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Ouragan

Fiche descriptive
Séquence didactique
Annexes
Ouragan
GAUDÉ, Laurent
Par Laurence Croteau, Sandra Deschênes, Maxime Langlois


Nationalité de l'auteur : Française
Genre : Roman
Courant :
Siècle : 21e siècle
Groupe d'âge visé : Deuxième cycle secondaire
Auteur de la séquence : Laurence Croteau, Sandra Deschênes, Maxime Langlois
Date du dépôt : Hiver 2016


Séquence didactique sur Ouragan de Laurent Gaudé

 

Il est intéressant d’étudier avec les élèves du secondaire des œuvres qui leur permettent de vivre diverses expériences culturelles et humaines. Ces textes littéraires, souvent complexes, présentent plusieurs problèmes de lecture, tant sur le plan de la compréhension que sur le plan de l’interprétation. La résolution de ces problèmes permet d’instaurer une dialectique de va-et-vient entre la distanciation et la participation (Falardeau, 2004). Le roman choral Ouragan de Laurent Gaudé favorise l’implication émotive et la participation du lecteur en raison du questionnement sur la condition humaine qu’il suscite inévitablement à la lecture. De plus, les problèmes liés à la compréhension de l’œuvre nécessitent une analyse distanciée des éléments narratifs (types de narrateurs, focalisation). C’est donc un lecteur à la fois impliqué et distancié qui pourra saisir toute la portée du roman et parfaire sa compréhension des personnages qui sont confrontés à l’ouragan Katrina.


Résumé de l’œuvre

Ouragan met en scène les destins entrecroisés de cinq personnages principaux, soit Josephine Linc. Steelson, Keanu Burns, Rose Peckerbye, Buckeley et un révérend, qui font preuve de résilience, de courage et de force morale pour survivre à l’ouragan Katrina qui frappe La Nouvelle-Orléans en laissant derrière lui un décor d’apocalypse. Chacun des personnages est confronté à une épreuve qui remet en question son humanité la plus profonde et sa conception morale du monde, tout en l’obligeant à porter un regard lucide sur son passé et à faire la paix avec celui-ci. Ce faisant, tous retrouvent une certaine paix intérieure qui leur permet d’accepter le destin que cette catastrophe naturelle leur réserve.


Place de la séquence dans la progression

La séquence didactique élaborée s’adresse à des élèves de cinquième secondaire, puisque nous nous concentrons sur la complexité de l’intrigue due aux changements de focalisation et de narrateurs, ainsi qu’à l’alternance des récits. Tous ces contenus d’enseignement et d’apprentissage sont propres à cette année scolaire (MELS, 2011).


Analyse

Problèmes de lecture

Dans le cadre de cette séquence didactique, nous nous penchons sur les problèmes de lecture suivants qui seront abordés avant, pendant et après la lecture du roman :

- La multiplicité des narrateurs : les narrateurs et les types de narrateurs changent souvent et rapidement, parfois au sein d’une même phrase où Gaudé alterne entre plusieurs narrateurs participants et un narrateur omniscient;

- Les glissements fréquents sur le plan de la focalisation (à lier au type de narrateur) et leurs effets;

- Les analepses fréquentes et parfois implicites qui permettent d’en apprendre davantage sur le récit de vie de chacun des personnages, mais qui peuvent poser problème aux élèves (d’où la nécessité de faire une ligne du temps en fonction des destins croisés des personnages et d’analyser les évènements importants de la vie de chacun d’eux);

- L’usage hors-norme de la jonction de phrases (juxtaposition et coordination) chez Gaudé et ses effets sur la lecture (rythme et difficultés).

Les thèmes inhérents à l’œuvre (résilience, mort, courage, amour, fragilité de l’Homme confronté aux catastrophes naturelles, etc.) seront abordés par le biais des activités d’enseignement et d’apprentissage liées aux problèmes de lecture.


Les objectifs pédagogiques de la séquence et les compétences visés

Pour la compétence Lire et apprécier des textes variés, les sous-composantes visées sont construire du sens et acquérir des connaissances sur la langue, les textes et la culture (MELS, 2011). Les objectifs d’apprentissage sont les suivants :

- identifier les narrateurs multiples;

- cerner la quête d’équilibre marquée davantage par l’évolution du personnage,

- cerner l’enchainement ou l’entrelacement de déclencheurs, d’actions et d’évènements, de dénouements secondaires ou parallèles, d’histoires;

- juger des effets et de la pertinence des procédés narratifs de Gaudé (changements de narrateurs, de points de vue, alternance des récits) sur le déroulement de l’intrigue (destins croisés des personnages) (MELS, 2009).

Pour la compétence Écrire des textes variés, les habiletés à développer sont les suivantes (MELS, 2011) :

- faire appel à sa créativité en s’inspirant de ses lectures et de divers repères culturels afin de pasticher Laurent Gaudé et de maitriser la juxtaposition et la coordination;

- mettre à profit ses connaissances sur la langue, les textes et la culture;

- réfléchir à sa pratique de scripteur.

Enfin, pour la compétence Communiquer oralement selon des modalités variées, les objectifs d’apprentissage sont les suivants (MELS, 2011) :

- construire du sens en exploitant l’information contenue dans deux reportages et en déployant une stratégie de prise de notes (MELS, 2009).

 

Activités d’apprentissage

Dans cette séquence didactique, plusieurs activités d’enseignement et d’apprentissage seront mises en place pour atteindre les objectifs pédagogiques fixés.


Avant la lecture (environ un cours)

Afin de guider les élèves durant la séquence sur Ouragan, nous leur proposons de tenir un journal de lecture, lequel leur sera remis avant d’amorcer le travail sur le roman. Les diverses activités décrites ci-dessous, de même que leur corrigé, se retrouvent sur notre site Internet[1].

Des activités serviront de pistes d’entrée en lecture. La première consiste à demander aux élèves de définir individuellement le terme « catastrophe », ce qui permet à l’enseignant de connaitre les conceptions initiales de chaque apprenant et de créer chez lui un horizon d’attente en lien avec le roman (Activité 1). Par la suite, l’enseignant présente brièvement l’auteur, la thématique principale du roman et les personnages principaux. Puis, les élèves visionnent deux reportages : le premier permet de contextualiser la catastrophe naturelle (ouragan Katrina) telle qu’elle s’est produite en 2005 et l’autre permet de faire un tour d’horizon de l’œuvre par le biais d’une entrevue réalisée avec l’auteur dans laquelle il présente sommairement son intention de création. Bref, ces deux reportages serviront de porte d’entrée à l’univers catastrophique dépeint dans Ouragan (Activité 2).


Suggestions pour une démarche d’enseignement sur l’écoute des deux reportages

En amont, les élèves travailleront sur une stratégie d’écoute en oral : « J’ai sélectionné les idées importantes ou l’information utile pour la tâche à réaliser » (Falardeau, 2015).

Avant l’écoute 

Pour préparer les élèves à l’écoute du premier reportage, l’enseignant, après avoir nommé les titres des reportages et avoir lu les questions sur les vidéos, questionne les élèves : Observe les questions auxquelles tu dois répondre. Lors de l’écoute, quelles informations dois-tu noter? Comment peux-tu identifier les idées principales et les idées secondaires? Selon toi, quels sont les principaux sujets abordés dans chacun de ces reportages? etc.

Pendant l’écoute 

Durant l’écoute du premier reportage, l’enseignant accompagne les élèves dans leur prise de notes. Pour ce faire, il arrête la vidéo à un moment qu’il juge important. Il justifie alors son choix en disant, par exemple, que l’aspect qu’il veut noter est principal puisqu’il est en lien direct avec les conséquences de l’ouragan. En aval, pour l’écoute de l’entrevue avec Gaudé, les élèves s’inspirent de la démarche de l’enseignant qu’ils ont observée pour travailler la stratégie à déployer en écoute. Ils doivent donc juger de l’importance et de la pertinence des idées à prendre en note, tout en répondant aux questions sur le reportage dans leur journal de lecture.

Après l’écoute 

Les apprenants, en équipe de deux ou de trois, finissent de rédiger leurs réponses aux questions sur les reportages. Lors du retour en plénière, l’enseignant corrige les questionnaires avec les élèves. Il en profite alors pour faire réfléchir les apprenants sur leur emploi de la stratégie : Qu’est-ce qui peut expliquer les erreurs que tu as commises? Les informations que tu as relevées étaient-elles pertinentes? Pourquoi? Lors d’une prochaine activité d’écoute, comment pourrais-tu prendre des notes de manière efficace? etc.

 

Pendant la lecture (nombre de cours variable selon la durée des retours ponctuels, mais environ deux cours pour les activités 3, 4 et 5)

Nous attribuons l’analyse d’un personnage sur les cinq principaux à chaque élève pour réduire sa charge cognitive, laquelle serait trop importante s’il avait à traiter de la vie de chaque personnage en plus de se concentrer sur la compréhension d’une histoire dont la narration est complexe. Lors de la lecture, les élèves sont invités à prendre des notes dans le journal de lecture dans l’espace prévu à cet effet. Parallèlement, comme la tâche demandée aux élèves lors de la lecture — qu’ils font à la maison — reste considérable, nous conseillons à l’enseignant d’effectuer des retours ponctuels en classe, à la fin de chaque semaine, en fonction des objectifs de lecture (chapitre I, chapitres II à V, chapitres VI à VIII et chapitres IX à XII). Lors de ces retours, nous travaillons avec les élèves sur l’activité 6 du journal de lecture (évènements marquants de la vie des personnages).

Cette activité permet à l’élève d’approfondir sa compréhension de l’oeuvre par le biais d’un personnage en particulier, de son passé, de ses émotions et de ses pensées. En effet, l’élève doit choisir entre cinq et huit évènements marquants dans la vie de son personnage et être en mesure de justifier ses choix devant ses pairs. Il doit aussi identifier le type de narrateur lié à ce personnage et justifier sa réponse, ce qui lui permet de réfléchir à un rapport au personnage différent selon les informations auxquelles le lecteur a accès. Par exemple, lorsqu’il s’agit d’un narrateur omniscient comme c’est le cas avec Keanu et Rose, le lecteur perçoit les pensées et les émotions des personnages, incluant leur passé, leurs actions et le décor qui les entoure. Ainsi, aux pages 43-44, l’utilisation du narrateur omniscient permet au lecteur d’en apprendre davantage sur le passé de Keanu et sur sa décision de quitter Rose et La Nouvelle-Orléans pour aller travailler sur une plateforme pétrolière à Houston. Cette information n’aurait pas nécessairement été livrée si c’était un narrateur participant qui avait pris la parole, puisqu’il aurait impérativement fallu que ce dernier choisisse de donner accès à ce souvenir au lecteur. À titre d’exemple, l’élève n’a pas du tout accès au passé du révérend, même si celui-ci est un narrateur participant. En effet, il focalise principalement sur ses actions et sur ses pensées immédiates tout au long du roman sans qu’il y ait d’analepses dans son discours.


Exemples de questions que l’enseignant peut poser aux élèves pour les guider dans leur choix et leur justification des évènements marquants pour leur personnage respectif :

- Quels sont les évènements marquants qui peuvent arriver à une personne au cours de sa vie (naissance, mariage, deuil, accident, maladie, choix de carrière, rencontres diverses, etc.)?

- Quelles sont les émotions fortes que peut ressentir une personne au cours d’un tel évènement? Ton personnage vit-il de telles émotions? À quel(s) moment(s)?

- Dresse un bref portrait psychologique de ton personnage. Quels évènements distinctifs ont forgé sa personnalité?

À la fin de la lecture du roman, tous les élèves ayant travaillé sur un même personnage seront rassemblés en équipe pour discuter des évènements qu’ils ont choisis afin d’arriver à un consensus. C’est notamment en confrontant leur compréhension et leur vision du personnage à celle de leurs pairs que les apprenants seront amenés à analyser leur personnage sous un nouvel angle. C’est à ce moment que les élèves seront amenés à justifier leur interprétation du personnage en se basant sur des extraits du texte. Il est donc important que l’enseignant ne cible pas les éléments les plus significatifs (évènements de vie et rencontres importantes entre les personnages) en plénière. C’est à l’élève que revient le mandat de juger de la pertinence des éléments discutés en classe afin de les inclure ou non dans les notes qu’il doit prendre en cours de lecture.

 

L’activité 7, quant à elle, est faite en plénière au fil des retours ponctuels en classe. Il s’agit de créer une ligne du temps pour montrer le croisement des destins des personnages et l’incidence que les actions des uns ont sur l’existence des autres, le tout à des moments charnières de l’histoire (avant, pendant et après l’ouragan). En effet, dans le roman Ouragan, plusieurs personnages principaux et secondaires sont liés à d’autres personnages avant même l’ouragan, comme c’est le cas avec Keanu et Rose qui ont vécu une histoire d’amour six ans auparavant (Gaudé, 2010, p. 43-44). D’autres se rencontrent pendant la catastrophe (Byron et Keanu, p. 60), voire après (Rose et Joséphine, p. 125). La ligne du temps sert donc de repère visuel permettant à l’élève de comprendre le non-respect de l’ordre habituel de la séquence narrative et l’influence mutuelle que les personnages ont les uns sur les autres (Falardeau, 2013). Les activités 6 et 7 se retrouvent dans le journal de lecture.

Après la lecture du chapitre I, nous proposons aux élèves des activités leur permettant de mieux comprendre le procédé de Gaudé concernant les changements de narrateurs.

D’abord, nous faisons une activité décontextualisée portant sur la multiplicité des narrateurs et sur les changements de focalisation (points de vue) (activité 3). Il s’agit de l’analyse de la nouvelle « La mère Sauvage » de Guy de Maupassant. Nous ciblons les changements de narration et de focalisation avec les élèves en leur demandant de déterminer le nombre de points de vue présents dans la nouvelle. Ce faisant, nous amenons les élèves à réaliser que les actions sont perçues par différents types de narrateurs (il y a trois narrateurs différents qui interviennent dans cette nouvelle). Le but est de montrer aux élèves qu’un changement de narrateur implique systématiquement un changement de focalisation (point de vue) et que chacun des narrateurs, selon ses caractéristiques, donne accès à des informations différentes selon des points de vue différents. L’activité permettra aussi aux élèves de réaliser que seul un narrateur omniscient a accès à tous les points de vue. Par exemple, au début de la nouvelle, c’est un narrateur témoin, l’ami de Serval, qui prend la parole, avant de la céder ainsi à son ami (narrateur omniscient) : « Je lui demandai. "Que sont devenus les gens de là? " Et il me conta cette aventure. [...]» (Maupassant, 1884, p. 1). Ces constats s’appliquent également à Ouragan.


Exemples de questions pouvant être posées aux élèves sur la nouvelle :

Quelles nouvelles informations les changements de focalisation apportent-ils?

Si tu observes à la fois les changements de narrateurs et de points de vue, que remarques-tu?

Quelles sont les caractéristiques d’un narrateur omniscient?

Considérant ces caractéristiques, à quel point de vue peut-il avoir accès?

Qu’en est-il d’un narrateur participant et d’un narrateur témoin?

Quels impacts le choix d’un de ces trois types de narrateurs a-t-il sur le lecteur et sur les informations auxquelles il a accès?

Dans « La mère Sauvage », le premier narrateur, qui narre au « je », est un narrateur témoin. Les informations auxquelles il a accès sont donc limitées à ce qu’il voit (la campagne qui l’entoure, une chaumière en ruines et son ami Serval), ce qu’il entend (l’histoire de Serval), ce qu’il pense, ce qu’il ressent (de la nostalgie quand il pense à la campagne) et ce qu’il a vécu. Par contre, le second narrateur est un narrateur omniscient dans l’histoire qu’il raconte. Il a donc accès à toutes les informations possibles concernant l’atmosphère du récit et les personnages des Prussiens et de la mère Sauvage, y compris leurs sentiments : « Elle n’avait pas peur, du reste, étant de la même race que ces hommes, une rude vieille, haute et maigre, qui ne riait pas souvent et avec qui on ne plaisantait point. » (Maupassant, 1884, p.1)

Par ailleurs, on peut noter un changement de focalisation chaque fois qu’il y a un changement de narrateur. Par exemple, lorsque c’est le narrateur témoin « je » qui narre, les « lunettes narratives » sont tournées vers le personnage lui-même, c’est-à-dire que le lecteur a accès à son seul point de vue. Par contre, le second narrateur, Serval (omniscient dans l’histoire qu’il raconte), focalise sur l’objet de son récit, soit la mère Sauvage et les Prussiens.

 

Par la suite, pour l’activité 4 nous leur demandons d’analyser un extrait problématique d’Ouragan (p. 30-31) en prêtant attention aux changements de focalisation qui y sont faits. Autrement dit, les élèves doivent identifier et indiquer qui est le narrateur en fonction des caractéristiques des personnages qui se retrouvent dans la phrase. Si les élèves éprouvent de la difficulté à réaliser l’activité demandée, ils peuvent s’exercer à reconnaitre les changements de focalisation aux pages 64-66 (un narrateur omniscient focalise sur Keanu et Rose) et à la page 73 (Buckeley, en tant que narrateur participant, focalise sur lui-même et sur le groupe de prisonniers dont il fait partie). L’extrait vierge à remettre aux élèves ainsi que le tableau d’identification qu’ils doivent compléter se retrouvent dans leur journal de lecture[2].


Suggestions pour une démarche d’enseignement sur l’extrait

Un retour en classe est fait afin de valider les réponses des élèves. Ensuite, un travail d’analyse est fait en interprétation. Le but de cette discussion en plénière est d’amorcer la réflexion suivante chez les élèves : la multiciplicité des voix narratives permet de donner au lecteur une impression de simultanéité, au sens où tous les personnages vivent la même chose, au même moment, mais dans des contextes personnels différents (environnement physique et état d’esprit). En effet, Gaudé choisit de donner accès au lecteur aux points de vue simultanés de chaque personnage au même moment, à l’image d’un fondu, une technique souvent utilisée au cinéma qui consiste à faire enchainer les images progressivement de manière à ce qu’elles se fondent les unes dans les autres.  

Pendant cette activité, l’enseignant peut poser les questions d’interprétation suivantes aux élèves en plénière, de sorte que tous puissent bénéficier des interventions des pairs : Dans ce passage, que se passe-t-il pour chacun des personnages? Qu’attendent-ils? Dans quelle situation commune se retrouvent-ils? Que ressentent-ils? À quoi pensent-ils? Quels sont leurs sentiments communs? À partir de ces sentiments communs, quels thèmes est-il possible de dégager de cet extrait? Selon toi, comment ces thèmes vont-ils se développer dans la suite du roman? Est-ce que le révérend restera courageux? Est-ce que Joséphine sera toujours aussi déterminée? Est-ce que Rose restera passive? Dans tous les cas, explique ta réponse en te basant sur ce que tu connais déjà des personnages. Que peux-tu dire sur la construction de la phrase (juxtaposition et coordination), la multiplicité des narrateurs et des points de vue, ainsi que sur le rythme de la narration? Quel(s) effet(s) les points explicités à la question précédente ont-ils sur l’histoire et sur ta lecture (plus difficile, plus rapide, plus saccadée, etc.) et pourquoi?

Ce passage permet donc au lectorat d’avoir accès à plusieurs informations combinées. Ce n’est pas ce à quoi les élèves sont habitués lorsqu’ils lisent un roman qui contient habituellement un seul type de narrateur, un chapitre par narrateur, etc. Par ailleurs, cette façon de faire permet au lecteur de percevoir une effervescence et une urgence commune montrée par l’accélération du rythme de la lecture. Ce faisant, Gaudé indique subtilement au lecteur qu’un évènement important approche et qu’il chamboulera la vie de tous les personnages.

 

Lors de la 5e activité, l’enseignant fait observer à ses élèves un extrait de la pièce de théâtre En pièces détachées de Michel Tremblay. L’objectif est de faire remarquer aux élèves qu’il est plus simple de savoir qui parle dans une pièce de théâtre que de savoir qui narre dans le roman de Gaudé puisque les divers narrateurs changent en cours de phrase. En effet, à la lecture d’un texte dramatique, les noms des personnages sont indiqués dans les didascalies fonctionnelles, ce qui évite aux élèves certaines difficultés de lecture, dont les inférences liées à l’identification des personnages.

Après ces activités décontextualisées, les élèves poursuivent leur lecture d’Ouragan en fonction des objectifs de lecture. Il serait toutefois pertinent de faire un retour sur les évènements du chapitre I. En effet, comme la lecture a été interrompue par les activités 3, 4 et 5, il est important de résumer le premier chapitre afin que les élèves puissent se replonger dans l’univers de Gaudé.

 

Après la lecture (environ cinq cours)

Après la lecture, un premier retour est effectué en lien avec l’activité 6. Les élèves ayant travaillé sur un même personnage se réunissent en équipe et essaient d’arriver à un consensus concernant les évènements importants de la vie de celui-ci. Ils essaient également de trouver les traits de caractère principaux de leur personnage (résilience, courage, détermination, passivité, etc.). Par la suite, chaque équipe donne ses réponses en plénière et les élèves sont invités à compléter les schémas des autres personnages dans leur journal de lecture de manière à avoir une fiche détaillée pour chacun d’entre eux.

L’activité 8 porte sur l’emploi de la ponctuation (plus particulièrement la coordination et la juxtaposition) fait par Gaudé. En effet, ce dernier utilise de façon hors-norme ces deux procédés de jonction de phrases afin de créer un effet narratif de simultanéité à deux reprises dans le roman : avant l’ouragan (p. 30-31) et après l’ouragan (p. 186-187). Comme le premier extrait a déjà été travaillé en profondeur lors de l’activité 4, il est intéressant de s’arrêter au second passage dans lesquels les deux narratrices sont Rose et Josephine pour analyser les liens syntaxiques entre les phrases. Toutefois, un bref retour sur le premier extrait sera fait pour analyser les liens sémantiques tissés entre les différents changements de points de vue.


Exemples de questions pour analyser l’extrait des pages 186-187 :

- À quels personnages réfèrent les pronoms « je » et « elle » dans l’extrait? Justifie ta réponse en te basant sur l’extrait, mais aussi sur l’intégralité du récit. Quels personnages étaient des narrateurs participants dans Ouragan? Quels personnages étaient des narrateurs omniscients?

- Pour faire progresser le texte lorsqu’il y des changements de narrateurs et de points de vue au sein d’une même phrase graphique, Gaudé utilise divers procédés langagiers. Comment l’auteur juxtapose-t-il deux phrases syntaxiques? Comment coordonne-t-il deux phrases syntaxiques? Quels coordonnants utilise-t-il et quel est leur sens?

- Gaudé fait-il un usage normal de la virgule? Quel impact cela a-t-il sur ton rythme de lecture?

 

Retour à l’extrait des pages 30-31 :

- Mis à part la juxtaposition et la coordination, comment Gaudé s’y prend-il pour changer de narrateurs? Y a-t-il des actions qui sont répétées? Si oui, lesquelles?

 

Dans l’oeuvre, il faut noter que les passages où les narrateurs et les points de vue changent au sein d’une même phrase sont des moments charnières de l’histoire : à l’annonce de l’ouragan et après que ce dernier ait tout dévasté sur son passage. De plus, Gaudé tient compte en tout temps des caractéristiques des personnages qui ont été établies depuis le début (Rose est plutôt passive, Keanu est un amoureux fonceur, Josephine est une combattante résiliente, etc.). Il se sert également souvent d’actions communes comme levier pour changer de narrateur, comme dans ces extraits de la page 30 : « J’allume la télévision et je comprends de quoi il s’agit […] nous l’allumons aussi, assis au fond de nos couchettes […] jusque dans la chambre du motel où la femme de service a laissé le poste allumé ». Par ailleurs, dans cet extrait, on peut mettre en écho Josephine et les prisonniers parce qu’ils sont indifférents à la tempête qui approche : « je l’ai entendue, moi aussi, Josephine Linc. Steelson, au retour de ma promenade en bus et cela ne m’a pas surprise car je l’avais sentie avant eux » et « nous regardons le poste et nous envions presque ceux qui redoutent sa venue car pour nous ça ne changera rien, nous resterons au fond de notre prison et cela ne nous concerne pas » (p. 30). On peut également lier le révérend et Keanu qui éprouvent tous les deux une forme de force et de détermination. En effet, le révérend se prépare à accueillir ses citoyens dans son église, tandis que Keanu trouve la force de rejoindre son ancien amour, Rose. 

 

La 9e activité est la réalisation du pastiche sur un extrait d’Ouragan. Les élèves ont le choix de raconter ce qui arrive aux personnages après l’ouragan ou de décrire la ville après la catastrophe. Cette activité sert à évaluer l’apprenant formativement en écriture et sommativement en lecture. C’est parce que nous avons davantage travaillé la lecture que nous préférons évaluer la compréhension du roman de Gaudé. De plus, comme l’apprenant doit pasticher un usage hors-norme de la langue (principalement de la ponctuation), il nous semble difficile de l’évaluer de façon sommative en écriture. Les grilles d’évaluation et la page servant à la rédaction se retrouvent dans le cahier de lecture — versions de l’élève et de l’enseignant (voir site Internet).


La consigne d’écriture est la suivante :

Laurent Gaudé utilise de façon hors-norme la juxtaposition dans son œuvre. C’est maintenant à ton tour de pasticher le style de cet auteur. Lis attentivement la consigne d’écriture ci-dessous :

¤¤¤

Après avoir lu et analysé Ouragan de Laurent Gaudé, complètes individuellement l’extrait suivant en rédigeant une phrase. Tu as le choix entre : A) décrire la ville après l’ouragan ou B) raconter le destin de différents personnages concernant ce qu’il est advenu d’eux après la catastrophe. Pour réaliser cette activité, tu dois tenir compte des caractéristiques des personnages (traits physiques et psychologiques; évènements survenus dans la vie des personnages), de tes connaissances sur le cataclysme Katrina, mais aussi — et surtout — des changements de focalisation. Pour que ton pastiche s’insère bien dans le roman de Gaudé, il t’est fortement conseillé de juxtaposer et de coordonner les groupes de la phrase. Ton texte sera destiné aux autres élèves de la classe. Il faudra donc qu’il soit compréhensible par des élèves du même âge que toi.

Ton texte doit compter entre 200 et 250 mots. Il doit être rédigé à l’encre.

 

Voici l’extrait que tu dois compléter :

Extrait

[…] Tout craque dehors. Les femmes prient à voix basse sur la tête de leurs enfants. Ils se serrent, jambes entremêlées, bras enlaçant les corps des plus petits, haleine dans les cheveux. Les ténèbres, à l’extérieur, font un bruit de tambour. Que restera-t-il de la ville? … [Que restera-t-il de nous?]                                                     (Gaudé, 2014 : 67)

 

Option A : La description de ce qu’advient de la ville commence immédiatement après : « Que restera-t-il de la ville? »

Option B : Le récit du destin de différents personnages concernant ce qu’il est advenu d’eux après la catastrophe commence immédiatement après : [Que restera-t-il de nous?]

 

 

De plus, l’élève doit répondre à des questions métacognitives portant sur ses forces et sur ses faiblesses en tant que scripteur.


Exemples de questions métacognitives à la suite de l’activité d’écriture :

- Comment ton travail de planification t’a-t-il aidé à écrire ton texte? Donne-moi un exemple. Qu’aurais-tu pu faire de mieux?

- As-tu trouvé difficile de pasticher cet auteur? Pourquoi?

- Qu’est-ce qui t’a posé le plus de difficulté? Quelles solutions pourraient contrer le(s) problème(s) rencontré(s)?

- Que crois-tu avoir le mieux réussi? Pourquoi?

 

La 10e activité consiste en un retour sur l’ensemble des activités de compréhension et d’analyse de l’œuvre. L’élève est amené à revenir sur la notion de « catastrophe » : il doit donner une nouvelle définition de ce terme en expliquant ce qui a changé ou non depuis le début de la séquence. L’apprenant doit aussi identifier son personnage préféré et déterminer si les impacts de Katrina ont été plus positifs ou négatifs dans la vie des personnages en s’appuyant sur des extraits du texte. Ces questions de réaction permettent à l’enseignant de vérifier si l’élève a réellement saisi l’essence de l’œuvre et compris le travail fait sur les personnages. Enfin, l’élève identifie les forces et les faiblesses de la séquence didactique (rétroactions sur l’enseignement reçu).

 

Pour conclure, notre séquence didactique portant sur Ouragan permet aux élèves d’acquérir des connaissances sur la narration et sur les ressources langagières liées à la ponctuation, tout en développant des compétences à cet égard à la fois en lecture et en écriture. La séquence nous permet d’ailleurs de travailler des stratégies d’écoute et la compétence transversale Exploiter l’information pour permettre aux élèves de se créer des attentes de lecture. Par ailleurs, l’étude de cette œuvre permet d’aborder des thèmes actuels et profondément humains, dont la résilience, le croisement des destins, ainsi que la catastrophe naturelle qui chamboule l’être au plus profond de lui-même et qui devient, par extension, un « séisme intime ». Malgré le fait que la finalité première de notre séquence didactique soit cognitive et langagière, les élèves sont néanmoins amenés à vivre une expérience de lecture subjective forte en émotions qui leur permettra de se questionner sur la fragilité de la condition humaine au cœur du chaos naturel. Nous avons donc tenté d’instaurer un équilibre entre la distanciation et la participation de l’élève en tant que lecteur.

 

 

 

Bibliographie

 

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MINISTÈRE DE L’ÉDUCATION, DU LOISIR ET DU SPORT (MELS). (2011). Progression des apprentissages au secondaire. Français langue d’enseignement. Québec : gouvernement du Québec, site du MELS, 88 p.

PUDLOWSKI, C. (2010, 19 aout). Laurent Gaudé — écrivain — Ouragan. [vidéo en ligne]. Durée : 7 min 16 s Repéré le 23 mars 2016 à : http://www.dailymotion.com/video/xehwsm_laurent-gaude-ecrivain-ouragan_news

 

(S.A.) (2012, 16 juillet). 20 heures le journal : [émission du 1er septembre 2005], [vidéo en ligne]. Écoute de 1 min 30 s à 13 min 28 s Repéré le 23 mars 2016 à :https://www.youtube.com/watch?v=rtK02oryYys

 

TREMBLAY, M. (1982). En pièces détachées. Montréal : Leméac Éditeur, 72 p. Extrait choisi dans CADIEUX, C., LAURENDEAU, S., PRONOVOST, S. et BOULIANNE, A. (2007). « Les ruelles de Tremblay ». Commission scolaire des Affluents, repéré le 13 avril 2016 à :http://artslll.csaffluents.qc.ca/sites/csaffluents.qc.ca/ artslll/IMG/pdf/Les_ruelles_de_Tremblay_20071116.pdf

 



[1] L’adresse de notre site Internet est la suivante : http://laurencecroteau.wix.com/sequenceouragangaude. Sur ce site se retrouvent toutes les activités (journal de lecture et activités complémentaires), leur corrigé, en plus des reportages à faire visionner aux élèves et des prérequis pour la séquence.

 

[2] Il est à noter que cette activité a été bâtie en fonction des pages 30-31 du roman à l’étude. Les enseignants peuvent s’inspirer de cette activité s’ils veulent travailler sur d’autres passages du roman qu’ils jugent pertinents à analyser en regard des changements dans la narration et dans la focalisation.


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