Introduction

Les cours de littérature de niveau collégial permettent aux étudiants d’acquérir certaines connaissances dans le domaine et d’améliorer la qualité de leurs utilisations de la langue française. Cependant, l’étude des époques comme le Moyen Âge leur permet aussi d’observer un état primitif de la littérature française. Cette observation peut les aider à comprendre l’état actuel du roman, mais aussi à comprendre que les valeurs de l’époque sont plus actuelles qu’ils ne le croient.

Nous avons choisi de créer une séquence sur Erec et Enide[1] de Chrétien de Troyes. Escortant la reine Guenièvre lors de la chasse au cerf blanc, Erec, chevalier de la Table ronde, se voit dans l’obligation de défendre cette dernière qui s’est fait attaquer par un étranger croisé dans les bois. Pour venger l’honneur de sa reine, le jeune chevalier se lance à la poursuite du mécréant. Sa quête le mène à un bourg fortifié où il fait la rencontre d’un vavasseur qui lui offre l’hospitalité et qui lui présente sa fille Enide. Erec en tombe follement amoureux et gagne sa main lors d’un tournoi. Suite à leur mariage, un conflit s’installe entre les nouveaux mariés puisqu’Erec délaisse ses fonctions de chevalier au profit de l’amour qu’il éprouve pour sa femme. Lui reprochant sa « récréantise[2] », Enide attise la colère de son mari qui décide d’entreprendre une quête chevaleresque en sa compagnie en lui imposant le silence. Durant quatre jours, le couple affronte plusieurs malfaiteurs qui mettent à l’épreuve les qualités chevaleresques d’Erec. À chaque épreuve, ce n’est qu’en violant le silence qu’il lui est imposé qu’Enide sauve la vie de son mari. Lors de la dernière épreuve, tous deux sont accueillis à Bradigan où un verger maléfique fait craindre même les plus braves guerriers, car personne n’en est jamais revenu. Nommée Joie de la Cour, cette aventure consiste à affronter un chevalier qui protège sa dame. Erec se porte volontaire pour l’affronter et y parvient non sans difficulté. Après cette grande victoire, il retrouve son honneur, l’admiration de sa femme et prend la place de son père sur le trône.

Le travail qui suit comprendra quatre parties. Dans la première, nous établirons les visées de formation en regard des programmes. Ensuite, nous justifierons le choix d’Erec et Énide pour notre séquence puis nous présenterons les principales problématiques qui en découlent. Dans la dernière partie, nous ferons un portrait des différents savoirs de références et des savoirs transposés dans notre séquence.

1. 1.    Les visées de formation en regard des programmes

Situation de la séquence dans le programme d’études

            La formation générale est construite autour de trois visées : « former la personne à vivre en société de façon responsable, amener la personne à intégrer les acquis de la culture et amener la personne à maitriser la langue comme outil de pensée, de communication et d’ouverture sur le monde[3] ». Notre séquence, située dès les premières séances du cours Écriture et littérature, répond à ces visées. En effet, l’étudiant sera amené à faire des liens entre des phénomènes sociaux du Moyen Âge et ceux de son temps. Cette comparaison emmènera l’étudiant à faire preuve de pensée critique, rationnelle et éthique. De plus, à la fin de la séquence, l’étudiant aura élargi sa culture par la découverte et par l’analyse d’une œuvre très éloignée de lui dans le temps, mais qui s’en rapproche par certains de ses thèmes. Il aura également l’occasion de travailler ses compétences langagières par l’intermédiaire d’une lecture active, d’échanges oraux et par la rédaction d’une analyse littéraire.

En français, la formation générale permet à l’étudiant de « stimuler l’imagination, d’aiguiser la sensibilité et d’élargir les connaissances dans les domaines littéraires et culturels » (FGCC-6). Erec et Énide développera sans aucun doute l’imagination des étudiants puisqu’il s’agit d’un roman d’aventures. De plus, à la suite de la lecture de la première partie, nous leur demanderons d’imaginer la suite. Par le traitement des thèmes que nous avons choisis, les étudiants développeront leur sensibilité. De plus, on favorisera l’identification au héros (catharsis). Les étudiants feront connaissance avec Chrétien de Troyes un des auteurs les plus importants et les plus étudiés de cette période. Ils travailleront également avec un des premiers romans en français. Ils développeront ainsi leurs connaissances littéraires et pourront faire des comparaisons avec des romans d’aventures plus actuels.

            Puisque la séquence se déroulerait au retour de la relâche dans le premier cours de littérature du cégep, les étudiants auraient au préalable acquis des notions  sur l’analyse de texte littéraire. Les étudiants n’ont pas à avoir de connaissances littéraires particulières puisque nous prendrons en considération leur méconnaissance de la littérature médiévale. Ils doivent maitriser certaines compétences de base comme la lecture et l’écriture.

Compétences à développer

La principale compétence à acquérir dans le cadre du cours Écriture et littérature consiste à l’analyse des textes littéraires. Dans notre séquence, ils devront analyser Erec et Énide selon plusieurs perspectives. Plus spécifiquement, ils devront « reconnaitre le propos du texte » (FGCC-9) et « repérer et classer des thèmes et des procédés stylistiques » (FGCC-9) qui sont essentiels pour une bonne compréhension du roman. Ensuite, ils choisiront « des éléments d’analyses » (FGCC-9), à partir des activités que nous aurons faites en classe, avec lesquels ils devront « élaborer un plan de rédaction » (FGCC-9) pour finalement procéder à l’écriture d’une analyse littéraire. Plus largement, ces compétences leur permettront de « s’adapter à des situations nouvelles » (FGCC-2) de par la lecture d’un texte d’une époque autre que la leur. De plus, ils pourront « exercer [leur] créativité » (FGCC-2) par une écriture d’invention.

Objectifs généraux et spécifiques :

Notre séquence vise deux objectifs généraux soit 1) interpréter un roman courtois et 2) montrer que certains thèmes sont encore utilisés dans les œuvres populaires actuelles. Le premier objectif permet à l’élève d’acquérir plusieurs compétences, dont nous avons parlé précédemment, comme reconnaitre certains genres, en donner les principales caractéristiques et repérer les thématiques. Le second est fondé sur l’idée que « les interactions avec les réalités culturelles environnantes sont non seulement possibles, mais nécessaires pour motiver les élèves et donner du sens aux apprentissages[4]. »

Pour réaliser ces deux objectifs, les étudiants devront atteindre trois objectifs spécifiques : 1) identifier et comparer les principales caractéristiques du héros et de l’héroïne arthuriens, 2) identifier les principales caractéristiques du roman courtois et 3) comparer le roman courtois à certaines œuvres actuelles. Les deux premiers objectifs spécifiques sont appropriés puisqu’ils prépareront les étudiants à « choisir [des] éléments d’analyses » (FGCC-9) pertinents en vue d’une rédaction évaluée de manière sommative. Le troisième objectif spécifique est important puisqu’il permettra aux étudiants de mieux comprendre certains éléments clés de la littérature du Moyen âge. En effet, pouvant se référer à des textes actuels par la représentation figée de certains stéréotypes, ils seront beaucoup plus motivés ce qui améliorera leur compréhension globale.

1. 2.    Justification du choix de l’œuvre en regard des visées de formation

Erec et Enide offre de nombreuses possibilités d’analyse, que ce soit par sa forme, ses sujets ou ses références historiques. D’une part, divers thèmes y sont exploités, tels l’amour, la chevalerie, la guerre, la morale et le mariage. L’étudiant développera son « aptitude à analyser des textes littéraires et à rendre compte par écrit de façon structurée, cohérente et dans une langue correcte » (FGCC-7). Les figures de style y sont également très abondantes, ce qui permettrait aux étudiants d’enrichir leurs analyses, mais aussi de reconnaitre « des procédés littéraires et langagiers et [expliquer] de leur contribution au projet d’un texte » (FGCC-6). D’autre part, sa construction, simple et traditionnelle, est aisément comparable aux autres romans de la littérature arthurienne. Les étudiants seront donc déjà en mesure, après cette séance, de cerner certaines « caractéristiques des genres et de certains courants littéraires » (FGCC-6). De plus, Erec et Enide n’est pas un roman aride demandant des capacités de lecture très développées même si quelques mots devront être cherchés dans un dictionnaire. On y retrouve une série d’aventures qui risquent fort d’intéresser et d’attiser la curiosité de jeunes adultes de niveau collégial. De plus, ils auront l’occasion de le comparer avec les romans d’aventures plus récents. Ils pourront rendre compte « des formes de représentations du monde attachées à des œuvres et à des époques » (FGCC-6).  Certains enjeux traités dans le roman sont encore actuels comme le mariage, la relation homme femme, mais aussi leurs stéréotypes. Les étudiants se verront donc interpelés et ainsi ils développeront leur « capacité de saisir les enjeux sociaux par l’analyse de diverses représentations du monde » (FGCC-7). L’œuvre serait d’autant plus intéressante à étudier sur le plan de la langue puisque le texte d’origine est en ancien français. Ainsi, il serait pertinent de comparer les deux versions dans une perspective d’évolution de la langue. D’une autre part, ce texte nous tient beaucoup à cœur. Comme mentionné dans le texte Planification et conception d’un court de français, les intérêts et les passions des enseignants doivent être reflétés dans leurs cours puisque c’est elle qui leur donne leur style, leur couleur et leur saveur spécifique[5] .

Présentation et justification des problématiques

Nous avons soulevé quatre problématiques spécifiques au roman Erec et Enide. Tout d’abord, la première problématique soulevée sera sous forme de question : quel(s) lien(s) existe-t-il entre les armes et l’amour dans ce roman de Chrétien de Troyes? À elle seule, cette question soulève plusieurs thèmes majeurs du roman d’aventures médiéval tels que le fin’amor et la chevalerie. Les étudiants auront donc à s’interroger sur leur importance respective dans le roman dans le but de dégager le lien d’interdépendance qui existe entre de ces deux points. Cette problématique permettra également aux étudiants de réfléchir sur les thèmes du combat et de l’amour de manière plus générale présents dans de nombreux films et œuvres littéraires contemporains. Dans ce sens, des exemples tels que Twilight et Hunger Games prouveront qu’encore aujourd’hui, l’amour est souvent associé aux armes. Ces exemples les aideront à poser un regard davantage critique sur la culture populaire. L’approche générique sera donc à privilégier pour ce problème de compréhension puisqu’avec le fin’amor et le combat chevaleresque, ce sont les caractéristiques du genre courtois qui seront étudiées et analysées. Finalement, cette problématique est d’autant plus pertinente, car les étudiants auront à réfléchir sur l’ensemble du roman. En effet, cette œuvre de Chrétien de Troyes raconte les aventures d’un jeune chevalier tentant de trouver un équilibre entre amour et chevalerie. Pour cette raison, l’amour et le combat sont présents dans toutes les parties du roman. Ensuite, toujours sous forme de question, la deuxième problématique se formule comme suit : en quoi les évènements du roman influencent-ils le statut de chevalier d’Erec? Avec cette question, les étudiants devront, pour débuter, relever les nombreux évènements du roman. Par la suite, ils auront à analyser ces évènements en regard des changements identitaires d’Erec, plus précisément en ce qui a trait à sa situation en tant que chevalier. Plusieurs questions devront, entre autres, être soulevées suite à cette problématique : quels sont les principaux évènements du roman? Quelles caractéristiques chevaleresques Erec possède-t-il? Quels sont les changements identitaires vécus par Erec tout au long du récit? Pourquoi Erec agit-il ainsi? Nous utiliserons encore une fois l’approche générique en traitant des caractéristiques générales du roman arthurien en ce qui a trait aux topos de la littérature médiévale reliés aux évènements. De  plus, avec cette approche, les caractéristiques du chevalier arthurien seront décrites et analysées à travers le personnage d’Erec. Les étudiants devront ainsi se questionner à la fois sur la séquence évènementielle du roman et sur le développement psychologique du héros. La troisième problématique repose sur la représentation de la femme dans le roman : quelle vision de la femme est présentée dans Erec et Enide? Avec cette question, les étudiants auront, entre autres, à analyser plus particulièrement le personnage d’Enide. Ils devront se questionner sur son rôle, sur ses caractéristiques physiques et psychologiques et sur la position qu’elle occupe vis-à-vis des autres personnages. En analysant la représentation de la femme, les valeurs seront remises en question et c’est pourquoi nous favoriserons une approche basée sur la critique des idéologies. Cette approche amènera les élèves à porter des jugements moraux sur les figures féminines du roman et sur les actions des autres personnages vis-à-vis de ces dernières. Finalement, il serait pertinent de demander aux étudiants de démontrer l’importance de la parole dans cette œuvre de Chrétien de Troyes. L’étudiant aura à analyser l’ensemble du roman en insistant sur les paroles et les silences des protagonistes, plus particulièrement ceux d’Enide. Une approche culturelle serait de mise pour cette problématique puisque la parole, dans ce roman, renvoie à l’enjeu du débat intérieur qui habite chaque être humain. Bref, ces quatre problématiques sont pertinentes, car chacune d’elles favorise une réflexion autour des thèmes centraux de l’œuvre à l’étude. Dans ce sens, elles permettront aux étudiants de s’interroger sur leurs interprétations et sur les valeurs qui y sont rattachées. La lecture littéraire distanciée prendra alors tout son sens parce que « […] cette manière de lire va de pair avec l’accès à la symbolisation, la mobilisation d’activités cognitives et culturelles variées, la construction d’un sens et d’une culture communs, […][6]. »

3. Les savoirs de référence et les savoirs transposés

Les principaux savoirs de référence

Dans le but d’atteindre les deux objectifs généraux, soit « interpréter le roman courtois » et « montrer que certains thèmes sont encore utilisés dans les œuvres populaires actuelles », plusieurs savoirs de référence ont été retenus. Pour ce faire, nous avons eu recours à des ouvrages de référence en littérature médiévale de même qu’à des notes de cours que nous possédions sur la littérature arthurienne. En premier lieu, nous avons eu à déterminer les savoirs de référence relatifs aux particularités du roman courtois. De plus, les savoirs concernant les spécificités du roman arthurien ont dû être retenus afin d’amener les étudiants à comprendre le roman courtois. Dès lors, nous nous sommes référées à Michel Zink, grand spécialiste de la littérature française du Moyen Âge. Dans son ouvrage Introduction à la littérature française du Moyen Age, il définit la courtoisie comme une conception de la vie et de l’amour exigeant la noblesse de cœur, le désintéressement, la libéralité et la bonne éducation sous toutes ses formes[7]. D’autre part, « nul ne peut être parfaitement courtois s’il n’aime, car l’amour multiplie les bonnes qualités de celui qui l’éprouve et lui donne même celles qu’il n’a pas[8] ». Par conséquent, « l’amant courtois fait de celle qu’il aime sa dame, sa domna (domina), c’est-à-dire sa suzeraine au sens féodal[9] ». Michel Zink définit d’ailleurs l’amour courtois :

L’amour courtois, ou fin’amor, « amour parfait », repose sur l’idée que l’amour se confond avec le désir. Le désir, par définition, est désir d’être assouvi, mais il sait aussi que l’assouvissement consacrera sa disparition comme désir. C’est pourquoi l’amour tend vers son assouvissement et en même temps le redoute, car il consacrera sa disparition en tant que désir. Et c’est ainsi qu’il y a perpétuellement dans l’amour un conflit insoluble entre le désir et le désir du désir, entre l’amour et l’amour de l’amour[10].

Selon Anne Salamon, professeur de littérature médiévale à l’Université Laval, le roman arthurien possède un style formulaire, notamment avec la description codifiée des portraits. En effet, selon elle, Enide et Erec répondent à tous les codes de la description : ils sont décrits par l’effet d’un rapport entre l’intériorité et l’extériorité. La beauté physique est perçue comme étant directement proportionnelle à la beauté intérieure. Ainsi, la transparence est l’idée centrale quant à la description faite des deux protagonistes. Elle témoigne de la valeur du personnage décrit. Par conséquent, il existe une adéquation entre le preux chevalier et la belle Enide[11]. La valeur d’Erec répond donc à la beauté d’Enide. En plus d’énoncer les principales caractéristiques du preux chevalier et de sa dame, madame Salamon traite de la récréantise d’Erec en la définissant comme un « manquement aux devoirs chevaleresques[12] ». Cette récréantise d’Erec prouve qu’il existe un rapport entre la vie privée et la vie publique du héros. Le rôle de la fama[13] est donc essentiel au déroulement du récit, car c’est cette dernière qui fait d’Erec un véritable récréant. Par le fait même, la fama devient la parole sans locuteur. Ensuite, la complexité du personnage d’Enide, comme le mentionne madame Salamon, réside dans le fait que l’intériorité se crée lorsque la parole est interdite. La parole chez Enide suscite un débat intérieur constant : parler ou ne pas parler. D’ailleurs, « tout s’articule autour de la parole[14] », que ce soit par la parole donnée, la parole intérieure ou la parole interdite.

Finalement, Michel Zink traite du roman arthurien par rapport aux signes et au sens qu’il renvoie : « À son image, le lecteur évolue dans un monde de signes, qui le renvoient perpétuellement, de façon entendue et énigmatique, à un sens présenté comme allant de soi, et pour cette raison même dissimulé. Le monde de ces romans est un monde chargé de sens avec une évidence mystérieuse[15]. »

En ce qui concerne l’analyse littéraire, cette dernière permet de faire appel aux connaissances extérieures telles que des anecdotes, des éléments biographiques et sociohistoriques liés au sujet[16]. Voici des tableaux présentant ses différentes composantes :

(LAURIN, p. 265)

(LAURIN, p. 265)

(LAURIN, p. 267)

Les savoirs transposés

Parmi les savoirs de référence, certains auront besoin d’être transposés afin de les rendre accessibles à des étudiants en première année d’études collégiales. Ces savoirs sont dits « formels » puisqu’ils permettent méthodiquement de décrire le texte à partir de savoirs transférables[17]. Premièrement, dans le but de répondre à l’objectif spécifique « identifier et comparer les principales caractéristiques du héros et de l’héroïne arthuriens », nous devrons amener les étudiants à déterminer les caractéristiques physiques et psychologiques des deux protagonistes afin qu’ils analysent, qualifient et comparent les descriptions codifiées faites par l’auteur. Il s’agira de faire voir aux étudiants la récurrence des attributs et des personnalités en ce qui concerne les héros arthuriens ainsi que le rapport entre être et paraitre. Pour ce faire, il serait intéressant de comparer les héros dans Erec et Enide aux héros d’un extrait d’Yvain lu en classe. En outre, afin de leur présenter le concept de courtoisie, nous leur demanderons de décrire la relation amoureuse qu’entretient le couple de même que le désir qui les habite. Il serait pertinent, pour cette partie, de comparer cette relation avec celle des héros modernes dans Twilight. Les notions d’amour parfait et de désir inassouvi seraient alors plus claires pour les étudiants et moins distantes par rapport à leur réalité. Cette référence au bestseller de Stephenie Meyer répondrait par ailleurs à l’objectif spécifique « comparer le roman courtois avec des œuvres actuelles ». Toujours selon les caractéristiques des personnages, la fama ainsi que la récréantise d’Erec seront transposés aux étudiants  du roman en posant les questions suivantes : que reproche-t-on à Erec? Pourquoi ce dernier décide-t-il de quitter le château seul en compagnie de son épouse? Pourquoi Enide est-elle si malheureuse de cette situation? Parallèlement, la notion de parole sera traitée durant cette même analyse évènementielle. Nous interrogerons les élèves sur les conséquences reliées aux silences et aux paroles d’Enide dans le cours des évènements. En plus, nous amènerons les étudiants à se questionner sur la parole intérieure présente en chacun de nous qui suscite un débat constant entre ce qu’il faut dire et, au contraire,  ce qu’il faut garder pour soi.

Deuxièmement, de manière à répondre à l’objectif spécifique « identifier les principales caractéristiques du roman courtois », il s’agira d’enseigner aux étudiants ses principales caractéristiques thématiques telles que le combat, l’amour, la forêt, la cour, etc. Ensuite, nous leur demanderons de trouver ces éléments dans le texte et de tenter d’en dégager leur symbolique. Nous leur enseignerons donc que l’univers arthurien possède des évidences qui sont porteuses de sens. Dans un même ordre d’idée, en dégageant la symbolique du combat et de l’amour, les étudiants seront amenés à dégager les liens qui unissent ces deux aspects. Nous leur ferons voir, à l’aide de citations tirées du texte, que l’un ne va pas sans l’autre. Des extraits tirés des romans Hunger Games leur feront prendre conscience de l’omniprésence de ces deux thèmes dans la culture populaire, de même que l’interdépendance qui les relie.

4. Présentation de la séquence

Justification de la progression générale de la séquence

La première séance sera entièrement consacrée au visionnement d’un documentaire sur le roi Arthur et sur la légende qui l’entoure. Le choix de ce support n’est pas anodin. En effet, nous croyons qu’il interpellera les étudiants par les images et par la diversité des points de vue qu’ils présentent. Un cours magistral n’aurait pas été aussi stimulant pour eux. Nous espérons éveiller leur curiosité concernant la littérature arthurienne.

Ensuite, à la séance deux, nous introduirons le roman courtois et nous appellerons les étudiants à situer Erec et Enide dans ce genre. À la suite d’un travail qu’ils devront faire en équipe sur le repérage de caractéristiques du roman courtois dans le roman, nous procèderons à la première évaluation sommative de la séquence : l’écriture d’invention. Cette évaluation nous permettra de vérifier leur compréhension de l’œuvre, mais aussi de nous assurer que les étudiants commencent à maitriser le contenu de la séquence. Cette séance se déroule avant que les étudiants lisent la seconde partie du roman pour qu’ils constatent que les thèmes et les caractéristiques du roman courtois se retrouvent également dans cette partie. Le repérage sera alors plus facile pour eux.

Lors de la séance trois, nous aborderons un thème du roman plus en profondeur : les personnages. Les étudiants seront invités à comparer, en équipe, les personnages du roman (principalement Erec et Enide). À la suite de cette activité, nous procèderons à la première activité diagnostique : la plénière. Elle visera à évaluer, encore une fois, la compréhension de la matière et de l’œuvre, mais aussi d’observer la progression de celles-ci puisqu’elle sera évaluée de manière sommative à la séance suivante.

La rédaction d’un paragraphe d’analyse littéraire se situe à la séance 4 puisque nous croyons que les étudiants auront acquis assez de connaissances pour analyser un extrait de l’œuvre qui portera sur les personnages. Ce travail débutera par une analyse en équipe et terminera par une rédaction individuelle. Ainsi, les étudiants seront plus confiants. De plus, en commençant l’écriture en classe, ils pourront nous poser des questions à leur guise.

La séance 5 sera destinée à la mise en rapport du texte avec d’autres œuvres actuelles pour leur montrer comment les thèmes abordés sont encore actuels. Elle est située en fin de séquence puisque les étudiants doivent maitriser le contenu avant de constater ses échos avec la société actuelle.

Finalement, les séances 6 et 7 seront destinées au retour sur les évaluations. Nous présenterons les points qui ont bien été réussis et ceux qui l’ont été un peu moins. Ainsi, ils pourront déjà commencer à se préparer pour la dissertation de fin de session.

Présentation synthétique du déroulement de la séquence

Prolongements possibles

Dans le cadre d’une approche culturelle, il serait possible de créer des réseaux de textes intratextuels, thématiques et symboliques. Tout d’abord, pour ce qui est du réseau de textes intratextuel, il s’agirait de présenter ce réseau par rapport à l’auteur. Dans ce sens, nous questionnerions les étudiants sur les particularités de l’écriture de Chrétien de Troyes par rapport à la littérature courtoise médiévale. À la séance 2, lors de la présentation magistrale sur le roman courtois et sur ces caractéristiques génériques et thématiques, nous pourrions présenter les différences entre l’écriture de Chrétien de Troyes et d’autres œuvres telles que Tristan et Yseult et Le Roman de Troie. De cette façon, il serait possible également de présenter les particularités de Chrétien de Troyes par rapport à des œuvres courtoises puisant dans la matière de Bretagne et des romans courtois puisant dans la matière de Rome. L’objectif spécifique « identifier les principales caractéristiques du roman courtois » serait donc poursuivi.

Ensuite, nous pourrions également créer un réseau de textes thématique autour des thèmes de l’amour et du combat. Pour ce faire, nous présenterons, à la séance 5, les similarités et les différences concernant ces deux thèmes entre Tristan et Yseult et Erec et Enide.  De plus, afin d’élargir notre réseau de textes, nous proposerons aux étudiants d’effectuer une comparaison entre l’œuvre à l’étude et des romans populaires tels que Twilight et Hunger Games. Il sera donc possible de voir que l’amour et le combat sont deux thèmes dépendant l’un de l’autre dans la littérature médiévale et populaire, répondant par le fait même à l’objectif spécifique « comparer le roman courtois à certaines œuvres actuelles ». De plus, outre ces deux thèmes, il serait intéressant de traiter des descriptions physiques et psychologiques de la dame et du chevalier à travers ce réseau de textes. Par exemple, à la séance 3, d’un point de vue plus général, nous pourrions comparer les caractéristiques des héros d’Erec et Enide à celles d’autres œuvres médiévales, notamment dans la poésie lyrique avec Le Roman de la Rose de Guillaume de Lorris et Jean de Meun ainsi qu’avec le poème La Belle Dame sans merci d’Alain Chartier et de Keats. Les étudiants pourront donc constater, avec cette présentation magistrale, que les figures de la dame et du chevalier diffèrent souvent. Ce travail de comparaison permettrait de répondre notamment à l’objectif spécifique qui consistait à « identifier et comparer les principales caractéristiques du héros et de l’héroïne arthuriens ».

Finalement, à la séance 2, nous voudrions créer un réseau de textes symboliques autour du symbole de la Table Ronde. Au début d’Erec et Enide, il est question de la Table Ronde à la cour du roi Arthur. Que représente cette Table Ronde au-delà de sa fonction mobilière? Afin de répondre à cette question, nous présenterons le symbole de la Table Ronde dans l’œuvre de Chaucer, Les Contes de Canterbury, ainsi que dans Le Roman du Graal de Robert de Boron. Nous verrons qu’elle est un symbole de paix, d’égalité et de fraternité. Donc, elle représente tout l’idéal chevaleresque. De plus, elle est également à l’image du monde de par sa forme.

5. Déroulement détaillé d’une séance

6. Principales modalités d’évaluation formative et sommative

Dans le cadre de cette séquence didactique, nous procèderons à deux types d’évaluation : sommative et diagnostique. En premier lieu, à la séance 2, les étudiants auront à rédiger une écriture d’invention qui sera corrigée de manière sommative. La consigne sera formulée ainsi :

Vous aurez à planifier et à rédiger un texte narratif de deux pages sur une suite possible au premier livre d'Erec et Enide en vous inspirant des caractéristiques du roman courtois médiéval (qualités chevaleresques, qualités de la dame et fin’amor). Cette suite devra inclure une péripétie qui mettra en lumière les caractéristiques des protagonistes et leur motivation. Toutefois, veuillez noter qu’il ne sera pas nécessaire de respecter les caractéristiques stylistiques du roman courtois (ex. : versification, style formulaire, etc.).

Ce travail, débuté en classe et à terminer à la maison, sera remis à la séance 3 et évalué en fonction de la qualité de la langue, de l’originalité et du respect de la consigne. La seconde évaluation sommative se fera à la séance 4. Cette évaluation consistera à faire la rédaction d’un paragraphe d’analyse. Encore une fois, ce travail sera débuté en classe et terminé à la maison. Les critères seront de cet ordre : qualité de la langue, pertinence des éléments d’analyse (Idée principale, arguments, citations et explications) et respect de la structure du paragraphe d’analyse. Les étudiants devront nous le remettre à la séance 6. En second lieu, une évaluation diagnostique sera effectuée lors de la séance 3. En effet, lors de la plénière, nous aurons l’occasion d’évaluer l’évolution de la compréhension et des interprétations des étudiants vis-à-vis du roman. Rappelons qu’en équipe, les étudiants avaient à dégager les principales caractéristiques des personnages d’Erec et d’Enide. Ils étaient, par la même occasion, invités à comparer les personnages féminins et les personnages masculins. La plénière nous permettra donc d’évaluer leur degré de compréhension du roman et leur habilité d’interprétation à ce stade de la séquence. Nous pourrons donc voir leur capacité à dégager le second degré du texte ainsi que leur capacité à interpréter les symboles à travers les topos des héros arthuriens.

Conclusion

Les romans arthuriens possèdent une richesse que peu de lecteurs sont en mesure d’apprécier et de pleinement saisir. Ils présentent un monde peuplé de personnages complexes qui, à leur façon, nous poussent à réfléchir sur des thèmes importants et universels tels que l’amour, la guerre, la reconnaissance publique, l’image de la femme et la rédemption. Non seulement Erec et Enide nous permet une évasion dans le monde médiéval, mais il contribue également à la réflexion et à la remise en question de ces thèmes dans la société postmoderne. Peu souvent appréciée à sa juste valeur, la littérature médiévale est donc très pertinente dans un cadre d’enseignement collégial puisqu’elle permet, malgré son caractère ancien et parfois tautologique, une réflexion et un jugement critique.

Cette séquence, comme nous l’avons mentionné à plusieurs reprises, respecte les exigences du programme. Le déroulement des séances contribue à la construction des savoirs des étudiants. En effet, ces derniers auront la possibilité de poser leurs propres réflexions et leurs propres jugements sur l’œuvre et les questions qu’elle soulève. Bref, cette séquence contribuera au développement de futurs citoyens créatifs et conscients des enjeux culturels et universels régissant notre société.

Références bibliographiques

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DUFAYS, J.-L., GEMENNE, L., LEDUR, D. (2005). Pour une lecture littéraire, Bruxelles, De Boeck.

LAURIN, Michel, Anthologie littéraire, de 1800 à aujourd’hui, Montréal, Beauchemin (Chenelière Éducation), 2007, 286 p.

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SIMARD, Claude et al., Planification et conception d’un cours de français, dans Didactique du français langue première, Bruxelles, Éditions de Boeck, 2010, p. 327-351.

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ZINK, Michel, Introduction à la littérature française médiévale, Paris, Le livre de poche (Coll. Références), 1993, 189 p.