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Fou?

Fiche descriptive
Séquence didactique
Annexes
Fou?
Guy de Maupassant
Par Alexandra Gagné, Ariane Michaud


Nationalité de l'auteur : Française
Genre : Nouvelles
Courant : Naturalisme
Siècle : 19e siècle
Groupe d'âge visé : Collégial
Auteur de la séquence : Alexandra Gagné, Ariane Michaud
Date du dépôt : Automne 2014


Introduction

       Le but du programme de français de la formation générale au collégial est de pousser plus loin l’apprentissage amorcé au secondaire. Les cours de littérature permettent aux étudiants d’apprendre à mieux lire des textes et à mieux traduire leur pensée à l’écrit, mais aussi à l’oral. Ils les font entrer en contact avec des œuvres qui ont marqué leur époque, leur permettent de s’ouvrir à une foule d’idées, de mieux comprendre l’univers qui les entoure, de bâtir leur propre vision de la vie, de participer à l’univers culturel en plus de développer une sensibilité artistique éclairée. Ces objectifs sont à la fois d’ordre culturel et affectif. Au plan culturel, les élèves sont amenés à étudier les grands courants littéraires en les situant dans leur contexte social et historique. Au plan affectif, les élèves sont invités à intégrer la littérature et la langue dans leur vie et à développer leur gout pour la lecture. De manière plus générale, les cours du programme visent à améliorer les capacités de lecture et d’écriture des étudiants par le biais de l’analyse, de la synthèse et par le développement de leur pensée critique de façon à accroitre leur autonomie dans ces domaines. Finalement, le dernier objectif prévoit l’amélioration de la maitrise du discours des élèves à l’écrit et à l’oral (analytique, explicatif, critique, informatif et expressif), ce qui implique une consolidation de leur compétence linguistique.

Le texte qui a retenu notre attention est une nouvelle de Guy de Maupassant intitulée Fou? et parue en 1882 dans le recueil Mademoiselle Fifi. La nouvelle s’ouvre sur une apostrophe par laquelle un narrateur remet en question sa stabilité mentale et dit avoir commis un acte de folie furieuse. Il revient sur les débuts d’une histoire passionnelle en décrivant d’abord sa rencontre avec une femme et les premiers temps délicieux et charnels de leur liaison. Puis, il raconte la lassitude de la femme, sa cruelle indifférence et la jalousie virulente qui s’empare de lui, et qui, dans une longue et inexorable dégringolade, va le pousser aux confins de la folie. Il commence à l’épier et à développer une obsession et il réalise alors que ce sont les longues chevauchées de sa maitresse qui l’éloignent de lui et qui la font sentir épanouie. Il résout donc de tuer le cheval qu’il abat d’un coup de révolver, mais son amante réplique et il la tue elle aussi. La nouvelle se clôt sur une reprise de l’incipit « Dites-moi, suis-je fou? ».

  1. 1.      Les visées de formation en regard des programmes

 

1.1.   Situation de la séquence dans le programme d’études

 

       La formation générale en français, langue d’enseignement et littérature, a pour objet de stimuler l’imagination, d’aiguiser la sensibilité et d’élargir les connaissances dans les domaines littéraire et culturel. La séquence présentée dans le cadre de ce cours participe de ces différents objets de la discipline.

       La séquence s’inscrit dans le cours 102 – Littérature et imaginaire qui s’intéresse au sens global de l’œuvre, à son interprétation du monde. La tranche historique couvre la période de 1850 à nos jours à travers un corpus constitué majoritairement de littérature française. Les genres à voir sont le genre poétique et le genre narratif, les notions à aborder sont celles des caractéristiques du discours narratif et du discours poétique.

       La séquence aura lieu en tout début de session de sorte que les prérequis attendus des étudiants en ce qui concerne les savoirs et les compétences constituent les critères de performance sanctionnés à l’issue du cours 101 – Écriture et littérature. Les élèves devraient pouvoir formuler de manière juste les éléments importants du propos, relever les principales manifestations thématiques et stylistiques d’un texte et lier ces manifestations au propos, utiliser de façon appropriée les éléments d’analyse et choisir des exemples pertinents, posséder un vocabulaire relativement riche et respecter un registre de langue convainquant de même que les règles orthographiques, grammaticales, syntaxiques et de ponctuation.

 

1.2.   Compétences à développer

 

       L’énoncé de la compétence pour le cours 601-102-MQ – Littérature et imaginaire est le suivant : expliquer les représentations du monde contenues dans des textes littéraires d’époques et de genre variés. Six éléments de compétence y sont associés : reconnaitre le traitement d’un thème dans un texte; situer le texte dans son contexte culturel et sociohistorique; dégager les rapports entre le réel, le langage et l’imaginaire; élaborer un plan de dissertation; rédiger une dissertation explicative et réviser et corriger le texte. Notre séquence vise l’atteinte, évidemment, de l’énoncé de la compétence. Fou? propose une représentation paradoxale de l’homme. Cette dualité est au fondement de nombreuses œuvres littéraires, artistiques et philosophiques, elle hante le discours et constitue une préoccupation séculaire. La nouvelle de Maupassant force le lecteur à revoir et à réinterroger ses propres représentations de l’humain en investissant un topos de la littérature à savoir la rivalité entre l’animalité et l’humanité. Cette rivalité s’incarne diversement dans les textes et c’est une matrice féconde de représentations. Notre séquence permettra également aux étudiants de reconnaitre le traitement d’un thème dans un texte, en l’occurrence, la folie, ses différents statuts et toutes ses ramifications : l’obsession, la pulsion, la violence, la perversion, la jalousie, la bestialité, l’aberration des sens, la passion délirante, les frontières ténues de la raison, etc. Au terme de cette séquence, les élèves devraient finalement être en mesure de dégager les rapports entre le réel, le langage et l’imaginaire. Fou? fait cohabiter de nombreux procédés stylistiques et littéraires utilisés pour le développement du thème. Ces procédés sont mis au service d’un imaginaire qui, par le langage, ausculte le réel d’une certaine manière.

 

1.3.   Objectifs généraux et spécifiques

       La séance sera construite autour de deux objectifs généraux : interpréter une nouvelle et apprécier l’esthétique de Maupassant. Il est important pour l’étudiant d’entrer en contact avec des œuvres qui vont lui permettre de se questionner sur sa propre compréhension du monde et sur les relations hommes-femmes vécues ici à l’aune d’une conception maladive de l’amour qui mène à la folie. La nouvelle Fou?, par son esthétique très particulière et par l’extrême richesse des procédés stylistiques utilisés illustre bien la façon dont le style d’un auteur teinte le récit d’une vision particulière qui influence la compréhension du lecteur et marque son imaginaire.

       Dans cette optique, la séquence visera l’atteinte de quatre objectifs spécifiques : comparer les rapports entre l’homme et l’animal dans le texte; décrire les différentes caractéristiques attribuées aux personnages et la façon dont elles sont présentées; reconnaitre les manifestations de la folie dans la nouvelle et rendre compte de son appréciation de la nouvelle en la justifiant à l’aide de l’analyse stylistique. Le premier objectif relève de l’analyse, car l’étudiant aura d’abord à relever les passages où les personnages sont comparés à des animaux et vice-versa. Il sera intéressant de se pencher sur les relations que chacun des personnages entretient avec l’autre, qu’il soit animal ou humain.

De plus, l’étudiant devra porter une attention particulière au vocabulaire utilisé pour décrire les protagonistes ainsi qu’aux nombreuses comparaisons et métaphores qui les relient les uns aux autres. Cet élément rejoindra le second objectif, car il s’agira de dépasser le côté techniciste pour réfléchir aux questionnements suscités par ces constatations. Quelle image de la femme est ainsi projetée? Qui est la réelle bête? Cet objectif relève donc davantage de l’interprétation, car il fait appel à des inférences complexes. L’ambigüité dans ces relations, accentuée par les comparatifs mentionnés plus haut, permettra à l’étudiant de réfléchir plus généralement sur la question de la bestialité en l’homme.

Le troisième objectif vise l’identification d’un thème souvent abordé par Maupassant : la folie. L’étudiant devra relever les différentes façons dont cette dernière se manifeste dans le texte. En premier lieu, la narration intradiégétique pourra être observée puisque le personnage principal fait part de son état d’esprit perturbé en mentionnant lui-même être sans doute fou. Cette affirmation est appuyée à plusieurs moments du texte par les gestes que commet le narrateur, par ses obsessions et par sa jalousie maladive. En second lieu, cette thématique est également perceptible dans la stylistique de la nouvelle; les nombreuses répétitions, les récurrentes phrases interrogatives et la ponctuation expressive sont omniprésentes. Le terme « fou » qui revient à plusieurs endroits et les nombreux questionnements du narrateur sur son propre jugement nous ramènent au titre de la nouvelle et même à la première phrase du texte : « Suis-je fou? ou seulement jaloux? » Ce dialogue intérieur conclut également le texte : « Dites-moi, suis-je fou? » Cette question pourra soulever différentes interprétations chez les étudiants. Ces trois points rejoindront donc les deux objectifs d’interprétation et d’évaluation de la nouvelle par son appréciation.

Finalement, le quatrième objectif consiste à rendre compte de son appréciation de la nouvelle en la justifiant à l’aide de l’analyse stylistique (à laquelle s’ajoute un volet justificatif).

 

  1. 2.      Choix de l’œuvre intégrale

 

2.1.   Justification du choix de l’œuvre en regard des visées de formation

       Fou? de Guy de Maupassant est une œuvre intéressante à aborder dans le cadre d’un cours de français et littérature au collégial, et ce, selon différents angles d’approche. Il s’agit, d’abord, d’une nouvelle méconnue – et donc intrigante! – de l’auteur qui est l’un des maitres avérés de la nouvelle littéraire française et qui publie dans un moment particulièrement fécond. La thématique de la folie, posée d’emblée dans le titre surprenant et séduisant en raison de sa concision et de son caractère interrogatif, est une image récurrente de l’imaginaire de Maupassant en plus d’être un élément autobiographique. Ces deux caractéristiques rendent possible la création de réseaux de sens et de lectures. C’est également un thème universel et toujours d’actualité susceptible d’intéresser les collégiens, notamment en raison de la complexité relative à la pensée paradoxale du narrateur (métaphore filée de la femme-bête). Le texte Fou? peut susciter chez les élèves des questionnements anthropologiques en lien avec la thématique de la folie et de la part d’ombre en soi. Il donne lieu à des réflexions de nature psychologique; le fantastique de Maupassant est fascinant parce qu’il opère un déplacement du monstre, qui, de menace extérieure, devient une angoisse intérieure. Eu égard au corps du texte, Fou? est un récit concis et accessible et sa brièveté, parce qu’elle permet plusieurs relectures, est un critère appréciable dans un contexte où le temps manque souvent. Le texte interpelle le lecteur dès l’incipit et l’entraine, grâce à des phrases et à une ponctuation expressives et dynamiques, à un rythme saisissant et à une énergie dans l’écriture, dans un univers qui a quelque chose d’embarrassant, de troublant. Le plaisir de lecture est décuplé par l’identification en raison de la focalisation interne (la forme est représentative de l’état d’esprit du narrateur), la tension suscitée par les nombreux questionnements du protagoniste (jeu sur l’ambigüité, incompréhension), la surprise provoquée par la chute. Tout cela concourt à créer un plaisir de lecture. Le langage n’en est pas moins soutenu et les figures de style omniprésentes. Ces éléments se prêtent bien à l’analyse et à la découverte et permettent d’aborder différentes notions de stylistique. Le style de Maupassant est propice au développement du jugement de gout et de la sensibilité artistique. L’accent est mis sur l’effet créé par le traitement des mots, l’utilisation massive d’adjectifs, la figure de style de l’accumulation. Il y a un malaise créé par l’animalisation de la femme (la personnification des animaux qui est un topos de la littérature) qui peut troubler, déranger. Faire émerger le sens du texte pour les étudiants permet de rejoindre plusieurs éléments de compétence (images, sensibilités, parallèle avec la peinture, exploration de la métaphore, etc.). Nous croyons en outre qu’il peut être formateur de se pencher sur un seul texte plutôt que sur tout un recueil afin d’en saisir l’ampleur et les spécificités. Le texte Fou? se prête bien à cet exercice puisqu’il peut être vu si bien dans l’écosystème général d’une œuvre ou d’un genre que comme clos sur lui-même. Finalement, et c’est probablement le meilleur incitatif, Fou? est une nouvelle qui parle aux sens; c’est un texte d’une profonde sensualité, mais distordu, pernicieux dans cette rencontre du beau et du laid, du désirable et de l’infâme. Il ne laisse personne indifférent.

2.2.   Présentation et justification des problématiques spécifiques à cette œuvre qui feront l’objet d’un enseignement

Un problème de lecture est une question qui implique une analyse de la part des élèves pour identifier et organiser différents savoirs et savoir-faire en vue de dégager une ou plusieurs interprétations du texte. Il doit pouvoir être résolu de différentes manières et en mobilisant divers processus ou opérations en plus de donner lieu à une pluralité de productions. Le problème de lecture central qui fera l’objet d’un enseignement pour notre séquence est celui-ci : « Qu’est-ce qui distingue l’humain de l’animal dans la nouvelle Fou? de Maupassant? ». Nous avons choisi cette problématique parce qu’elle est susceptible d’amener les élèves à s’interroger sur ce clivage et parce que cette rencontre récurrente de l’homme et de la bête dans l’imaginaire humain a plusieurs implications philosophiques et esthétiques qu’il sera intéressant de mettre en doute. Pour répondre à cette question, les élèves devront faire appel à toute une gamme de ressources (épistémiques, psychoaffectives, socioculturelles, axiologiques). Ils devront notamment s’attarder sur la narration et sur la stylistique (figures de style, champs lexicaux), de même que sur la question du personnage et sur la relation qui unit les trois protagonistes du récit (narrateur, amante, cheval). D’autres problématiques découlent de ce problème de lecture fondamental : le crime passionnel peut-il se justifier (« […] mais la jalousie haletante, mais l’amour exalté, trahi, condamné, mais la douleur abominable que j’endure, tout cela ne suffit-il pas pour nous faire commettre des crimes et des folies sans être vraiment criminel par le cœur ou par le cerveau? »). Est-il possible d’identifier un point de rupture où la jalousie devient folie (dans le texte et dans le réel)? Quel est le lexique propre à l’animalité et celui propre à l’humanité et peuvent-ils se confondre? Si oui, comment? Qu’est-ce qui relève de la sensualité et qu’est-ce qui relève de la perversion? Le beau peut-il être laid et le laid peut-il être beau? Toutes ces questions inciteront les élèves à formuler des jugements esthétiques et moraux.

       Les approches théoriques privilégiées pour l’enseignement seront donc l’approche culturelle (anthropologique), l’approche stylistique-esthétique et la formation du sujet. Les interrogations soulevées mettent en exergue l’attrait anthropologique du texte. Celui-ci tient un discours particulier sur l’homme, discours qui est à la fois unique et universel. Fou? fournit au lecteur, selon le mot de Bronckart, des instruments pour re-configurer l’activité humaine et pour mieux la saisir dans sa complexité. L’approche stylistique-esthétique, quant à elle, permet le développement du jugement de gout et de la sensibilité artistique et de la subjectivité. L’esthétique étudie les critères internes de l’œuvre littéraire, c’est-à-dire le style, les champs lexicaux, les symboles, les procédés stylistiques, etc. Appréhender un texte littéraire selon l’approche stylistique permet de mettre en évidence des moyens mis en œuvre par l’auteur pour véhiculer une vision spécifique du monde. L’analyse stylistique facilite la conciliation forme et fond et l’étude du vocabulaire, des figures de style et de la syntaxe font émerger différentes perspectives de sens. Finalement, l’approche qui se centre sur la formation du sujet d’un point de vue intellectuel, affectif, émotif, psychologique et axiologique nous parait congruente avec ces deux premières approches et avec le choix de notre œuvre. Elle est cohérente dans le cadre d’une séquence axée sur la lecture interprétative et l’appréciation esthétique.

 

  1. 3.      Les savoirs de référence et les savoirs transposés

 

3.1.   Les principaux savoirs de référence

Pour l’atteinte des objectifs poursuivis et dans la continuité des approches choisies pour l’enseignement (culturelle, stylistique-esthétique, formation du sujet), trois savoirs de référence seront mobilisés. Nous nous appuierons d’abord sur la théorie de l’« effet-personnage » élaborée par Vincent Jouve. Le théoricien accorde une place prépondérante à la représentation de la psychologie et à la valorisation de la fonction référentielle (Jouve, 2001, p. 22). Ses questionnements sont orientés sur la réception du personnage par le lecteur et sur comment ce dernier donne sens au personnage; cela s’arrime parfaitement à nos visées de formation du sujet et d’interrogation anthropologiques. Pour Jouve et dans la lignée d’Iser, la réception du personnage est double. Elle tient à l’expérience individuelle du lecteur (approche subjective) et à la façon dont le personnage est présenté dans l’œuvre (approche stylistique-esthétique). Jouve affirme

qu’analyser le personnage comme effet de lecture, c’est s’intéresser à la façon dont il est reçu par le lecteur […] il s’agit de dégager les procédés par lesquels le texte oriente la relation du lecteur aux figures romanesques. L’image que le lecteur a d’un personnage, les sentiments que ce dernier lui inspire (affection, sympathie, rejet, condamnation), sont très largement déterminés par la façon dont il est présenté, évalué et mis en scène […] (Jouve, 2010, p. 94)

Le personnage représente l’Autre et sa rencontre permet à l’individu de progresser. La relation avec les personnages a des prolongements dans la vie réelle du lecteur et en cela, « la lecture, en tant qu’expérience, participe de l’apprentissage de la vie » (« L’effet personnage dans le roman » par Vincent Jouve, 2012). Nous nous baserons aussi sur les savoirs grammaticaux et stylistiques. Nous nous appuierons entre autres sur le dictionnaire Gradus de Bernard Dupriez où sont répertoriés divers procédés stylistiques. L’étudiant pourra poser un regard esthétique sur la nouvelle puisqu’il aura à analyser la stylistique au service d’une thématique. En outre, le topos de l’animal humain fera l’objet d’un savoir déclaratif (conceptions à travers le temps de l’animal, de la bestialité, représentations artistiques et littéraires, etc.) Nous consulterons également la thèse de Jean-William Cally, La bête dans la littérature fantastique qui traite de la physiognomonie animaliste. 

3.2.   Les savoirs transposés

Les théories de Jouve se manifesteront de manière très concrète lors de l’étude du texte Fou? Le personnage de Maupassant est un Autre fascinant et complexe et les questions qu’il pose à travers la narration et qui ont été évoquées précédemment permettront un enrichissement de la lecture interprétative et de l’appréciation esthétique. Le sujet-lecteur sera également nécessairement amené à s'interroger sur lui-même et à confronter différentes représentations de l’homme. Quant aux savoirs « formels », ils « permettent de décrire méthodiquement les textes à partir de catégories transférables » (Canvat, 2000, p. 63). Les étudiants n’auront évidemment pas à connaitre l’entièreté de ces procédés. Ils seront plutôt invités à reconnaitre certaines formes de procédés d’écriture comme les champs lexicaux ainsi que les types et formes de phrases, à analyser l’utilisation répétée des différentes phrases interrogatives, à identifier les champs lexicaux et à repérer les comparaisons et la métaphore de la bête. Finalement, le topos de l’animal humain sera transposé grâce à un corpus d’extraits et d’images illustrant diverses manifestations culturelles et sociales (publicité), artistiques (tableaux, films, musique), littéraires (mythes, contes, imaginaire collectif) où il y a hybridité ou confusion entre un homme et un animal.

  1. 4.      Présentation de la séquence

 

4.1.   Justification et progression générale de la séquence

      La progression générale de notre séquence est conçue en entonnoir, du général au spécifique : le genre, le thème, les personnages (par le biais de la stylistique) et finalement, appuyée par ces éléments, l’appréciation. La progression repose sur différents principes, dont celui d’une complexification de la compréhension. Comme notre séquence didactique se situe en début de session, il est important de vérifier les acquis préalables des étudiants. Nous commencerons la première séance en présentant les caractéristiques de la nouvelle afin de constituer une base théorique commune. Ensuite, les étudiants auront à imaginer une chute à la nouvelle de Maupassant. Puisque le texte devra être rédigé au passé simple, nous aurons l’occasion d’insérer une capsule linguistique avant le début de la rédaction. Cette activité d’écriture d’invention poursuit trois buts : susciter l’intérêt des étudiants pour la nouvelle en créant un horizon d’attente qui sera revu et confronté, et pour nous, juger de la compréhension des caractéristiques de la nouvelle et évaluer de façon diagnostique les compétences linguistiques des élèves. De plus, ces derniers devront s’inspirer du personnage de la nouvelle, ce qui les forcera implicitement à faire ressortir ses attributs qui seront réinvestis dans une activité ultérieure.

La deuxième séance repose sur la thématique principale de Fou? : la folie. Maintenant qu’ils ont manipulé le texte et qu’ils sont plus familiers avec la nouvelle, nous souhaitons que les étudiants proposent d’abord eux-mêmes certaines hypothèses de sens sans être inhibés par des interprétations plus consensuelles. La thématique de la folie est plutôt évidente ne serait-ce qu’en raison du titre de la nouvelle et c’est pour cela que l’activité apparait tout de suite à la seconde séance. Nous progresserons ensuite vers une complexification du thème. En équipe, ils devront mettre en lumière les manifestations de la folie en répondant à une série de questions. Ensuite, nous ferons un retour en groupe pour nous assurer que la folie a été correctement identifiée, ce qui permettra d’introduire la seconde activité. Dans notre séquence, le travail en sous-groupes et les mises en commun sont souvent préalables et nourrissent les présentations magistrales. En comités de lecture, les étudiants devront ensuite faire ressortir les divergences dans les déclinaisons du thème de la folie dans deux autres nouvelles de Maupassant. La comparaison de la nouvelle nodale aux autres textes vise à préciser la thématique de la folie et à l’expliquer en la mettant en lien avec l’animalité et la passion sauvage. Il s’opère à ce niveau une diversification des problèmes de lecture et une démultiplication des thématiques; par le recours à d’autres textes, les étudiants peuvent creuser le texte central. Nous pensons qu’il est plus pertinent de commencer par décortiquer les grandes thématiques avant de se plonger dans une analyse plus poussée de la stylistique-esthétique de la nouvelle et cet exercice est également une manière de le faire. Cette activité déborde sur la séance trois.

À la seconde partie de la troisième séance, nous nous attarderons sur la stylistique-esthétique de même que sur les traits formels du texte afin de permettre aux étudiants de réfléchir aux rapports entre l’homme et l’animal et aux rapports entre le fond et la forme. Nous souhaitons que les élèves étayent et approfondissent leur pensée par un retour au texte. Les figures de style et les procédés d’écriture sont omniprésents dans Fou? Leur analyse (et celle des champs lexicaux) outillera les étudiants pour l’analyse stylistique (à laquelle s’ajoute un volet justificatif) qu’ils auront à rédiger. Nous ferons un bref retour sur les figures de style et une « activité dictionnaire ». Cette partie de la séance est véritablement centrée sur les mots, sur la stylistique.

À la quatrième séance, à partir des figures de style et des champs lexicaux identifiés par les étudiants au cours précédent, nous présenterons le topos de l’animal humain en littérature. Les étudiants seront alors invités à partager les représentations auxquelles ils ont réfléchi depuis le dernier cours et à se questionner sur leur rapport avec ces dernières dans une discussion dirigée. Cette activité est une façon de montrer aux étudiants que la stylistique peut être très féconde puisqu’elle apporte une autre dimension aux thèmes traités. Nous passons donc des thèmes à la stylistique et finalement, à la jonction des deux. Cette activité a lieu à la dernière séance théorique puisque nous considérons qu’à ce stade, les étudiants ont en leur possession tous les savoirs nécessaires (pratiques, déclaratifs, etc.) pour discuter de façon soutenue. Ce qu’ils font oralement lors de ce cours devra être transposé à l’écrit aux séances suivantes de façon plus formelle dans l’analyse.

En effet, au terme de la séquence, les étudiants auront à construire un plan d’analyse stylistique partielle et à rédiger une introduction et un paragraphe dans lequel ils rendront compte de leur appréciation de la nouvelle en la justifiant à l’aide de l’analyse stylistique. Le principe qui régit ce choix d’évaluation est la consolidation des connaissances antérieures des étudiants et leur articulation à de nouveaux savoirs. Les étudiants, au terme de leur premier cours de français, ont eu à produire une analyse stylistique. Nous voulons nous appuyer et réinvestir leurs compétences en ajoutant un élément supplémentaire, le paragraphe justificatif, qui s’arrime à nos objectifs généraux d’interprétation et d’appréciation. 

4.2.   Présentation synthétique du déroulement de la séquence

Séance 1  
Objectif spécifique
  1. Connaitre et appliquer différentes caractéristiques de la nouvelle littéraire.
Travail préparatoire Nous remettons aux étudiants la première partie de la nouvelle Fou? et ils doivent l’avoir lue pour ce premier cours. 
Activités (100 min.)
  1. (10 min.) Amorce : Pour susciter l’intérêt des étudiants, l’enseignant introduit cette première séance en projetant dix couvertures de films qui ont pour thématique la folie et demande aux étudiants de trouver le point commun de ces films.
  2. (40 min.) L’enseignant présente un PowerPoint sur le genre de la nouvelle littéraire et sur ses caractéristiques : la brièveté du récit; l’enchainement rapide des évènements provoquant une tension; les personnages dotés d’une réalité psychologique développée; le récit centré sur un évènement et sur ses ramifications et la narration qui converge vers un élément de surprise qui force à une réinterprétation du texte. S’ensuit une très brève présentation de Maupassant.
  3. (10 min.) Les étudiants lisent la première partie de la nouvelle jusqu’à « Voici de quelle manière je fus averti. » La suite constitue la chute qui nous révèle que l’amant soupçonné est finalement un cheval.
  4. (20 min.) L’enseignant explique les consignes de l’activité d’écriture d’invention et en profite pour faire une capsule linguistique sur le passé simple qui est le temps de verbe employé par Maupassant dans la nouvelle.
  5. (20 min.) Les étudiants répondent à la consigne suivante : « Imaginez, rédigez et corrigez une chute à la nouvelle Fou? de Guy de Maupassant. Vous devez respecter ces critères : vous mettre dans la peau de l’amant jaloux (écriture au « je »), respecter la concordance des temps (utilisation du passé simple) et tenir compte des caractéristiques de la chute. Le but est de vous approprier cette nouvelle littéraire. »
Évaluation Aucune. Les étudiants doivent remettre leur texte seulement au cours suivant.
Séance 2  
Objectifs spécifiques
  1. Reconnaitre le thème de la folie (et ses manifestations) dans la nouvelle.
Travail préparatoire Terminer la rédaction et la correction de la chute.
Activités (100 min.)
  1. (5 min.) Amorce.
  2. (10 min.) Quelques étudiants volontaires lisent à voix haute et pour le reste du groupe la fin de la nouvelle de Maupassant.
  3. (20 min.) Les étudiants sont invités à répondre en équipe à un exercice de cinq à dix questions visant notamment à identifier et à s’interroger sur les thématiques de la nouvelle. Ils doivent également diviser le texte en parties dans le but de prendre conscience de la progression textuelle.
  4. (15 min.) L’enseignant fait un retour sur les réponses de l’exercice et insiste sur la thématique de la folie.
  5. (15 min.) L’enseignant distribue deux extraits de nouvelles de Maupassant (La chevelure et Un fou?) qui proposent une perspective qu’il sera intéressant de mettre en relation avec le texte à l’étude. Les étudiants lisent individuellement les extraits.  
  6. (30 min.) En comités de lecture, les étudiants commencent à faire ressortir les différences et les ressemblances eu égard au traitement de la folie dans les trois textes. Cet exercice sera poursuivi au cours suivant.
  7. (5 min.) Synthèse.
Évaluation L’enseignant récupère le travail sur la chute.Évaluation diagnostique : la séquence se situe en début de session. Le travail permet à l’enseignant d’évaluer les compétences linguistiques des étudiants.Évaluation formative : le travail permet à l’enseignant de vérifier la compréhension des élèves et les zones d’ombre relativement à la théorie sur la nouvelle littéraire et à voir d’emblée comment est comprise cette nouvelle en particulier.
Séance 3 (voir « 5. Séance sur la lecture » pour le déroulement détaillé)
Objectif spécifique
  1. Reconnaitre le thème de la folie (et ses manifestations) dans la nouvelle.
  2. Identifier les différentes caractéristiques attribuées aux personnages et se questionner sur la façon dont les protagonistes sont présentés.
Travail préparatoire Aucun.
Activités (100 min.)
  1. (5 min.) Amorce : L’enseignant revient brièvement sur ce qui a été fait au cours d’avant dans les comités de lecture.
  2. (20 min.) Les étudiants se remettent en comités de lecture et prennent des notes par rapport à ce qui a été discuté au cours d’avant. Ils peuvent préciser ou ajouter de nouveaux éléments puisqu’ils auront à communiquer à la classe leurs observations. Ce moment leur permet de rassembler leurs idées et d’effectuer un tri.
  3. (20 min.) L’enseignant anime une discussion où sont mis en commun les éléments relevés pendant les comités de lecture. Les étudiants partagent à la classe le fruit de leur travail.
  4. (25 min.) L’enseignant fait un retour sur les figures de style et sur les champs lexicaux en remettant un document explicatif et exemplifié.
  5. (25 min.) Les étudiants doivent relever tous les mots de la nouvelle Fou? qu’ils ne connaissent pas ou desquels ils doutent et les chercher dans le dictionnaire. Par la suite, ils doivent surligner les figures de style qu’ils sont en mesure de repérer dans le texte ainsi que les champs lexicaux.
  6. (5 min.) Synthèse.
Évaluation Aucune.
Séance 4  
Objectif spécifique
  1. Comparer le traitement des personnages et de l’animal dans la nouvelle.
  2. Rendre compte de son appréciation de la nouvelle en la justifiant à l’aide de l’analyse stylistique partielle (à laquelle s’ajoute un volet justificatif).
Travail préparatoire Les étudiants doivent réfléchir à certaines manifestations culturelles et sociales (publicité), artistiques (tableaux, films, musique), littéraires (mythes, contes, imaginaire collectif) où il y a hybridité ou confusion entre un homme et un animal.
Activités (100 min.)
  1. (5 min.) Amorce : L’enseignant remet aux étudiants leur chute rédigée à la première séance en commentant ce travail.
  2. (50 min.) À partir des figures de style et des champs lexicaux identifiés par les étudiants au cours précédent, l’enseignant fait le lien avec le topos de l’animal humain. À cette occasion, les étudiants sont invités à partager en petit groupe (puis à toute la classe, en nommant un porte-parole) le fruit de leur réflexion sur les manifestations de l’hybridité entre l’homme et l’animal. L’enseignant questionne les étudiants sur leurs représentations et sur leur rapport à ces représentations. Au fil des interventions et pour alimenter la discussion, l’enseignant présente des exemples (culturels, sociaux, artistiques) de ce topos et aborde le sujet de manière plus théorique.
  3. (15 min.) L’enseignant explique le paragraphe justificatif et distribue un exemple.
  4. (10 min.) L’enseignant présente la consigne d’écriture de l’analyse stylistique appréciative : « Justifiez, à l’aide de l’analyse stylistique, votre appréciation de la nouvelle Fou? de Guy de Maupassant. »
  5. (20 min.) Les étudiants doivent faire un plan d’analyse partielle incluant une introduction et un paragraphe.
Évaluation Formative : L’enseignant doit approuver le plan avant que les étudiants soient autorisés à commencer la rédaction.
Séances subséquentes Au cours des deux séances suivantes, les étudiants devront rédiger et corriger individuellement une introduction et un paragraphe à propos de la nouvelle Fou? Deux semaines plus tard, les analyses partielles sommatives seront remises aux étudiants et commentées. 

 

 

 

4.3.   Prolongements possibles

Le thème de la folie et la métaphore de l’animal humain dans les arts nous apparaissent assez féconds et intéressants pour bâtir une session entière en proposant aux étudiants, pour l’un ou l’autre, ce que Marcel Goulet nomme un « parcours thématique » à partir desquels ceux-ci peuvent tirer « une géographie et une toponymie pour leur imaginaire » (Goulet, 2007, p. 205).

Juste à partir du corpus de Maupassant, un réseau de textes de type thématique ou symbolique (Tauveron, 1999) pourrait être constitué et nous le faisons d’une certaine manière à petite échelle en faisant lire aux étudiants deux autres nouvelles de l’auteur. Dans le cadre de notre séquence, le fait de confronter les textes, en plus de permettre aux étudiants d’acquérir l’habileté de la mise en relation, permet la diversification et la résolution de problèmes de lecture. Alors que Fou? questionne la jalousie passionnelle maladive, La chevelure propose d’emblée la description physiologique d’un aliéné obsédé par une idée fixe et Un fou? retrace l’histoire d’un être dominé par les objets. On le constate, la folie chez Maupassant a plusieurs visages et elle ne vient jamais sans son antagoniste, la raison. Nous pourrions élargir ce réseau en faisant lire aux étudiants d’autres textes de Maupassant qui sont centrés sur la folie et qui, ainsi, donnent à voir et à penser, font « de l’expérience de la littérature, articulée à la construction de l’imaginaire, une expérience de beauté, d’identité, d’altérité, de crise » (Goulet, 2007, p. 205). Les élèves pourraient ainsi approfondir leurs représentations, enrichir leur connaissance et leur appréhension de la problématique de la folie et prendre conscience de cet élément fondamental de leur culture en le mettant à distance. Cela s’inscrirait également dans l’énoncé de la compétence pour le cours 102 à savoir « expliquer les représentations du monde contenues dans des textes littéraires » (MELS, 2011, p. 10). Il s’agirait alors d’un réseau intratextuel constitué autour de l’auteur. Nous en profiterions pour aborder la dimension biographique de la folie; Maupassant a développé lors des dernières années de sa vie une paranoïa sévère, a fait une tentative de suicide et a été interné. Il pourrait également être intéressant de suggérer un réseau thématique ou symbolique plus large en convoquant d’autres auteurs qui se sont penchés sur la folie.

En ce qui a trait au topos de l’animal humain, nous proposons également une activité qui pourrait être prolongée quand nous demandons aux étudiants de réfléchir à diverses manifestations culturelles, sociales, artistiques ou littéraires de l’hybridité entre l’homme et l’animal. Nous pourrions, par exemple, partir de ces connaissances et représentations des élèves et sélectionner des œuvres cinématographiques ou picturales pour les amener à « poser un regard critique sur le cinéma […] et faire des liens avec […] l’œuvre littéraire » (Lacelle, 2006, p. 43). Pensons par exemple à l'image de la femme en publicité, aux créatures mythologiques (sphinx, hydres, centaures, sirènes), aux monstres du folklore (loup-garou), à des personnages cinématographiques (avatar) ou de bandes-dessinées (Wolverine, Spiderman). Même si Fou? n’a pas fait l’objet d’une transposition au cinéma, à partir d’un de ses éléments constitutifs, l’on pourrait « articuler la pédagogie à la culture » (Simard, 2004), réagir à la culture des élèves, l’accueillir sans s’y complaire.

 

  1. 5.      Déroulement détaillé d’une séance (lecture)

Étape 1 – Établir les visées de formation

Programme d’études

DEC – Programme de la formation générale

102 – Littérature et imaginaire

Compétence visée

Expliquer les représentations du monde contenues dans des textes littéraires d’époques et de genres variés.

Élément(s) de compétence

Reconnaitre le traitement d’un thème dans un texte.

Dégager les rapports entre le réel, le langage et l’imaginaire.

Principaux savoirs

Procédés stylistiques et champs lexicaux

Objectif(s) spécifique(s) d’apprentissage de la séance

Reconnaitre le thème de la folie (et ses manifestations) dans la nouvelle.

Identifier les différentes caractéristiques attribuées aux personnages et se questionner sur la façon dont les protagonistes sont présentés (critère de performance : liens pertinents entre le thème, les procédés stylistiques et littéraires).

 

 

 

 

 

Étape 2 – Planifier les apprentissages

Activité et durée

Objectif d’apprentissage intermédiaire visé par l’activité

Éléments de contenu

Ce que font les étudiants et difficultés anticipées

Ce que fait l’enseignant

Consignes et

matériel à prévoir

Introduction/amorce

(5 min.)

Réactiver la discussion entamée au cours précédent.

La thématique de la folie et ses déclinaisons : Fou? questionne la jalousie passionnelle maladive, La chevelure propose d’emblée la description physiologique d’un aliéné obsédé par une idée fixe et Un fou? retrace l’histoire d’un être dominé par les objets.

 

La stylistique, les procédés d’écriture.

Les étudiants se remémorent les éléments soulevés lors des comités de lecture.

L’enseignant explique comment se déroulera le cours et ce qui est attendu des étudiants pour la suite des comités de lecture (mettre en ordre leurs idées, effectuer un tri pour le partage à la classe, etc.)

 

Aucun.

Suite et fin des comités de lecture

(20 min.)

Comparer les différents traitements de la folie dans les deux extraits et la nouvelle Fou?

La thématique de la folie; la stylistique et les procédés d’écriture.

Les étudiants échangent sur les trois textes, font ressortir les différences des déclinaisons de la folie et prennent des notes, car ils auront à présenter au groupe leurs observations. Ils mettent en ordre leurs idées du cours précédent et ajoutent, si nécessaire, de nouveaux éléments.

Difficultés anticipées : les étudiants risquent de stagner après un certain temps ou de s’éloigner de la consigne.

L’enseignant circule dans les comités de lecture; il questionne et relance les étudiants.

Consigne : faire ressortir les différences eu égard au traitement de la folie dans les trois textes.

 

Quelques copies supplémentaires des extraits des textes de Maupassant qui ont été distribués au dernier cours.

Discussion

(20 min.)

Faire prendre conscience aux étudiants que leur perception des personnages et des évènements est fonction des procédés d’écriture, des champs lexicaux, etc.

La thématique de la folie.

 

La stylistique et les procédés d’écriture : l’analyse formelle d’un texte est subordonnée à l’analyse thématique (contenu) et en est indissociable. (Pilote, 2007, p. 28)

Les étudiants communiquent à la classe le résultat de leurs discussions (du cours précédent et du présent cours).

L’enseignant anime le retour en groupe et oriente la discussion en plus de donner des éléments de réponse qui n’ont pas été relevés; à partir des observations des étudiants, il pose des questions pour les amener à faire des liens entre le traitement du thème de la folie et la stylistique et pour leur faire prendre conscience que leur perception des personnages et des évènements est fonction des procédés d’écriture, des champs lexicaux, etc. Il cherche à préciser le caractère indissociable du contenu des idées et de la forme qui y est donnée. Exemple de question : quel personnage vous parait le plus fou et pourquoi?

Aucun.

Exposé magistral

(25 min.)

Accroitre leur connaissance des figures de style (et de leurs effets) et se les remémorer.

Les figures de style et les autres procédés d’écriture (procédés de ponctuation, métaphore, personnification/animalisation, etc.)

 

Les champs lexicaux : l’étude des champs lexicaux met en lumière les thèmes d’un texte, ses valeurs dominantes.

 

 

Les étudiants suivent l’exposé magistral avec le document qui leur a été remis. Ils prennent des notes et répondent aux questions ponctuelles de l’enseignant.

L’enseignant explique le document; il est attentif aux signaux des étudiants et ajuste sa présentation en fonction des éléments maitrisés et de ceux qui semblent poser problème. Pour ce faire, il pose beaucoup de questions.

Difficultés anticipées : certains étudiants qui connaissent bien les figures de style risquent de trouver la présentation redondante. Il est également difficile pour l’enseignant de savoir exactement où en sont les étudiants dans leur compréhension de ce contenu normalement abordé dans le cours 101. L’activité vise donc à s’assurer d’instaurer une base théorique commune.

Document explicatif et exemplifié sur les figures de style.

Exercice

(25 min.)

Enrichir le vocabulaire des étudiants et leur compréhension des mots du texte.

 

Repérer les figures de style dans la nouvelle.

Termes inconnus ou difficiles.

 

Les figures de style (métaphore, personnification/animalisation, etc.) et les champs lexicaux.

 

Les étudiants identifient tous les mots du texte qu’ils ne connaissent pas et les cherchent dans le dictionnaire. Ils repèrent et surlignent les figures de style dans la nouvelle; ils regroupent les mots appartenant à des champs lexicaux et donnent des noms à ces ensembles.

L’enseignant circule parmi les étudiants et les interroge sur des mots du texte pour s’assurer qu’ils ont bien cherché tous les mots inconnus; il répond aux questions, regarde les copies des étudiants pour identifier d’éventuels problèmes ou incompréhensions.

 

Difficultés anticipées : certains étudiants ne se donneront pas la peine de chercher tous les mots inconnus dans le dictionnaire, d’où l’importance pour l’enseignant de les solliciter constamment.

Dictionnaires.

Synthèse

/conclusion

(5 min.)

Récapituler les acquis de la séance

La thématique de la folie; la stylistique (figures de style et champs lexicaux).

Les étudiants posent des questions et prennent en note le travail pour le cours suivant.

L’enseignant récapitule les notions abordées et donne la consigne pour le cours suivant (les étudiants doivent réfléchir à certaines manifestations culturelles et sociales [publicité], artistiques [tableaux, films, musique], littéraires [mythes, contes, imaginaire collectif] où il y a hybridité ou confusion entre un homme et un animal).

 

Étape 3 – Établir ce qui permettra d’évaluer l’atteinte des visées de formation

Prérequis

Connaissance de certaines notions relatives aux procédés d’écriture.

Capacité à identifier le thème.

Capacité à utiliser le dictionnaire.

Modalités d’évaluation

Diagnostique (pour adapter l’intervention).

Critères d’évaluation

Les étudiants sont capables :

- d’identifier à l’oral, après les comités de lecture, les différences dans le traitement d’un thème;

- d’identifier certains procédés d’écriture et leurs effets;

- de reconnaitre l’influence des procédés d’écriture sur le thème et de relever les procédés stylistiques et littéraires utilisés pour le développer.

L’enseignant évalue :

- la justesse et la précision des éléments identifiés lors de la mise en commun;

- la quantité et l’exactitude des procédés décelés dans l’exercice de repérage.

Prolongements

Le cours suivant porte sur la question de l’animal humain. Cette séance permet donc de cerner les procédés d’écriture, notamment la métaphore, qui « établit une identité entre deux réalités différentes en effaçant les barrières entre les domaines que l’on sépare d’habitude et met en relief des relations analogiques insolites » (Pilote, 2007, p. 65). Repérer cette métaphore est une première étape pour arriver à réfléchir aux caractéristiques animales attribuées au personnage (et humaines attribuées à l’animal) et à un deuxième niveau, pour parvenir à interroger la question de la bestialité chez l’homme.

 

De plus, ces exercices d’analyse (oral et écrit) de la thématique et de la stylistique sont nécessaires à la rédaction sommative que les étudiants auront à réaliser au terme de la séquence.

 

Cette séance permet également aux étudiants de développer leurs aptitudes à lire et à confronter des textes et à verbaliser leur pensée.

 

  1. 6.      Principales modalités d’évaluation formative et sommative

Les évaluations mises en place dans le cadre de cette séquence didactique sont de trois types : diagnostique, formative et sommative. À la première séance, les étudiants doivent imaginer, rédiger et corriger une chute à la nouvelle Fou? en respectant la concordance des temps et en tenant compte des caractéristiques de la chute. Ce travail permet d’abord à l’enseignant d’effectuer une évaluation diagnostique : puisque la séquence se situe en début de session, l’enseignant pourra mesurer les compétences linguistiques des étudiants. Cet exercice d’écriture d’invention fait également l’objet d’une évaluation formative : en demandant aux étudiants de réinvestir les caractéristiques de la nouvelle enseignées au tout début de la séance, l’enseignant peut vérifier la compréhension des élèves et les zones plus nébuleuses relativement à la théorie présentée (par exemple : peu de personnages, enchainement rapide des évènements, tension, élément surprenant qui force une réinterprétation, etc.) et d’emblée, situer la compréhension des étudiants par rapport à cette nouvelle.

       À la quatrième séance, les étudiants doivent élaborer un plan d’analyse partielle selon la consigne suivante : « Justifiez, à l’aide de l’analyse stylistique, votre appréciation de la nouvelle ». Ce plan devra être approuvé par l’enseignant avant que les étudiants entreprennent la rédaction. Les étudiants seront invités à venir rencontrer individuellement l’enseignant à l’avant avec leur plan et celui-ci pourra leur donner de la rétroaction verbale.

       Au terme de cette séquence, les étudiants auront à rédiger une analyse stylistique partielle (une introduction et un paragraphe de développement) pour rendre compte de leur appréciation de la nouvelle. Cette analyse sera évaluée de manière sommative selon les critères suivants : relevé de procédés stylistiques et littéraires utilisés pour le traitement d’un thème, liens pertinents entre le thème et les procédés d’écriture et la justification de l’appréciation, cohérence des idées principales et secondaires, respect des règles orthographiques, grammaticales, syntaxiques et de ponctuation. Ces critères de performances correspondent à certains standards du programme ministériel pour le cours 102 – Littérature et imaginaire, qui reprennent en les complexifiant des critères du cours 101 – Écriture et littérature. Ils sont réalistes considérant que : au sortir du cours 101 – Écriture et littérature, les élèves doivent être en mesure de rédiger une analyse littéraire et une explication de texte; quatre séances ont permis aux étudiants de bien connaitre et de décortiquer la très courte nouvelle de Maupassant, en plus de mettre en place tous les éléments théoriques grâce à différentes activités; le paragraphe justificatif a fait l’objet d’un enseignement explicite; l’enseignant, lors de l’évaluation formative du plan, a pu guider les étudiants. L’évaluation finale est également en lien avec nos deux objectifs généraux à savoir interpréter une nouvelle et apprécier l’esthétique de Maupassant.

 

Conclusion

 

       Initialement, la nouvelle Fou? de Guy de Maupassant nous a interpelées pour différentes raisons : son caractère intriguant, la thématique de la folie récurrente dans l’imaginaire de l’auteur abordée ici selon l’angle de la jalousie amoureuse, sa richesse stylistique et sa concision, le malaise crée par l’animalisation des personnages et la personnification de l’animal, etc. Nous étions certaines qu’elle contenait en germe le potentiel de susciter chez les étudiants diverses interrogations d’ordre anthropologique quant à la thématique de la folie et à la métaphore de l’animal humain. Nous aimions – et souhaitions faire aimer aux étudiants – le côté sensuel de la nouvelle, mais distordu, pernicieux dans cette rencontre du beau et du laid, du désirable et de l’infâme. Par ailleurs, en raison de sa brièveté, elle se prêtait bien à une analyse approfondie. Nous avons construit notre séquence autour de deux objectifs généraux à savoir interpréter une nouvelle et apprécier l’esthétique de Maupassant et nous avons articulé nos activités à quatre objectifs spécifiques : reconnaitre les manifestations de la folie dans la nouvelle; décrire les différentes caractéristiques attribuées aux personnages et la façon dont elles sont présentées; comparer les rapports entre l’homme et l’animal dans le texte et rendre compte de son appréciation de la nouvelle en la justifiant à l’aide de l’analyse stylistique. Nous croyons, tel qu’explicité dans la justification de la progression, que les activités choisies et leur progression rendent possible l’atteinte de ces objectifs qui sera mesurée grâce à différentes évaluations (une diagnostique, deux formative et une sommative). En effet, les activités sont diversifiées (exercices, comités de lecture, exposés magistraux, écriture d’invention et analyse stylistique, etc.), font appel à différentes compétences (lecture, écriture, verbalisation) et mobilisent plusieurs savoirs (thématique, stylistique, topos de l’animal humain, paragraphe justificatif). Elles sont également congruentes avec l’objet de la discipline français, langue d’enseignement et littérature, c’est-à-dire, « stimuler l’imagination, aiguiser la sensibilité et […] élargir les connaissances dans les domaines littéraire et culturel ». Nous croyons que la courte nouvelle Fou? de Guy de Maupassant est assez riche par son style particulier et les questionnements qu’elle suscite pour occuper entièrement et pertinemment notre séquence didactique. Cette œuvre fascinante permettra aux étudiants parfois réticents d’approcher cette figure canonique de la littérature française qu’est Maupassant.

 

Bibliographie

Cally, J.-W. (2007). La bête dans la littérature fantastique. (Thèse de doctorat, Université de la Réunion, France). Repéré à http://guides.bib.umontreal.ca/disciplines/20-Citer-selon-les-normes-de-l-APA?tab=108

Canvat, K. (2000). Quels savoirs pour l’enseignement de la littérature? Réflexion et propositions. Dans G. Langlade et M.J Fourtanier (dir.) Enseigner la littérature (p.57-72). Paris : Delagrave, CRDP Midi-Pyrénnées.

Goulet, M. (2007). Lecture littéraire et construction de l’imaginaire. Dans Actes du 27e colloque de l’AQPC : Une culture d’innovation pédagogique (p. 37-43). Montréal : AQPC.

Jouve, V. (2010). Poétique du roman, Paris : Armand Colin.

Jouve, V. (2001). L’effet-personnage dans le roman, Paris : PUF.

Lacelle, N. (2006). Dans A.-M. Boucher et A. Pilote (Dir.) La culture en classe de français (p. 43-52). Q.F.

Ministère de L’Éducation, du Loisir et du Sport. (2011). Formation générale commune et complémentaire aux programmes d’études conduisant au diplôme d’études collégiales. Québec.

Pilote, C. (2007). Guide littéraire – 2e édition. Québec : Bauchemin (Coll. Chenelière éducation).

Simard, D. (2004). Une approche culturelle dans l’enseignement du français langue première. L’écho du RÉSEAU Laval, 4 (1), 10-20.

Tauveron, C. (1999). Comprendre et interpréter le littéraire à l’école. Dans Repères (19).

« L’effet personnage dans le roman » de Vincent Jouve. (2012). Repéré à http://arlap.hypotheses.org/1738

 

 


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