiants. Il est aussi possible, dans certains cas, d’établir des formes   de partenariat entre enseignants dans un même programme, notamment en construisant conjointement des activités et contenus relatifs aux questions d’éthique et de responsabilité de l’individu par rapport à sa collectivité et par rapport à lui-même. Nous pouvons aussi prolonger l’enseignement de la culture en procédant à une seconde transposition des savoirs, mais, cette fois-ci, dans un système sémiotique que celui présenté à l’étudiant lors de l’exposé magistral sur le contexte de l’après-guerre en Europe (régimes politiques radicaux, mouvements de contestation, etc.). À ce contexte s’oppose le poids d’un boulet à trainer. Sans perdre de vue les caractéristiques de l’œuvre relevées au cours des quatre premières séances de cette séquence didactique, proposez aux étudiants, de se pencher sur la question suivante : que pourrait représenter la « rhinocérite » en 2013, selon vous ? Réfléchissez aux thématiques abordées et tentez d’imaginer comment il serait possible de les adapter à la réalité de l’époque actuelle.  

Cette même question sur les sens possibles de la « rhinocérite » peut aussi être approchée par le recours à un réseau architextuel d’œuvres appartenant au genre théâtral du drame absurde. Pour résoudre les problèmes de lecture découlant de cette interrogation, les étudiants peuvent emprunter une foule d’avenues interprétatives. La métamorphose peut, par exemple, être interprétée comme une forme de déshumanisation. L’homme, en devenant rhinocéros, perd sa couleur particulière, tant sur le plan du langage – les personnages n’arrivent déjà pas à communiquer avant leur transformation – que sur celui de l’individualité. À cette différence près qu’ils peuvent avoir une ou deux cornes – selon qu’ils viennent d’Asie ou d’Afrique –, les rhinocéros de Ionesco se fondent en une masse de plus en plus uniforme, comme un troupeau de moutons. D’ailleurs, revenons à nos bêtes : la question du choix de l’animal devient à son tour fondamentale pour notre réflexion. Pourquoi un rhinocéros et non un autre animal ? La notion de symbole s’expose ici, et cela peut en fait mener à la création d’un atelier sur le symbole en littérature, au cours duquel les étudiants pourraient discuter de représentations possibles. Le rhinocéros peut ainsi être décrit à la fois par la candeur et la férocité, ce qui en fait un tueur par excellence, un tueur qui ne ressent pas cet encombrant sentiment de culpabilité.

À ces orientations possibles dans l’approche de l’œuvre par problèmes de lecture s’ajoute, évidemment, l’horizon d’interprétation qui s’impose presque systématiquement. Il s’agit de l’association faite entre la métamorphose en rhinocéros et la montée, dans les années 1950, des régimes totalitaires – rappelant le fascisme et le nazisme des années 1930 – et des mouvements de contestation mis en branle. Pour arriver à bien défendre cette interprétation, les étudiants devront se familiariser avec les contextes sociohistorique et culturel dans lesquels s’inscrit l’œuvre, ainsi qu’avec les concepts de propagande, d’endoctrinement, de dogmatisme et d’idée reçue, qui renvoient tous, à leur manière, à l’idée de l’échec de l’humanisme tel que représenté par le théâtre de l’absurde.

Afin de répondre au problème de lecture proposé, nous avons donc choisi de créer un réseau architextuel à partir de trois œuvres appartenant au genre théâtral du drame absurde : Fin de partie de Beckett, La Cantatrice chauve d’Ionesco, et Ping Pong d’Adamov. Ces pièces partagent, entre autres, un certain regard désabusé sur l’existence et sur la condition humaine, propre au courant qui les unit. Dans La Cantatrice chauve, le langage est déconstruit au point où il semble s’être vidé de tout sens. Ionesco y dénonce le lieu commun, qui mène à l’annihilation de l’individualité. Le Ping Pong soulève aussi cette critique du lieu commun, mais de manière encore plus virulente, alors qu’il devient un outil pour exploiter l’idiotie de l’Homme devenu pantin. Enfin, Fin de partie ferme la boucle, alors que l’idée du néant menaçant l’humanité s’impose tout au long de la pièce, notamment dans les paroles marquantes de Clov : « Signifier ? Nous, signifier ! (Rire bref.) Ah elle est bonne! » (Beckett, 1957, p. 49). L’étudiant pourra ainsi tisser des liens entre ces œuvres, en effectuant des rapprochements thématiques qui lui permettront de parfaire son interprétation. C’est à partir des observations soulevées lors de discussion en classe que seront construites les activités subséquentes, dans l’optique de placer l’étudiant au coeur de son apprentissage. Les lectures complémentaires permettront le développement de ses connaissances sur le courant absurde et le genre théâtral (ou antithéâtre), ce qui rendra ces apprentissages d’autant plus significatifs. Enfin, après avoir complété cette séquence, l’étudiant poursuivra son apprentissage par l’étude d’une autre œuvre moderne appartenant au corpus français, mais, cette fois, dans le courant postmoderne. Il s’agit du roman Les particules élémentaires de Michel Houellebecq. À travers les œuvres étudiées, l’élève sera en mesure d’apprécier et d’expliquer les perspectives sur le monde propres à chaque œuvre ou courant et de rendre compte des savoirs acquis en rédigeant une dissertation explicative d’environ 800 mots.

 

 

5. Déroulement détaillé de deux séances

 

Les séances détaillées de lecture et d’écriture ont en commun les éléments suivants :

 

Programme d’études : La séquence proposée se situe dans l’« Ensemble 2 » de la discipline Français, langue d’enseignement et littérature, intitulé « Littérature et imaginaire » (601-102-MQ).

Compétence visée : Expliquer la représentation du monde que propose la pièce Rhinocéros d’Ionesco, à savoir la contestation des régimes totalitaires et du conformisme.

Élément(s) de compétence : Amener les étudiants à justifier leur interprétation de la pièce Rhinocéros en établissant des liens de cause à conséquence entre le texte, les éléments du contexte et les caractéristiques du genre théâtral du drame absurde.

 

Principaux savoirs :

1) Métaphore (effets recherchés, contexte d’utilisation, etc.) ;

2) Le théâtre classique et le théâtre de l’absurde (contestation de l’existentialisme, mort de l’humanisme) :           

            a) Caractéristiques formelles : profusion de didascalies, dialogues qui tournent à vide, non-sens et irrationalité, dépersonnalisation des protagonistes, incommunicabilité ;

            b) Thématiques : esprit de contestation par le ton absurde du capitalisme, de la société de consommation et des horreurs de la Deuxième Guerre mondiale et des goulags soviétiques, marginalité ;

            3) Les régimes totalitaires : idéologie de la terreur, déshumanisation, conformisme ;

            4) La théorie de la communication de Jakobson : destinateur, message, destinataire, contexte, support, etc.

 

Objectifs spécifiques :

1) Reconnaître dans la pièce Rhinocéros des éléments textuels comme la prolifération des didascalies, les dialogues qui tournent à vide, le ton excessif des personnages et leur dépersonnalisation ;

2) Identifier les procédés stylistiques et littéraires de la pièce que sont la métaphore de la « rhinocérite » et le ton absurde ;

3) Relever l’esprit contestataire de la pièce, notamment par l’évacuation de la démarche rationnelle, caractéristique des œuvres publiées dans le contexte de l’après-guerre ;

4) Expliquer les liens entre les objectifs sus mentionnés ;

5) Rédiger un texte d’invention d’environ 500 mots où l’étudiant donne son opinion quant à la métaphore de la « rhinocérite » dans la pièce Rhinocéros.

 

            5.1 Une séance sur la lecture

 

Cette séance est la quatrième de notre séquence sur Rhinocéros. Elle est d’une durée de cent minutes. Les deux premières activités s’échelonnent sur cinquante minutes et sont suivies d’une pause de dix minutes, au terme de laquelle les étudiants reviennent en classe pour les deux activités suivantes.  

 

Objectifs de lecture spécifiques :

 

1) Formuler des hypothèses aux problèmes de lecture en l’expliquant (lien de cause à effets) par des éléments liés au contexte sociohistorique et aux thématiques de l’œuvre ;

2) Faire exercer les stratégies de compréhension, en particulier, l’analyse et la remédiation des écarts de compréhension prévues par le texte ;

3) Faire découvrir plusieurs interprétations concomitantes et successives ;

4) Développer la capacité réflexive des élèves par rapport à leur propre parcours interprétatif en s’appuyant sur des écrits intermédiaires ;

5) Amorcer une réflexion sur le processus interprétatif en tant qu’expérience subjective de construction du sens et de soi-même comme lecteur.

 

 

  • Activité 1 (dix minutes) : inventaire des questions de lecture soulevées

 

Objectif d’apprentissage intermédiaire : Prendre connaissance des différentes questions soulevées par les équipes et constater, par le fait même, que plusieurs interprétations possibles peuvent coexister pour une œuvre.

Éléments de contenu : problématisation de la lecture des trois extraits de pièce de théâtre appartenant au genre du drame absurde écrites par Ionesco, l’incommunicabilité et la déshumanisation, les régimes totalitaires.

Ce que font les étudiant(e)s : Le cours précédant, les étudiants devaient, à partir de trois extraits de pièces de théâtre d’Eugène Ionesco appartenant au corpus du drame absurde, soit Les Chaises, La Cantatrice chauve et Jeux de massacre (réseaux de textes générique, thématique et intratextuel), relever des problèmes de lecture liés à la compréhension des extraits et formuler une question. Ces problèmes pouvaient s’articuler autour de la question de la langue (difficultés de communication et de compréhension entre les protagonistes de la pièce) ou encore sur les liens que peuvent entretenir le texte et le courant sociohistorique dans lequel il s’inscrit (le sens, la portée du message livré par la pièce).

Ce que fait l’enseignant(e) : Au début de la séance, l’enseignant demande à chaque équipe d’énoncer la question qu’ils auront formulée à la fin de la troisième séance.

Consigne : Énoncer la question que vous avez formulée à partir des problèmes de lecture soulevés à la dernière séance.

 

 

  • Activité 2 (quarante minutes) : remplir la fiche de lecture

 

Objectifs d’apprentissage intermédiaires :

1) Formuler des hypothèses aux problèmes de lecture en l’expliquant (lien de cause à effets) par des éléments liés au contexte sociohistorique et aux thématiques de l’œuvre.

2) Conscientiser l’étudiant quant à la possibilité d’établir des réseaux de textes lorsque ces derniers partagent des éléments semblables – en l’occurrence, ils sont écrits par le même auteur et ils partagent des thématiques communes.

Éléments de contenu : diversité des interprétations possibles, justification des hypothèses par des éléments du contexte sociohistorique (montée des mouvements contestataires de l’après-guerre, les régimes totalitaires, les horreurs de la Deuxième guerre mondiale) et aux thématiques de l’œuvre (dépersonnalisation, déshumanisation, marginalité et conformisme) et réseaux de textes (intratextuel et thématique).

Ce que font les étudiant(e)s : En équipe de quatre, les étudiants remplissent une fiche de lecture préparée par l’enseignant. Cette fiche vise dans un premier temps à synthétiser les aspects relevés par les étudiants dans leur analyse d’un extrait d’une pièce d’Ionesco, par rapport à un problème de lecture. Ils pourront donc y consigner différentes informations comme les thématiques identifiées, les citations (preuves) textuelles qui appuient ce choix, de même que des mots-clés leur rappelant des notions théoriques abordées dans le cours magistral de la séance 3 portant sur le contexte sociohistorique de l’après-guerre.  Dans un deuxième temps, les équipes doivent identifier des passages qui soulèvent des thématiques semblables dans la pièce Rhinocéros et expliquer de quelle manière les deux extraits se rapprochent et abordent les mêmes questionnements. De cette manière, les étudiants verront qu’une même thématique, un même questionnement, peut se retrouver dans différents textes. Ainsi, l’exercice permet à l’étudiant de prendre conscience qu’un réseau de textes peut se créer à partir d’extraits écrits par le même auteur ou comportant des thématiques semblables.

Ce que fait l’enseignant(e) : Il aura préparé et photocopier les fiches de lecture avant de les distribuer aux équipes. Il circule dans la classe et interroge les équipes quant à la progression de leur travail réflexif.

Consignes et matériel : Chaque équipe doit remplir une fiche de lecture (Annexe I).

 

 

  • Activité 3 (trente minutes) : formulation des hypothèses de lecture

 

Objectif d’apprentissage intermédiaire : Formuler des hypothèses aux problèmes de lecture en l’expliquant (lien de cause à effets) par des éléments liés au contexte sociohistorique et aux thématiques de Rhinocéros ?

Éléments de contenu : diversité des interprétations possibles, justification des hypothèses par des éléments liés au contexte sociohistorique (montée des mouvements contestataires de l’après-guerre, les régimes totalitaires, les horreurs de la Deuxième guerre mondiale) et aux thématiques de l’œuvre (dépersonnalisation, déshumanisation, marginalité, conformisme, etc.).

Ce que font les étudiant(e)s : à partir de la question qu’ils se font attribuer, les étudiants, regroupés dans la même équipe de la séance précédente, formulent des hypothèses de lecture. Ils doivent justifier leur interprétation de l’œuvre par des thématiques propres à celle-ci et du contexte sociohistorique de sa publication. À partir d’extraits de la pièce, elles partagent toutes des thématiques semblables, telles que l’incommunicabilité, la dépersonnalisation et la marginalité. Ainsi, peu importe la question qu’ils auront à analyser, les étudiants identifieront tous plus ou moins les mêmes aspects.

 

 

  • Activité 4 (vingt minutes) : retour et mise en commun des réponses

           

Objectif intermédiaire : Faire découvrir plusieurs interprétations concomitantes et successives.

Éléments de contenu : diversité des interprétations possibles, justification des hypothèses par des éléments liés au contexte sociohistorique (montée des mouvements contestataires de l’après-guerre, les régimes totalitaires, les horreurs de la Deuxième guerre mondiale) et aux thématiques de l’œuvre (dépersonnalisation, déshumanisation, marginalité, conformisme, etc.).

Ce que font les étudiant(e)s : chaque équipe présente sa fiche de lecture et les thématiques présentes dans l’extrait Chaque équipe formule une hypothèse à la question qui leur a été attribuée en l’expliquant par les thématiques et les mots-clés relatifs au contexte sociohistorique. Les autres étudiants et l’enseignant commentent cette hypothèse et l’évaluent de façon formative (liens avec des thématiques présentes dans l’œuvre et des éléments du contexte sociohistorique).

Ce que fait l’enseignant(e) : il commente, donne son opinion sur les réponses fournies par les équipes. Il précise les différentes thématiques et les éléments du contexte sociohistorique soulevés.

Matériel et consignes : l’enseignant demande qu’un membre de chaque équipe énonce les réponses formulées dans la fiche de lecture et synthétise l’hypothèse de lecture qui ressort de leur travail d’interprétation.

 

 

            5.2 Une séance sur l’écriture

 

Cette séance est la cinquième de notre séquence sur Rhinocéros. Elle est d’une durée de cent minutes. La première activité s’échelonne sur cinquante minutes et est suivie d’une pause de dix minutes, au terme de laquelle les étudiants reviennent en classe pour une seconde activité de durée équivalente.  

 

Objectifs d’écriture spécifiques :

1) Identifier les procédés stylistiques et littéraires que sont la métaphore de la « rhinocérite » et le ton absurde dans la pièce Rhinocéros ;

2) Écrire un texte d’environ 350 mots en établissant des liens de cause à conséquence entre le texte, les éléments du contexte sociohistorique de sa production et les caractéristiques du genre théâtral du drame absurde, et ce, à partir d’un premier jet.

 

  • Activité 1 (cinquante minutes) : cueillette d’informations

 

Objectif intermédiaire : Relever les caractéristiques des personnages et les champs lexicaux qui s’y rattachent, et ce, avant et après leur transformation en rhinocéros, afin de constater que les protagonistes sont d’abord effrayés par cette transformation, avant d’être intéressés, intrigués, voire fascinés par celle-ci. De cette manière, les étudiants constateront la dépersonnalisation, l’uniformisation qui s’opèrent par la métaphore de la « rhinocérite » chez les différents personnages, puisque ceux-ci sont peu décrits, devenant difficilement différenciables.

Éléments de contenu : champs lexicaux de la peur et de la fascination, métaphore (formation et effets), l’idéologie de la dépersonnalisation, de la déshumanisation (conformité) et de la terreur des régimes totalitaires.

Ce que font les étudiant(e)s : En équipe de deux ou trois, les étudiants remplissent une fiche comparative des personnages avant et après leur transformation en rhinocéros. Ils identifient leurs caractéristiques physiques et psychologiques d’abord, mais aussi les champs lexicaux utilisés, afin de constater que les protagonistes sont d’abord effrayés par cette transformation, avant d’être intéressés, intrigués par celle-ci. Dans un deuxième temps, les équipes mettent en commun leurs réponses. De cette manière, les étudiants réaliseront que presque tous les personnages transformés en rhinocéros sont semblables, voire interchangeables. Comme dans les régimes totalitaires où l’on prône la conformité et l’abolition des caractères distinctifs, afin de favoriser une plus grande obéissance et un meilleur contrôle de la population, les personnages de Rhinocéros semblent n’avoir aucune emprise sur leur destinée et contractent presque tous la « rhinocérite », une métaphore de ce conformisme. Certains auront peut-être de la difficulté à relever les caractéristiques psychologiques des personnages et les champs lexicaux qui évoquent d’abord la peur et ensuite la fascination.

Ce que fait l’enseignant(e) : L’enseignant réserve une quinzaine de minutes pour mettre en commun les réponses des équipes. Les étudiants, en voyant la faible quantité d’information qui permet de distinguer les personnages transformés entre eux, réaliseront l’uniformité, l’abolition des différences engendrées par la « rhinocérite ». L’enseignant fera des liens avec les notions théoriques des régimes totalitaires abordées lors des séances précédentes.

Matériel et consignes : fiche comparative « avant et après la transformation » sous forme de tableau que les étudiants doivent compléter (Annexe II).

 

 

  • Activité 2 (cinquante minutes) : écriture

           

Objectifs intermédiaires

1) Écrire un texte d’environ 350 mots avec la consigne suivante : À partir de la réflexion menée en classe, répondez à cette question: si vous étiez un personnage de la pièce, vous transformeriez-vous en rhinocéros?

2) Justifier votre réponse en établissant des liens avec le texte de la pièce, le contexte sociohistorique de sa publication et les caractéristiques du genre théâtral du drame absurde.

Éléments de contenu : la montée des mouvements contestataires de l’après-guerre, l’incommunicabilité, l’utilisation de la métaphore de la « rhinocérite » pour illustrer l’idéologie de la déshumanisation et de la dépersonnalisation, du conformisme et de la terreur des régimes totalitaires, de même que l’emploi de ton absurde de la pièce comme critique de la représentation du monde des régimes totalitaires.

Ce que font les étudiant(e)s : À partir du texte qu’ils ont écrit à la deuxième séance, les étudiants poussent leur réflexion sur la métaphore de la « rhinocérite », de même que les liens de cause à effet qui peuvent s’articuler entre ce procédé littéraire, le contexte contestataire dans lequel l’œuvre a été publiée et les caractéristiques du genre théâtral du drame absurde.

Ce que fait l’enseignant(e) : L’enseignant redonne les textes écrits par les étudiants avec ses commentaires (mentionner les points forts et les faiblesses de la réflexion de l’étudiant) et s’assure que tous comprennent la consigne de travail. Il circule dans la classe pour répondre aux interrogations des étudiants.

Consignes : Vous vous adressez à vos pairs qui ont lu la pièce, dans le but de les informer sur les liens qui peuvent exister entre les différents éléments mentionnés plus haut (le texte, le contexte et les caractéristiques du genre

 

  

6. Principales modalités d’évaluation


Notre séquence fera d’abord appel à des démarches d’évaluation diagnostique au cours des premières séances, puisqu’il est alors pertinent de vérifier si les connaissances des étudiants satisfont les prérequis d’apprentissage. Cette évaluation se présente tout simplement sous la forme de questions posées aux étudiants en début de séance. Les réponses recueillies s’avèrent utiles afin de se faire une idée du niveau de la classe. En fonction de ce portrait approximatif, l’enseignant peut procéder à des modifications dans la séquence ou à des modulation occasionnelles des contenus abordés, dans l’optique d’adapter efficacement l’enseignement à chacun des groupes à qui le cours est donné. 

Puisque la séquence didactique s’élabore selon des principes d’intégration de diverses activités de lecture, d’écriture et d’expression orale, mais aussi parce qu’elle vise à organiser la découverte progressive des interprétations de l’œuvre, l’évaluation certificative qui se déroule au  terme des deux dernières séances de cette séquence a pour but de vérifier de façon concomitante l’acquisition des compétences en lecture et en écriture. Ainsi, au fil de la séquence, les interprétations de lecture ont été consolidées par les étudiants dans de courts textes de création ou de réflexion consignés dans leur journal de lecteur. Ces textes ont été commentés par l’enseignant et réunis dans un portfolio requis pour l’élaboration d’une fiche-synthèse des notions relatives au texte (procédés littéraires et stylistiques), au contexte sociohistorique de l’après-guerre et aux caractéristiques du genre théâtral du drame absurde. Cette fiche est un outil indispensable lors de l’évaluation sommative qui consiste à rédiger un texte de 500 mots qui présente une interprétation possible de la pièce et justifie cette dernière en identifiant des liens significatifs entre les diverses caractéristiques de l’œuvre. Toutefois, ce texte est en quelque sorte une hybridation des genres, puisqu’il comporte une composante de création littéraire.

Au moment où l’étudiant amorce la rédaction de la version finale de son texte (pendant le dernier cours ou à la maison, si le temps manque), précisons qu’il a alors eu plusieurs occasions de bénéficier d’une rétroaction de la part de l’enseignant lors des activités préparatoires (le débat – séance 6 – et la planification de l’écriture – séance 7). En effet, l’activité du débat a fait l’objet d’une évaluation formative, grâce à laquelle l’enseignant a pu identifier les forces et les faiblesses des étudiants sur les plans du repérage d’éléments significatifs dans l’œuvre et de la formulation de problèmes et d’hypothèses de lecture. Notons au passage que le choix du débat comme méthode d’évaluation formative découle d’un souci de stimuler l’ensemble des compétences langagières de l’étudiant au cours de la session et de soutenir la planification de l’écriture longue, puisque la recherche d’idées et l’organisation des idées sont essentielles à une tache d’écriture complexe. Les observations de l’enseignant sont exposées au groupe concerné sous la forme d’un tableau synthétique de leurs forces et faiblesses lors du débat. Cette mise en commun vise à corriger le tir en limitant les dérives possibles dans les interprétations des étudiants. Si l’enseignant perçoit des difficultés plus profondes chez un ou plusieurs étudiants d’un de ses groupes, il leur demande discrètement de rester quelques minutes après le cours pour discuter des écueils d’apprentissage et des stratégies à considérer pour y remédier. Enfin, au cours de l’avant-dernière séance, l’enseignant procédera de nouveau à une évaluation formative des activités d’apprentissage, en chapeautant l’écriture active mise en branle par les petits groupes de travail (deux ou trois étudiants).

Le portfolio de l’étudiant comprend ses réflexions menées au cours des différentes séances de la séquence didactique. Ce portfolio est majoritairement composé des textes retravaillés par l’élève et commentés par l’enseignant. Il comprend aussi une fiche-argumentaire écrite à la suite d’un débat mené en classe, la séance précédant l’évaluation sommative. Cette fiche résume les notions abordées en classe relativement au contexte sociohistorique de la publication de la pièce, aux différents procédés stylistiques et littéraires utilisés dans le texte de même que leurs effets et les caractéristiques du genre théâtral du drame absurde.

Les différents textes écrits durant la séquence suscitent d’abord, au commencement de la séquence, une évaluation diagnostique (production initiale). Une fois cette évaluation complétée, l’enseignant optera avant tout pour l’évaluation formative des productions intermédiaires. Enfin, comme nous l’avons expliqué auparavant, la production finale fera quand à elle l’objet d’une évaluation sommative. Les étudiants devront, à partir de l’avant-dernière séance de la séquence, écrire un texte à partir de la consigne suivante : 

En tant que journaliste qui habite la ville où ont eu lieu les évènements de la pièce Rhinocéros, vous devez écrire un texte d’environ 500 mots qui explique d’abord aux habitants de la ville ce en quoi consiste la « rhinocérite » qui sévit dans les environs. Par la suite, vous devez convaincre la population d’adapter votre opinion quant au fait de savoir si elle doit se transformer en rhinocéros ou non. Votre texte sera intégré au journal de la ville. Il devra, par conséquent, s’appuyer sur des faits liés au contexte sociohistorique de l’époque où la pièce a été publiée, des éléments stylistiques et littéraires utilisés dans le récit et des caractéristiques du genre théâtral du drame absurde. Vous pouvez consulter votre fiche-argumentaire pour rédiger votre texte.

 


v  Critères d’évaluation de la production finale (25 %)

 

1) Pertinence des contenus (16 points)

            a) L’étudiant relève au moins deux faits liés au contexte sociohistorique de la pièce (2 points par élément) ;

            b) L’étudiant relève au moins trois éléments stylistiques et littéraires, et parmi ceux-ci se   trouvent la métaphore de la « rhinocérite » (2 points par élément ; s’il y a trois éléments sans mention de la métaphore de la « rhinocérite », l’étudiant perd 2 points) ;

            c) L’étudiant relève au moins trois caractéristiques du genre théâtral du drame absurde (2 points par élément). 

 

2) Structure du texte (9 points)

            a) L’étudiant respecte la structure de l’explication argumentative : il donne son avis quant à la « rhinocérite » en établissant des liens de cause à effet entre les éléments liés au contexte sociohistorique de la pièce, aux procédés stylistiques et littéraires utilisés dans le récit et aux caractéristiques du genre théâtral du drame absurde (6 points) ;

            b) L’étudiant respecte le ton absurde (3 points).

 

3) Respect des normes de la langue (25 points)

            a) L’étudiant écrit son texte au présent de manière uniforme (2 points) ;

            b) Le registre et le niveau de langue conviennent aux propos du texte (3 points) ;

            c) L’étudiant écrit son texte sans faire des fautes de syntaxe, de ponctuation, de grammaire ou d’orthographe (1 point soustrait par faute).

 

 

 

Nous espérons avoir su construire une séquence didactique en français au collégial à la fois cohérente et stimulante pour les étudiants et leur enseignant. Notre travail vise d’abord l’acquisition de compétences qui permettent à l’étudiant de saisir l’importance de cette œuvre et des représentations du monde qu’elle présente.

Nous avons d’abord, dans une première partie, précisé le contexte de notre séquence dans le programme, les divers objectifs poursuivis, les visées de formation et les problématiques importantes à considérer. Il a d’ailleurs été question de la transposition des savoirs, où nous avons expliqué de quelle manière nous transformerions les savoirs de référence que sont le totalitarisme et le théâtre de l’absurde en savoirs enseignables. Une fois fixés, tous ces éléments préliminaires nous ont permis de passer à l’élaboration d’un enchaînement logique de l’enseignement des contenus, notamment par la conception d’exercices appropriés et de méthodes d’évaluation pertinentes. Nous avons ainsi présenté le découpage de notre séquence, en justifiant d’abord la progression des séances envisagée, puis en présentant les objectifs spécifiques, activités, travaux préparatoires et méthodes d’évaluation de chacune des huit séances. Nous avons aussi suggéré des prolongements possibles à ces contenus. Ensuite, nous avons détaillé deux séances, consacrées respectivement à la lecture littéraire et à l’écriture, en exposant les objectifs poursuivis et les activités permettant d’atteindre ces derniers, puis en en précisant les actions suscitées chez les étudiants et l’enseignant, les prérequis, le matériel, les consignes et les formes d’évaluation requises au déroulement de ces séances. Enfin, nous avons abordé, dans la dernière partie de ce dossier, la question de l’évaluation des apprentissages tout au long de cette séquence didactique.

Nous croyons avoir réussi à donner forme à une séquence didactique riche en possibilité. Il nous faudra désormais passer à l’étape suivante de la planification, c’est-à-dire la mise en pratique, en salle de classe. Comme chaque groupe réagit différemment à chaque activité, nous risquons d’avoir à procéder à plusieurs ajustements de parcours. Mais, après tout, c’est bien là tout le plaisir du métier d’enseignant !

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Bibliographie

 

ADAMOV, A. (2012). Le Ping Pong. Paris : Gallimard.

 

ARON, P., SAINT-JACQUES, D. et VIALA, A. (2002). Le dictionnaire du littéraire. Paris : PUF.

 

BECKETT, S. (1957). Fin de partie. Paris : Minuit.

 

CANVAT, K. (2000). Quels savoirs pour l’enseignement de la littérature ? Réflexion et propositions, dans G. Langlade et M.J. Fourtanier (dir.) Enseigner la littérature. Paris : Delagrave (CRDP Midi-Pyrénées).

 

IONESCO, E. (1954 ) La Cantatrice chauve. Paris : Gallimard.

 

IONESCO, E. (1959) Rhinocéros. Paris : Gallimard.

 

MINISTÈRE DE L’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR, DE LA RECHERCHE, DE LA SCIENCE ET DE LA TECHNOLOGIE [En ligne] http://www.mesrst.gouv.qc.ca/fileadmin/ contenu/documents_soutien/Ens_Sup/Collegial/Form_collegiale/FormGenComPropreComplProgEtudesCondDEC_2011_f.pdf [site consulté le 15 octobre 2013]

 

SABBAH, H. (2006). Préparer et construire une séquence, dans Travailler en séquence au lycée en français. Paris : Hatier Pédagogie.

 

TODOROV, T. (2010). Le siècle des totalitarismes. Paris : Robert Laffon.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Annexe I : Fiche de lecture (séance 4)

1) Question/Problème de lecture attribué(e) :

 

Thématiques abordées dans l’extrait (suivi du numéro de la ligne entre parenthèses comme preuve textuelle)

Mots-clés relatifs au contexte sociohistorique de l’après-guerre

 

 

 

 

 

 

 

 

2) Relier les thématiques et les mots-clés qui vous semblent rattachés l’un à l’autre par des liens de dépendance (cause à effets) ou de ressemblance.

 

3) À partir des thématiques que vous avez relevées dans le tableau qui précède, vous identifiez d’abord des passages de la pièce Rhinocéros qui soulèvent les mêmes interrogations, qui abordent les mêmes sujets que l’extrait analysé. Par la suite, vous dites en quoi ces deux extraits se rapprochent, se ressemblent.

 

Extrait de la pièce Rhinocéros (vous résumez la scène et vous indiquez la page entre parenthèses)

Ressemblances entre les deux extraits (thématique commune, description psychologique des personnages semblable, etc.)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Pour remplir ce tableau, vous pouvez vous aider de la liste de thèmes suivants. Évidemment, cette liste n’est pas exhaustive, vous êtes donc invités à la bonifier lors de votre réflexion.

La marginalité / le conformisme

La dépersonnalisation / la déshumanisation

L’indifférence

L’incompréhension / l’incommunicabilité

L’autonomie

Etc.

 

4) Tentez de répondre à la question qui vous a été attribuée en l’expliquant par les thématiques et les mots-clés relatifs au contexte sociohistorique que vous avez soulevés.


 

Annexe II : Fiche comparative (séance 5)

 

 

Avant la transformation

Après la transformation

Caractéristiques physiques

(vêtements, cheveux, grandeur, grosseurs, etc.)

 

 

 

Caractéristiques psychologiques

(traits de caractère, pensées, etc.)

 

 

Champ lexical (inventaire de mots qui caractérisent la perception qu’a la population envers la « rhinocérite »)

 

 

 

 

 


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